Revue de presse féministe & internationale du 23 au 30 juin

Mardi de la CLEF #23 : « Pourquoi les féministes du monde ont-elles besoin de la diplomatie féministe française ? »
26 juin 2023
Revue de presse féministe & internationale du 30 juin au 7 juillet
7 juillet 2023

Revue de presse féministe & internationale du 23 au 30 juin


MEXIQUE

La Cour Suprême autorise les femmes à contester les lois pénalisant l’avortement

 

En septembre 2021, le Mexique dépénalisait l’avortement. La Cour Suprême du pays décidait de rendre inconstitutionnelle la criminalisation de l’IVG ce qui représentait une avancée notable alors que plusieurs Etats d’Amérique du Sud entretiennent des politiques anti-avortement.

 

Toutefois, s’agissant d’une dépénalisation, cette décision ne rendait pas légal l’avortement dans le pays. Les articles déclarés inconstitutionnels à l’unanimité par les juges présents établissaient une jurisprudence dans le pays, qui a permis aux femmes qui vivent dans des États où l’avortement était criminalisé d’avoir accès à l’avortement sur décision d’un juge. Cet arrêt constituait également une opportunité pour les femmes emprisonnées pour avoir avorté de retrouver leur liberté. A l’époque, l’avortement restait illégal dans certains États, le Mexique étant un état fédéral, les états fédérés sont autonomes dans l’adoption de leurs lois.

Dans le pays, l’interruption volontaire de grossesse était alors dépénalisée dans 11 des 32 États ; la capitale Mexico l’a autorisé dès 2007 jusqu’à douze semaines de grossesses. Selon des données officielles, l’avortement médicamenteux est la méthode la plus utilisée dans le pays pour des avortements avant douze semaines.

Ce jeudi 22 juin 2023, la Cour Suprême a annoncé que les femmes vivant dans les États pénalisant l’avortement peuvent désormais déposer des recours concernant les lois interdisant l’avortement, qu’elles soient enceintes ou pas, selon la Cour, “la seule qualité de femme ou de personne capable de porter un enfant suffit pour se pourvoir en justice contre l’inconstitutionnalité des dispositions pénalisant l’avortement”. La Cour Suprême a permis aux femmes de contester ces lois en invoquant la raison que la pénalisation de l’IVG contrevient à « l’autonomie dans la reproduction, à la vie, à la non-discrimination, à la santé et à l’intégrité personnelle » des femmes.

Cette décision représente une réelle avancée pour le pays. En effet, en 2016 la Cour Suprême avait rejeté un projet de loi visant à déclarer inconstitutionnels les articles du Code pénal fédéral pénalisant l’avortement.  Ainsi, cette décision ouvre la voie à la légalisation de l’avortement au niveau national.

 

Libération, « Le Mexique dépénalise l’avortement après un vote « historique » « , 08 septembre 2021.
FranceInfo,  » Mexique : les femmes pourront contester les lois pénalisant l’avortement « ,  22 juin 2023.
Madame Le Figaro,  » Au Mexique, les femmes peuvent désormais contester les lois pénalisant l’avortement « , 24 juin 2023.
 

ETATS-UNIS

Qu’en est-il du droit à l’avortement un an après la révocation de l’arrêt Roe V. Wade ?

 

Le 24 juin 2022, la Cour Suprême des États-Unis révoquait l’arrêt Roe V. Wade. Depuis, chaque État peut adopter sa propre législation relative à l’IVG.

 

Cette décision a engendré l’interdiction de l’IVG dans 14 États ont durci le droit à l’IVG, parfois allant même jusqu’à l’interdire en cas de viol ou d’inceste. Cela a notamment engendré la fermeture de cliniques pratiquant l’avortement à fermer ou déménager. Parallèlement certains États comme l’Utah, l’Arizona ou la Floride ont pris la décision de restreindre le droit à l’avortement, en diminuant le délai légal d’avortement à 6 semaines par exemple.

L’accès à l’IVG reste menacé dans quatre États (Indiana, Wyoming, Ohio, Montana) où le pouvoir politique souhaite passer des lois visant à interdire ou restreindre l’avortement. Cependant, les tribunaux empêchent ces mesures de passer.

17 États ont toutefois pris la décision de renforcer et d’étendre le droit à l’avortement, à l’instar de la Californie, New-York, et Washington. Dans ces États, nous pouvons noter que la protection des patientes et des professionnel·es pratiquant des IVG a été particulièrement renforcée.

La question de l’avortement reste un débat houleux dans le pays, elle pourrait être l’un des enjeux les plus importants de la prochaine élection américaine de 2024, alors que 20% des Américain·es placent l’avortement en tête de leurs préoccupations pour le scrutin.

Si vous voulez en apprendre plus sur la situation État par État, nous vous redirigeons vers l’article de Ms. Magazine : cliquez ici pour le lien.

Le Monde,  » États-Unis : un an après Roe V. Wade, le droit à l’IVG État par État « , 24 juin 2023.
VOX ,  » The end of Roe, one year later « , 23  juin 2023.
Slate,  » IVG : un an après l’abrogation de Roe v. Wade, l’heure du bilan chiffré « , 25 juin 2023.

 

ETATS-UNIS / MEXIQUE

Ces femmes qui traversent la frontière pour avoir accès à l’avortement.

 

Depuis la révocation de l’amendement Roe V. Wade aux Etats-Unis, de nombreuses femmes américaines se rendent au Mexique pour avorter.

 

A la frontière avec les Etats-Unis, la ville de Neuvo-Progreso voit se multiplier les pharmacies où l’on peut se procurer des pilules abortives, sans demander d’ordonnance. Une boite de misoprostol est accessible pour 16,70$. Au Texas, seul un médecin peut prescrire cette pilule dans les six premières semaines de grossesse alors qu’au Mexique il suffit de le demander au comptoir. Les pharmacies ont vu le nombre de femmes américaines se rendant dans le pays se multiplier par trois dans les trois mois qui ont suivi la révocation de l’amendement Roe v. Wade.

Pour les femmes qui ne peuvent pas se rendre au Mexique, des organisations féministes mexicaines organisent le passage de pilules abortives vers les Etats-Unis afin de les transmettre aux femmes dans le besoin.

France TV Washington,  » Ces femmes qui traversent la frontière américano-mexicaine pour avorter « , 28 juin 2022.
France TV ,  » Mexique : des Américaines traversent la frontière pour avorter – Sur la ligne « , 13 janvier 2023.

MAROC

Les femmes se battent pour obtenir l’égalité.

 

Lors de la grève du 14 juin 2023 qui s’est déroulée dans le pays, la refonte du droit de la famille se trouvait au cœur des revendications des militantes féministes. De ce fait, elles exigent une révision du Code pénal et du Code de la Famille (Moudawana) afin de permettre une société plus égalitaire, protégeant les femmes des violences.

 

Les féministes marocaines multiplient les actions (rassemblements, campagnes sur les réseaux sociaux, conférences, etc.) pour sensibiliser l’opinion publique. Leur objectif est notamment de mettre la pression sur les parlementaires afin d’obtenir la refonte de ces textes.

La précédente réforme de la Moudawana, qui devait servir d’élan à d’autres réformes, s’est déroulée en 2004 et avait notamment octroyé aux femmes le droit de demander le divorce. Cependant, aucune réforme n’a eu lieu depuis. Le discours royal de juillet 2022 avait marqué le début de la réforme de la Moudawana,mais, 9 mois après, aucune initiative n’a encore été concrètement initiée. La Moudawana et le Code pénal sont des textes élaborés par les parlementaires, leur modification représentant un sujet sensible dans la pays, la plupart des parlementaires préfèrent l’immobilisme, attendant parfois un arbitrage royal comme ce fut le cas dans le cadre de la réforme de 2004.

Aujourd’hui les féministes revendiquent une refonte totale des textes afin d’acquérir une égalité totale en droit entre femmes et hommes. Les revendications principales concernent l’interdiction de mariage des petites filles, l’égalité dans l’héritage, mettre fins aux inégalités parentales inscrites dans le droit, la dépénalisation des relations sexuelles hors mariage, la légalisation de l’IVG ou encore l’interdiction de la polygamie.

Karima Nadir, militante féministe, met en avant le fait que la nouvelle Moudawana doit refléter l’évolution de la société marocaine, ses besoins, ses nouveaux modèles familiaux et rapports sociaux.

Les mobilisations qui ont lieu dans le pays témoignent du réel désir de mise en place d’une nouvelle Moudawana dans le pays. Les féministes expriment leur volonté de participer à la rédaction de cette nouvelle Moudawana, craignant les conservateurs et la promulgation d’un texte vidé de sa substance.

Le Temps,  » Au Maroc, les féministes se battent pour franchir une nouvelle étape « , 10 juin 2023.
MarocHebdo,  » Ghizlane Mamouni : « Les femmes ne veulent plus de miettes et les enfants méritent plus que des mesures partielles » « , 07  avril 2023.

UNION EUROPEENNE

Des avancées significatives pour la protection des droits des femmes dans le droit européen.

 

Cette semaine a été chargée à Bruxelles et s’est soldée par deux avancées pour les femmes européennes : 

 

Le vote du rapport d’initiative par la commission FEMM (Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres) sur l’abolition de la prostitution en Europe, sur l’initiative de l’eurodéputée allemande Maria Noichl (parti S&D)

Un projet de réforme qui demande une définition uniforme du viol qui se fonde sur le consentement pour l’ensemble du territoire européen, voté par les commissions FEMM (Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres) et LIBE (Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures).

Bien que l’adoption du rapport d’initiative n’ait pas de dimension contraignante et soit principalement symbolique, il affirme tout de même la position abolitionniste de la Commission FEMM. Ce rapport évoque la nécessité pour les Etats-membres de l’UE de lutter ensemble contre le système prostitutionnel, un système qui est à l’intersection entre des violences sexistes, racistes et oppressions de classe. Surtout, le vote de ce rapport rappelle la pertinence et la nécessité de combattre le système prostitutionnel depuis l’échelle européenne, notamment à cause des enjeux liés aux trafics et de traite qui lui sont inhérents. Il sera voté en plénière à la rentrée, en principe le 11 septembre 2023.

Concernant le projet de réforme qui s’inscrit dans la directive de lutte contre les violences faites aux femmes et aux violences domestiques (directive VAWG 2022/06), ce vote en Commissions s’inspire d’une proposition de la Commission d’uniformiser la qualification du viol sur l’ensemble du territoire européen, en se fondant sur le consentement. Les député·es souhaitent également établir une peine de 8 ans minimum de prison, peine qui pourrait s’alourdir en fonction de circonstances aggravantes. Les député·es proposent par ailleurs d’ajouter un certain nombre de circonstances aggravantes à l’instar du statut de résidence de la victime, la grossesse, l’intention de préserver ou de restaurer “l’honneur”…

Du côté du Conseil, la disposition sur la peine minimale de 8 ans a été retirée. Le document a été voté à 71 voix pour, 5 contre et 7 abstentions. La Parlement européen doit ainsi statuer sur un texte lors de sa plénière à Strasbourg du 10 au 13 juillet 2023. Le trilogue (c’est-à-dire les suites des négociations entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission) devrait ensuite débuter le 13 juillet en vue de s’accorder sur un texte final unique.

Toute l’Europe,  »  Pour le Parlement européen, le sexe sans consentement est un viol « , 28 juin 2023.

Sophie Lavaud est devenue, ce lundi, la première alpiniste française (femmes et hommes confondus), à gravir les quatorze sommets de plus de 8000 mètres de la planète.

 

Sophie Lavaud a commencé ce projet il y a onze ans, elle gravit par exemple le sommet Cho Oyu (à la frontière entre le Tibet, la Chine et le Népal)  en 2012, en 2014 elle entreprend l’ascension de l’Everest puis elle termine ce projet en 2014 avec le Nanga Parbat, dans la chaîne de l’Himalaya.

Avec cette dernière ascension, Sophie Lavaud rejoint le “club” d’une quarantaine d’alpinistes ayant réalisé l’ascension de tous les “8000”, où les femmes ne sont que quatre à avoir complété ce défi.

Elle commence l’alpinisme en 2004 après s’être lancée le défit de gravir le Mont Blanc avec un ami malade, dont c’était le rêve. Cette expérience représente un réel déclic pour l’alpiniste.

A côté de cette carrière sportive, Sophie Lavaud est entrepreneuse. Elle a créé une société spécialisée dans l’organisation de conférences sur les niches d’investissements liés aux pays émergents avec son frère. En 2008, la crise financière met à mal son entreprise qui ferme définitivement en 2011.

Cette nouvelle étape dans sa vie lui offre le temps de se consacrer plus pleinement à l’alpinisme, elle se consacre donc à sa passion et vit de celle-ci, la recherche de financements et les conférences représentant une grande partie de son métier aujourd’hui.

Sophie Lavaud regrette l’absence de femmes dans les expéditions de haute altitude, mettant en avant que beaucoup de femmes n’osent pas, ne se sentent pas capables de réaliser de telles expéditions, il peut être également difficile pour certaines de laisser leurs familles le temps d’une expédition (qui peut durer plusieurs mois). En réalisant certaines de ses expéditions en compagnie d’autres femmes alpinistes elle a l’ambition de pousser d’autres femmes à oser se lancer dans de telles aventures.

Le Monde,  »  Sophie Lavaud, première alpiniste française, tous genres confondus, à gravir les quatorze sommets de plus de 8000 mètres de la planète « , 26 juin 2023.
Montagnes magazine,  » Sophie Lavaud, himalayiste inclassable « , 28 juin 2023.
Madame Figaro,  » « Plus on monte, plus  notre corps se dégrade » : les confessions de l’himalayiste Sophie Lavaud sur la survie en « zones de mort » « , 26 juin 2023.

Podcast Ecoutez-nous bien ! #5 – les métiers féminisés

Ce mois-ci, la Fondation des femmes a consacré un épisode de son Podcast Ecoutez-nous bien ! aux métiers féminisés. Il a prêté le micro à Céline Thiebault-Martinez, présidente de la CLEF, ainsi qu’à la défenseuse des droits Claire Hédon et Maître Frédérique Pollet-Rouyer, avocate au barreau de Paris spécialisée en droit social, droit pénal et droit de la famille.

3 voix, 3 expertises et 3 analyses mais un seul constat : les métiers dans lesquels les femmes sont sur-représentées, notamment les métiers dit du CARE ou de l’accompagnement, sont largement mal payés, non reconnus. Pendant la petite heure de l’épisode, on comprend pourquoi : les compétences requises pour les tâches liées à ces métiers sont considérées comme “innées” chez la femme, et leur acquisition n’est donc pas valorisée. En somme, ces métiers sont considérés comme “facile”, “évident” pour les femmes. Céline Thiebault-Martinez revient alors sur le manque de reconnaissance de l’intelligence sociale extraordinaire dont doivent faire preuve les femmes qui travaillent dans l’accompagnement, notamment les aides à domicile.

Pour ne pas tout dévoiler ici, nous vous encourageons vivement à écouter cet épisode disponible sur toutes les plateformes de podcast et ici.

Pour continuer sur cette question, le Mardi de la CLEF de janvier 2023 était également dédié à la question des femmes dans les métiers du CARE, à revoir ici. Bonne écoute !