TRIBUNE – La France doit se mobiliser pour protéger toutes les filles et les femmes de l’Union européenne

Revue de presse féministe & internationale du 30 juin au 7 juillet
7 juillet 2023
Revue de presse féministe & internationale du 7 au 13 juillet
13 juillet 2023

TRIBUNE – La France doit se mobiliser pour protéger toutes les filles et les femmes de l’Union européenne

TRIBUNE

La France doit se mobiliser pour protéger

toutes les filles et les femmes de l’Union Européenne

 

Le 07 juillet 2023

Une tribune co-écrite par :

– Céline Thiebault-Martinez, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (la CLEF), présidente ;
– Alyssa Ahrabare, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes (la CLEF), vice-présidente ;

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Monsieur le Président,

Il est urgent et nécessaire que vous preniez la peine de nous lire, indispensable que vous écoutiez les voix nombreuses et insistantes qui réclament sans succès votre oreille.

Ces voix vous les connaissez : ce sont celles que vous disiez avoir entendues lors de votre campagne de 2017, au cours de cette grande marche qui a fait de vous le Président de la République française. Ces voix dénonçant les violences contre les filles et les femmes avaient été si fortes qu’elles vous avaient conduit à faire de ce sujet la grande cause de votre premier quinquennat. Après avoir déclaré notre cause au cœur du débat public, vous l’avez à présent déclassée, reléguée, pour préserver quelques sombres équilibres politiques, en France et au niveau européen.

Venons-en aux faits : le 8 mars 2022, profitant de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, la Commission européenne a lancé le projet d’une directive européenne sur les violences contre les femmes et les violences domestiques. En tant que féministes, nous y avons vu une opportunité majeure pour la diplomatie féministe française.

C’était l’occasion d’étendre à l’ensemble de l’UE, les principes du refus de l’exploitation et de la marchandisation des femmes qui figurent dans notre corpus juridique.

C’était l’occasion d’harmoniser la criminalisation du viol en Europe, crime sexuel dont les femmes et les filles sont victimes de manière disproportionnée et dont les conséquences psychotraumatologiques impactent les vies de manière dramatique.

C’était l’occasion de défendre et protéger les femmes les plus précarisées : femmes migrantes, racisées, porteuses de handicap, jeunes femmes et mineures, femmes victimes de violences, femmes en zones de conflit ou de catastrophes naturelles… Ces mêmes femmes qui sont ciblées et exploitées par les proxénètes et des réseaux de traite des êtres humains, comme l’a démontré l’OSCE quelques mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

C’était l’occasion de véritablement entériner les principes de solidarité et d’égalité qui fondent l’Union Européenne, de s’assurer que les droits fondamentaux qu’elle défend ne bénéficient pas seulement à ceux et celles qui sont les plus privilégiés mais véritablement à chacune et à chacun.

C’était l’occasion… Une occasion manquée. 

Les associations françaises se sont mobilisées auprès du Parlement Européen et du Conseil de l’Europe tout au long du processus des négociations. Nous avons alerté les différents ministères pertinents sur les enjeux de défendre un texte qui portait beaucoup d’espoir. Nos efforts ont fait face au double discours de la France sur les droits des femmes. 

Venons-en au viol. Alors que la criminalisation du viol était intégrée dans la proposition de la Commission Européenne, le Conseil de l’Union Européenne, dans ses travaux, a décidé d’abandonner cette mesure essentielle, sans laquelle le projet de directive perd une immense partie de son intérêt et de sa substance. Parmi les Etats du Conseil, certains se mobilisent : la Grèce, le Luxembourg, l’Italie, la Belgique protestent. Ils insistent pour préserver cette mesure qui mettrait toutes les filles et les femmes résidant sur le sol de l’Union Européenne sur un pied d’égalité quant au traitement de cette violence sexuelle qui, entre tabou et acceptation sociale, reste trop souvent impunie et honteuse pour celles qui la subissent. Certains Etats se mobilisent, oui, mais pas la France !

Monsieur le Président, la France que vous dirigez et représentez ne se mobilise pas pour que le viol devienne un crime dans l’intégralité des pays de l’UE, abandonnant ainsi les filles et femmes qui attendent depuis trop longtemps cette avancée précieuse dans certains pays. 

Pour justification à cette position inacceptable, la France met en avant un prétendu défaut de fondement juridique à l’inclusion de la criminalisation du viol dans le projet de directive. Pourtant, les différents articles concernant la définition d’infractions pénales portent soit sur la criminalité informatique, soit sur l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants. Dans le projet de texte, les mutilations sexuelles sont reconnues comme tombant sous le champ de l’exploitation sexuelle. Comment justifier que cette interprétation ne s’étendent pas au viol ? Quel est le véritable choix politique de la France vis-à-vis de cette directive, instrument précieux, historique et tant attendu ?  

Au niveau du Parlement Européen, même abandon français : certains euro-députés de notre pays, appartenant au groupe Renew (Renaissance), ont fait front pour empêcher que la criminalisation du proxénétisme et de l’achat d’actes sexuels soient intégrés au projet de directive. Ce même groupe a déposé un amendement proposant l’inclusion du concept de “prostitution forcée”, laissant dangereusement croire qu’une “prostitution choisie” pourrait exister, à contre courant de la loi  française d’abolition de la prostitution de 2016 qui reconnaît la prostitution comme un système au sein duquel la violence est inhérente. Nous comptions pourtant sur notre pays, figure de proue sur la scène internationale dans la lutte contre la marchandisation des femmes. Faut-il rappeler qu’en France plus de 75% des personnes prostituées sont entrées dans la prostitution avant 17 ans et que 70% des personnes prostituées en Europe sont issues des migrations ?

Il n’est pas trop tard : le Parlement européen votera sa version du texte le 13 juillet, suite à quoi auront lieu les trilogues, les négociations entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Union Européenne. Cette étape est clef ! Au cours de ce processus, nous appelons la France à tenir ses engagements et à devenir le porte parole des droits des filles et des femmes. Nous avons besoin de la France pour avancer dans le chemin tortueux de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, pour que toutes les filles et toutes les femmes d’Europe et du monde jouissent pleinement de leurs droits fondamentaux et d’une vie sans violence.

Monsieur le Président, en 2017, vous disiez nous avoir entendu. 6 ans plus tard, nous en attendons la preuve tangible.

Ahrabare Alyssa, Osez le Féminisme !

Thiebault-Martinez Céline, Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes

 

Co-signataires :

Battistel Marie Noëlle, Députée

Bidard Hélène, Adjointe à la Maire de Paris en charge de l’égalité femmes hommes, de la jeunesse et de l’éducation populaire

Boccara Frédéric, PCF, Membre honoraire du CESE, Membre du Bureau Exécutif du Parti de la Gauche Européenne (PGE)

Bonnafous Élodie, Adjointe au maire

Botella Laure, Secrétaire nationale adjointe, en charge de la lutte contre les violences faites aux femmes et des politiques d’égalité au Parti Socialiste

Bouchet Bellecourt Sylvie, Ancienne Députée

Charrier Christelle, Conseillère municipale

Clergeau Christophe, Député européen

Clergeau Marie-Françoise, Membre honoraire du parlement

Cohen Laurence, Sénatrice communiste

Coutelle Catherine, Présidente de l’Association des anciennes députées

Crozon Pascale, ancienne députée du Rhône.

Earle-Sabourin Anne, PCF

El Jaï Yasmine, Secrétaire nationale à la formation interne à l’égalité FH du Parti socialiste

Faure Olivier, Député, Premier secrétaire du Parti socialiste

Germain Jean-Marc, Conseiller régional d’Ile-de-France

Gondard Cécilia, membre du bureau, Parti Socialiste Européen

Guillaume Sylvie, députée européenne

Jardin Alexandra, Secrétaire nationale adjointe aux campagnes féministes au Parti socialiste

Lalucq Aurore, Députée au Parlement européen

Le Vern Marie, Secrétaire nationale aux droits des femmes au Parti socialiste

Martin Pascale, Députée de la Dordogne

Mayer-Rossignol Nicolas, Maire de Rouen, 1er Secrétaire délégué du Parti socialiste

Mebarek Nora, députée européenne

Meunier Michelle, Sénatrice de la Loire-Atlantique (PS)

Olivier Maud, Ex députée et Vice-présidente ECVF Elu.e.s contre les Violences faites aux Femmes

Rossignol Laurence, Sénatrice et Présidente de l’Assemblée des Femmes

Siry-Houari Gabrielle, Maire-Adjointe du 18e arrondissement de Paris, membre du Bureau national du PS

Tessier Nathalie, Conseillère municipale chargée de la délégation des droits des femmes et de la lutte contre les violences faites aux femmes Marseille

Wirden Shirley, Responsable nationale aux droits des femmes du PCF

Associations françaises :

Aubron Cathy, Femmes Solidaires Marseille

Bas Marie-Noëlle, Présidente des Chiennes de garde

Biard Gérard, Zéromacho

Boucheron Brigitte, Bagdam Espace lesbien

Bousquet Danielle, Présidente fédération nationale des centres d’information des droits  des femmes et des familles (FNCIDFF)

Caille laure, Libres MarianneS

Carer Françoise, présidente de la Maison des Femmes de Lille

Chambard Marie-Martine, Femmes contre les intégrismes

Chartier Nicole, ADIEF

Colombo Dany, Présidente adjointe Femmes Solidaires Marseille

Crépin Annie, FHEDLES

D. Blandine, Rebelles du genre

Dental Monique, Réseau Féministe « Ruptures » Présidente fondatrice

Devillers Marie Josèphe, CIAMS Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution

Ducos Laalia, Initiative de Femmes pour la Citoyenneté et les Droits Universels (WICUR)

Dupont Philippe, Mouvement National Le CRI

Féminicides France, Collectif Féminicides par compagnons ou ex

Firly Christine, Protéger les femmes

Fouché Nicole, Réussir l’égalité Femmes-Hommes

Fouchier Esther, Presidente Forum Femme Méditerranée

Guenet  Nadia, « La révolution sera feministe »

Halls-French Lilian, Co- Présidente Initiative Féministe Euro-Méditerranéenne (IFE-EFI)

Le Blay Adama-Sira, Olympe

Léon Manuela, Forum Femmes journalistes méditerranée

Lepinay Reine, Elles aussi

Machler Jonathan, CAP International

Martz Fréderique, Institut Women Safe & children

Mas Céline, présidente d’INU Femmes France

Montreynaud Florence, Front Féministe

Morin le Sech Catherine, CQFD Lesbiennes Féministes

Mpondo Grâce, Handi Femme Epanouie

Nicoli Elisabeth, Co-Présidentes de l’Alliance des femmes pour la démocratie

Piet Emmanuelle, Présidente du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV)

Pothier Marie Jo, Femmes libres

Rialin Chantal, Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir

Ritter Françoise, Présidente de l’Amicale du Nid

Salmon Sabine, Présidente de Femmes Solidaires

Schor-Attali Michèle, Présidente de l’ A.F.C.J ( Association Française des Femmes des Carrières Juridiques)

Soby Paule, LFID

Solis Alexine, Activiste abolitionniste et survivante de la prostitution

Spire jacqueline, Valeurs de femmes

Stoicea-Deram Ana-Luana, Collectif pour le Respect de la Personne CoRP

Thoral Hélène, FCI

Viard Valentine, présidente de BPW France

Vidaillet Marie-Jeanne, Présidente d’honneur du CNFF

Associations européennes et internationales :

Åström Gertrud, Women’s Baltic Peacebuilding Initiative

Balabanova Iliana, présidente du Lobby Européen des Femmes (European women’s Lobby)

Borg Anna, Malta Women’s Lobby

Carpita Chiara, President, Resistenza Femminista

Coordinamento Italiano della Lobby Europea delle Donne

Crespo Mireia, isala asbl, Director

Fereti Irene, Greek League for Women’s Rights

Fiducia Agnese, Activist against human trafficking

Fisher Anna, Nordic Model Now!

Guaje Nathalia, Swedish Women’s Lobby

Ioannidou Mika, Coordination of Greek Women’s NGOs for the EWL

Kanakaris Zandra, 1000 Möjligheter Secretary General

Kienesberger Anita, Verein Feministischer Diskurs

Nevado Bueno María Teresa, Lobby Europeo de Mujeres en España

Pavez Marchant Paulina , Nutricionista IBCLC

Polona Kovac, president Society Kljuc – centre against THB

Polyanina Anastasia, Nordic model central Asia

Roux Johansson Malin, RealStars Director

Ruby Till, Associazione IROKO, Projects and Communications Officer

Sapegno Maria serena, Università di Roma sapienza

Scutt Jocelynne A., Dr, WWAFE – Women Worldwide Advancing Freedom & Equality

Swede Julie, SPACE international

Tarasiewicz Małgorzata, NEWW-President

Teitelbaum Viviane, MP and president feminist observatory violence against women belgium

Zatelli Giulia, ICASM

Zec Nikolina, Women’ s Network Croatia

Zobnina Anna, Director, European Network of Migrant Women (ENoMW)

Cette tribune a été publiée dans le journal Le HUFFPOST, le 07 juillet 2023. Retrouvez l’article ici.