Revue de presse féministe & internationale du 23 au 30 juin
30 juin 2023TRIBUNE – La France doit se mobiliser pour protéger toutes les filles et les femmes de l’Union européenne
7 juillet 2023Revue de presse féministe & internationale du 30 juin au 7 juillet
FRANCE
Le rapport du Haut Conseil à l’Egalité dresse le bilan de la diplomatie féministe française.
Ce lundi, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a remis son rapport d’évaluation sur la diplomatie féministe. Un rapport en demi-teinte qui dresse un bilan mitigé de la politique extérieure féministe de la France, et érige de nombreuses recommandations dans le but de renforcer la diplomatie féministe dans un contexte international de recul des droits des femmes.
Le rapport sur le bilan de la stratégie internationale de la France pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022), intitulé « Diplomatie féministe : passer aux actes », Le rapport est écrit par la Commission « Diplomatie féministe : enjeux européens et internationaux », co-présidée par Jocelyne Adriant-Mebtoul et Nicolas Rainaud. Il a été officiellement remis le 3 juillet dernier à Isabelle Rome, ministre de la Diversité et de l’Egalité des chances, et Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, alors que son Ministère prépare sa stratégie des cinq prochaines années.
La France est un des quelques pays au monde à mettre en œuvre une diplomatie féministe depuis 2019, aux côtés de la Suède pionnière, le Canada ou encore du Mexique. Créé par l’ancienne ministre des Affaires étrangères suédoise Margot Wallström, le concept de diplomatie féministe consiste à défendre les droits des femmes et promouvoir l’égalité femmes-hommes à travers les relations diplomatiques du pays. Cette politique étrangère féministe doit être effectuée autant au niveau externe, en incluant les enjeux de droits des femmes et d’égalité dans toutes les dimensions de la politique diplomatique du pays, du commerce et de l’économie à la défense du climat, qu’au niveau interne, en promouvant une participation paritaire des femmes à la mise en œuvre de cette politique et en assurant leur accès aux plus hautes fonctions au sein du ministère. Par exemple, au niveau externe, le président de la République avait inclus au cœur de sa visite diplomatique au Tchad de 2018 l’autonomisation des femmes africaines et leur accès aux soins. Au niveau interne, le ministère des Affaires étrangères et de l’Europe a lancé en 2012 un plan d’action triennal consacré à l’égalité professionnelle au sein de son administration.
Le rapport bilan fait un état des lieux mitigé de la première phase du lancement de la diplomatie féministe française, la qualifiant comme encore insuffisamment définie, portée et financée. Concernant la définition, le comité en charge du rapport critique le manque de cadre conceptuel en France, et compare sa stratégie à celle de l’Allemagne, qui base sa conception de diplomatie féministe sur les « 3R » (Rights, Representation, Resources). Le rapport dénonce également un portage politique encore trop peu assumé et trop ancré dans la culture du compromis. Il salue néanmoins le leadership politique français lors de deux grands événements, le Forum Génération Égalité (FGE) co-organisé avec le Mexique en 2021, et le sommet du G7 à Biarritz en 2019, qui a permis la création du Partenariat de Biarritz pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce portage politique s’est pourtant essoufflé, notamment au sein des relations bilatérales, alors même que les droits des femmes connaissent un recul préoccupant autour du monde. Enfin, le rapport a mis en lumière le manque de ressources allouées à la mise en œuvre de la diplomatie féministe du pays. Des améliorations sont pourtant à noter, telles que les progrès dans les pratiques internes du ministère en termes d’égalité professionnelle ou encore l’intensification du plaidoyer multilatéral dans les instances internationales.
Les dix-huit recommandations préconisées par le rapport se concentrent aussi sur ses 3 axes : définir, assumer et financer. Pour améliorer la définition de la diplomatie féministe française, la commission recommande notamment de proposer une définition claire et un manuel de mise en œuvre de la doctrine, d’élaborer une approche transversale de cette diplomatie afin d’assurer sa mise en œuvre systématique dans tous les domaines de la politique étrangère. En deuxième lieu, pour assurer un portage politique assumé, le rapport recommande de créer un poste d’ambassadrice et des équipes dédiées à la diplomatie féministes, avec des ressources suffisantes.
Toujours au niveau interne, les recommandations évoquent la nécessité de mettre en place une coordination interministérielle sur le sujet, ainsi qu’une amélioration de la parité professionnelle à tous les niveaux. Il encourage également la promotion de la politique étrangère féministe à l’international et en particulier au niveau de l’Union européenne.
Enfin, le dernier axe de recommandation appelle à un meilleur financement de la diplomatie féministe, notamment en lui dédiant un budget spécifique et en intensifiant la budgétisation sensible au genre (gender budgeting) dans le pays. Le rapport préconise enfin d’accroître les financements aux organisations féministes ainsi qu’aux organisations internationales dédiées aux thématiques d’égalité et de droits des femmes. Il appelle en guise conclusion à une deuxième phase d’une diplomatie féministe plus volontariste.
Pour en savoir plus, retrouvez le rapport complet du HCE : cliquez ici.
Et les recommandations du HCE : cliquez ici.
BELGIQUE
La première loi anti-féminicide d’Europe !
La Chambre des Représentants belge a adopté, ce jeudi 29 juin, la loi « Stop Féminicide », véritable avancée historique en matière de protection et de prévention des violences fondées sur le genre.
Après de longues années de mobilisation de la société civile belge et de travail acharné de la secrétaire d’État à l’Égalité des chances et à la Diversité, Marie-Colline Leroy, et sa prédécesseure Sarah Schlitz, le Parlement belge a officiellement voté l’adoption de cette loi-cadre. Le texte représente une petite révolution, offrant un cadre légal avancé consacré aux féminicides. Les féminicides, qu’on estime au nombre de 18 l’année dernière en Belgique, nomment le fait de tuer une femme parce qu’elle est une femme.
La loi « Stop Féminicide » est composée de plusieurs dimensions complémentaires, en commençant par une définition juridique du féminicide, l’inscrivant ainsi dans la législation belge. Le choix d’une loi plutôt que d’une réforme du Code pénal a d’ailleurs été préféré afin d’offrir une meilleure définition du terme. La loi propose en effet une définition précise en distinguant quatre types de féminicides : les féminicides intimes (commis par un.e partenaire), les féminicides non intimes (commis par un.e tiers), les féminicides indirects (survenant suite à des pratiques violentes, à l’instar de las mutilations génitales féminines), et les homicides fondés sur le genre (homicide d’une personne en raison de son genre). Les violences qui précèdent les féminicides, nommément les violences sexuelles, psychologiques et le contrôle coercitif sont également inscrits dans la législation.
Plus ambitieux, cette loi a pour projet de traiter le problème à la racine. Pour cela, des dispositifs de recensement sont mis en place. Une collecte de données sur les féminicides est créée au niveau étatique, alors que jusqu’ici, seules quelques associations se chargeaient de décompter les victimes. En parallèle sortiront un rapport quantitatif statistique annuel ainsi qu’un rapport qualitatif tous les deux ans. La loi crée également un comité scientifique d’analyse des féminicides dans le but de mieux identifier ces crimes.
Enfin, cette nouvelle législation crée de nouvelles formations pour les forces de l’ordre et les magistrat·es, qui seront formé·es spécifiquement sur cette loi, afin de mieux reconnaître les mécanismes de violences qui précèdent les féminicides. La loi crée aussi de nouveaux droits pour les victimes de tentative de féminicides, afin d’améliorer leur prise en charge auprès des forces de l’ordre. Par exemple, les victimes de violence non-aiguë pourront désormais déposer plainte en ligne. Par ailleurs, dans les commissariats, les victimes pourront choisir d’être interrogées par un policier ou au contraire une policière.
Bien que la loi « Stop Féminicide » représente une avancée juridique historique, les pays européens ne suivent pas. Seules l’Italie et l’Espagne ont inclus le terme féminicide dans leur Code pénal. En Amérique latine, de nombreux pays reconnaissent le féminicide comme un crime spécifique dans le leur, à l’instar du Chili, du Mexique et de l’Argentine. Au contraire, en France, le terme féminicide n’est nommé explicitement ni dans une loi ni dans son Code pénal.
Pour en savoir plus, retrouvez le site de l’ancienne secrétaire d’État à l’Égalité des chances Sarah Schlitz : cliquez ici.
RTBF, « C’est historique : la Belgique adopte une loi contre les féminicides », 30 juin 2023.
NEON, « La Belgique devient le premier pays d’Europe à adopter une loi anti-féminicide », 4 juillet 2023.
TAÏWAN
Le mouvement #MeToo fait enfin surface !
En 2015, le mouvement #MeToo explosait aux Etats-Unis et s’étendait à tout l’Occident en 2017, faisant état des violences sexuelles auxquelles les femmes sont confrontées au quotidien. Toutefois, ce mouvement rencontrait des difficultés à émerger en Asie, en juin 2023 le mouvement explose enfin à Taïwan et se répand sur toute l’île.
Près de huit ans après l’émergence du mouvement #MeToo aux Etats-Unis, l’archipel connaît depuis fin mai une libération de la parole des victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles, qui vise aujourd’hui près d’une centaine d’hommes politiques, artistes et autres célébrités du pays.
Beaucoup attribuent cette vague de libération de la parole à la série à succès de Netflix, Wave Makers, dont les épisodes mettent en scène une jeune employée d’un parti progressiste, victime de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Alors que certains cadres cherchent à étouffer l’affaire en pleine campagne présidentielle, sa responsable insiste, dans une réplique devenue culte, pour « ne pas laisser passer ces choses, sinon on va dépérir ».
A Taïwan, la fiction est devenue réalité, puisque les dénonciations ont commencé au niveau politique après que Chen Chien-Jou, ancienne employée du Parti Démocrate Progressiste (DPP) actuellement au pouvoir, ait parlé sur Facebook de son agression par un réalisateur lors d’un trajet de voiture à la suite d’un tournage pour le DPP. Elle écrit s’être plainte auprès d’un haut responsable du parti, Hsu Chia-Tien, alors chargé du département d’égalité des sexes, qui lui aurait répondu « Et donc ? Que voulez-vous que je fasse ? ». Le Parti Démocrate Progressiste (PDP), issu des mouvements militants réprimés pendant la dictature, n’avait d’autre choix que de réagir de manière exemplaire. A quelques mois des élections générales de janvier 2024, plusieurs figures du parti ont démissionné.
Ce mouvement, qui a commencé dans la sphère politique, s’est depuis étendu aux sphères académique, médiatique, sportive et du divertissement. Aujourd’hui, plus d’une centaine de célébrités sont mises en cause.
Pourtant, Taïwan s’est hissé au rang des meilleurs élèves mondiaux en matière d’égalité femmes-hommes et présente le Parlement le plus paritaire d’Asie, ainsi qu’une femme présidente, Tsai Ing-Wen ! Mais la société taïwanaise, encore très conservatrice et marquée par la culture chinoise du confucianisme traditionnel, le dialogue autour des questions de genre reste limité.
Dans le pays, le harcèlement sexuel est monnaie courante, certains dénoncent une “expérience” à laquelle toute femme taiwainnaise est préparée et s’attend. Une étude nationale a démontré que les jeunes filles étaient les plus vulnérables à ces abus. Le taux d’agressions sexuelles observé chez les femmes de 12 à 17 ans était de 54,8% entre 2000 et 2015 (Source). Cependant, l’organisation taïwanaise Modern Women’s Foundation estime que 90% des victimes de violence sexuelle ne signalent pas les faits à la police (Source). La société taïwanaise a fondamentalement besoin d’évoluer sur ces sujets. Dans le mouvement taïwanais, beaucoup de survivants qui se sont exprimés sont également des hommes. Le défi est grand et doit engendrer de réels changements, profonds, dans la façon de se comporter en société.
Libération, « #MeToo secoue Taiwan : « Les violences sexuelles, cela arrive à tout le monde, partout et tout le temps » », 2 juillet 2023.
The China Project,« Meet the woman who launched Taiwan’s MeToo movement, Chen Chien-Jou », 3 juillet 2023.
MALTE
Une fausse avancée pour le droit à l’avortement : le pays adopte une loi très restrictive.
Jusqu’à présent, Malte était le seul État membre de l’Union européenne où l’IVG restait illégale en toute circonstance.
Début juin 2023, une femme est arrêtée pour avoir ingérée des pilules abortives. A la suite de son arrestation, elle bénéficie d’une libération conditionnelle, toutefois le tribunal précise que sa situation (elle vivait une relation abusive) n’excuse pas son acte.
Retrouvez l’article que la CLEF avait consacré à cet événement, au mois de juin 2023 : cliquez ici.
Cette affaire a fait beaucoup de bruit dans le pays, si bien que le parti travailliste au pouvoir envisageait de modifier la loi relative à l’IVG, malgré l’hostilité de la population et des institutions maltaises.
Ce mercredi 28 juin, le parlement maltais a adopté, à l’unanimité, un loi autorisant l’avortement, bien que celle-ci reste très restrictive. En effet, la loi n’autorise l’avortement que dans un seul cas : si la vie de la femme est en danger et que le foetus n’est pas viable.
La version définitive du texte précise que si la vie de la femme n’est pas en danger imminent, la décision d’avorter nécéssite l’avis d’une équipe de trois médecins. L’avortement ne peut donc avoir lieu que si le foetus n’est pas viable et si toute autre procédure médicale autorisée a été exclue. La proposition de loi initiale de dépénalisation, complétée par cet amendement restrictif, augmente en réalité le nombre de situations dans lesquelles un avortement resterait un délit. Cette loi engendre des retards et obstacles pour les personnes enceintes ayant besoin de soins médicaux.
Les militants pro-choix regrettent que cette loi ne fasse pas figure de réelle réforme. Le texte est dénoncé, les militant.es estiment que la vie des femmes serait mise, à nouveau, en danger. Marcellin Naudi (académicienne et militante) déclare en s’adressant à une commission parlementaire, “Vous nous avez donné de l’espoir, mais seulement pour revenir à vos anciennes positions”. En effet, malgré l’ancienne législation qui interdisait totalement l’avortement, aucun des médecins du pays ayant pratiqué un avortement pour sauver la vie d’une femme n’a été poursuivi par la justice. Ils risquaient toutefois une peine de quatre ans de prison, tandis que la femme qui avortait en risquait trois.
Malgré ce constat en demie-teinte, c’est la première fois dans le pays qu’une loi favorable à l’avortement est adoptée. Bien que le chemin soit encore long, il faut retenir que ce vote représente un petit pas vers la légalisation de l’avortement.
Le Monde,« Malte adopte une loi très restrictive autorisant pour la première fois l’avortement », 28 juin 2023.
Amnesty International, « Malte, regrettable recul sur le droit à l’avortement », 28 juin 2023.
Figure du journalisme québécois, féministe engagée mais controversée, l’autrice et chroniqueuse s’est éteinte ce mardi à l’âge de 82 ans.
Femme de lettres, Denise Bombardier porta de nombreuses casquettes au long de sa carrière : journaliste, autrice, chroniqueuse, documentariste ou encore productrice. Après avoir obtenu son doctorat en sociologie à la Sorbonne en 1974, elle commence rapidement à travailler pour la société Radio-Canada. Elle y anime plusieurs émissions dans les années 1970, et devient ainsi la première femme à animer une émission politique au Québec avec Noir sur Blanc en 1979. L’animatrice travaillera pendant plus de trente ans à Radio-Canada, marquant ainsi durablement le paysage médiatique québécois en étant une des premières femmes à s’y imposer. Après avoir été écartée de la chaîne au début des années 2000, Denise Bombardier se consacre ensuite à la chronique et à l’écriture.
Denise Bombardier s’est aussi illustrée dans la dénonciation des abus sexuels et des abuseurs, ayant elle-même subi des assauts d’un réalisateur alors qu’elle était mineure. La journaliste a notamment marqué les esprits en 1990 sur le plateau d’Apostrophes lorsqu’elle avait, bien avant le mouvement #MeToo, confronter l’écrivain Gabriel Matzneff qui parlait de ses relations sexuelles avec des filles mineures. Face à la complaisance des invité·es sur le plateau, Denise Bombardier n’avait pas hésité à dénoncer cette apologie de la pédocriminalité. En 2011, l’autrice avait également co-écrit avec Françoise Laborde le livre Ne vous taisez plus ! suite à l’affaire Dominique Strauss-Kahn.
Néanmoins, habituée des polémiques et des controverses, Denise Bombardier était aussi connue pour son féminisme conservateur, et ses prises de position contre les « dérives du progressisme ». Elle avait notamment été écartée de Radio-Canada après trente ans de carrière suite à des dérapages homophobes lors d’un entretien avec un militant du mariage pour tous.
ELLE, « La journaliste Denise Bombardier, figure littéraire et féministe, est morte à l’âge de 82 ans« , 5 juillet 2023.
Le Monde, « Denise Bombardier, journaliste québécoise reine des coups de gueule et des controverses, est morte », 5 juillet 2023.
Série La Diplomate
La Diplomate est une série disponible depuis le 21 avril dernier sur la plateforme de streaming Netflix. Cette série met en scène Katherine Wyler interprétée par Keri Russell. Celle-ci joue une femme politique habituée des zones de conflits du Moyen-Orient, qui atterrit finalement à l’ambassade des Etats-Unis au Royaume-Uni.
Ce nouveau rôle phare pour la diplomate ne va pas être de tout repos. En effet, elle doit gérer un grand nombre de crises internationales mais également des crises plus personnelles. La diplomate Wyler se retrouve au Royaume-Uni avec son mari, ancien ambassadeur, mettant en scène une ambiance épineuse entre les époux qui ne se supportent plus.
Ce sont 8 épisodes attribués à une femme proche de la cinquentaine à la tête d’un des postes les plus importants du monde. Un message puissant de la réalisatrice Debora Cahn, qui met en scène une femme forte, au caractère influent, cassant ainsi les clichés sur les femmes politiques.
La série connait un large succès dès sa sortie, notamment grâce à un synopsis haletant, une touche d’humour et une rare occurrence d’une femme de plus de quarante ans comme personnage principal d’une série à la croisée entre l’espionnage et la diplomatie. En effet, l’INSEE a fait remarquer que sur l’ensemble des films français sortis en 2021, seuls 7 % des rôles ont été attribués à des comédiennes de plus de 50 ans.