Revue de presse féministe & internationale du 14 au 21 avril
21 avril 2023Revue de presse féministe & internationale du 5 au 12 mai
12 mai 2023Revue de presse féministe & internationale du 28 avril au 5 mai
ITALIE
La pilule contraceptive enfin gratuite !
Véritable contre-courant du gouvernement conservateur, l’Agence italienne des médicaments (AIFA) vote pour la gratuité de la pilule contraceptive féminine dans le pays.
Depuis quelques années et notamment via l’élection du gouvernement de Giorgia Meloni, le droit des femmes à disposer de leur corps est de plus en plus menacé en Italie. En 2019, le ministère de la Santé estimait déjà que 67% des gynécologues du pays refusaient de pratiquer une IVG en invoquant la clause de conscience. Les femmes précaires et/ou isolées sont les plus touchées par les mesures concernant la contraception.
L’AIFA est une structure rendant des décisions indépendantes contre lesquelles le gouvernement ne peut s’opposer. Même si la majorité se montre hostile à la gratuité de la pilule contraceptive et demande à ce que l’Agence du médicament fasse marche arrière, le dispositif sera légalisé dans les prochaines semaines après examen par le conseil d’administration. Elle représentera 140 millions d’euros en charge de l’Etat et bénéficiera à toutes les italiennes, sans limite d’âge (à la différence de la France qui concède la gratuité aux femmes de moins de 26 ans).
Cette décision, votée le 22 avril, intervient quelques mois avant la réforme prévue de l’AIFA à l’été 2023 et se mêle à une autre mesure progressiste, celle de la gratuité du traitement contre le VIH (la Prep). Dans les faits, elle s’inscrit dans un courant de gratuité et d’accessibilité qui peinait à s’établir dans le pays. En effet, la pilule pouvait être obtenue gratuitement dans certaines régions seulement, et via des centres particuliers du planning familial. Désormais, les 2,5 millions de femmes sous pilule contraceptive n’auront plus à se soucier de son prix.
Mademoizelle,« L’italie rend la pilule contraceptive gratuite au grand dam de son gouvernement conservateur », 24 avril 2023.
PositivR, “Contre l’avis de son gouvernement ultra conservateur, L’Italie rend la contraceptive gratuite », 25 avril 2023.
MONDE
26 avril : Journée mondiale pour la visibilité lesbienne
Reconnue par la France en 2021, le 26 avril est la journée mondiale de la visibilité lesbienne. Cette journée de la visibilité lesbienne est célébrée dans de nombreux pays à travers le monde.
Depuis un angle intersectionnel, les lesbiennes sont en proie à une double discrimination : une liée à leur sexe féminin, une liée à leur orientation sexuelle. Elles sont donc d’autant plus invisibilisées et peuvent procéder à de l’autocensure afin d’éviter des menaces lesbophobes. Selon le rapport de 2022 de SOS Homophobie, ces menaces représentent 12% des cas d’homophobie recensés.
Ainsi, la représentation des lesbiennes dans l’histoire, les médias, ou les arts, est souvent passée sous silence ou alors stéréotypée. Au cinéma, sous le regard d’un réalisateur masculin, l’amour lesbien est très souvent retranscrit sous des biais hétéronormés. Il n’a ainsi pas pour but de s’adresser à un public concerné ni même de rendre la réalité à l’écran mais au contraire, participe à l’invisibilisation lesbienne (parmi eux, La vie d’Adèle de Abdellatif Kechiche).
L’histoire du parcours des femmes lesbiennes et de leur lutte est également un angle mort de la culture publique et populaire. Bien que la célèbre artiste du XXème siècle Rosa Bonheur ait pu faire l’objet d’une exposition de ses oeuvres il y a quelque mois à Paris, sa vie de femme indépendante financièrement qu’elle partageait avec une autre femme n’a pas été évoquée. Pourtant, la peintre est une icône lesbienne et historique française, tout comme Madeleine Pelletier ou Elula Perrin. Mais ces noms n’ont certainement pas la même résonance que celle des grands hommes de ces deux derniers siècles, ni même celle des femmes hétérosexuelles ou bisexuelles (Colette, Simone de Beauvoir…).
Comme l’exprime le média Madmoizelle, “cette journée incite donc à une prise de conscience pour offrir des représentations plus justes”. En effet, le phénomène d’invisibilisation a des conséquences négatives sur l’imaginaire collectif et sur la vie des personnes lesbiennes : engendrer de la haine lesbophobe, un manque de repère pour les femmes lesbiennes et un silence des violences quotidiennes qu’elles peuvent subir. Par exemple, l’association SEO Lesbienne souligne que le referencement google du mot “lesbienne” est encore associé à la pornographie.
Bien qu’elle peine à se faire entendre, la parole lesbienne ne souhaite pas se taire et certaines artistes osent parler de leur vécu, comme la chanteuse Hoshi. Le cinéma français commence, lui aussi, à être bien plus représentatif, notamment à travers les films de Céline Sciamma. Enfin, l’Observatoire de la Lesbophobie a lancé un projet de livre recueillant le témoignage de personnalités lesbiennes afin de lutter contre les violences.
Mademoizelle, « Visibilité lesbienne : de quoi on parle, et pourquoi c’est absolument essentiel », 28 avril 2023.
FRANCE
Une tribune pour accueillir les réfugiées afghanes
Vendredi 21 avril, 350 personnalités publiques ont appelé les autorités françaises à mener à bien sa “diplomatie féministe” envers les femmes afghanes. Parue dans le Monde, cette tribune à l’initiative de la journaliste Solène Chalvon Fioriti, souhaite lever l’inaction du gouvernement français quant à l’accueil des réfugiées afghanes, victimes de restrictions liberticides depuis le retour au pouvoir des Talibans il y a presque maintenant deux ans. Cette tribune, dont la CLEF est signataires, a eu un retentissement médiatique important.
Pourtant, le droit des femmes et l’égalité entre les sexes étaient en plein essor depuis deux décennies. Entre 2001 et 2021, les Afghanes ont repris leurs places à l’école, à l’université, au travail, dans la fonction publique… En seulement deux ans, ces mêmes personnes se sont vues privées de leurs acquis sociaux et réduites à des objets procréatrices, enchaînées au foyer conjugal. Celles qui tentent de s’échapper de l’enfer en rencontrent un autre : celui de l’exil et du danger qu’il comporte (précarité, violences, traite d’êtres humains…).
Pour les signataires de cette tribune, l’Europe et en particulier la France, se doivent de venir en aide à ces milliers de condamnées, isolées au Pakistan ou en Iran. Pourtant, tout semble corréler vers un abandon de cette aide humanitaire d’urgence. Le Parlement Européen ne s’est jamais prononcé sur son projet de “visa humanitaire spécifique” et la France n’a accueilli qu’un faible nombre de réfugiées dans l’urgence, principalement entre août et octobre 2021. Seule l’Allemagne semble toujours préoccupée par la question, ayant mis en place un programme d’accueil spécifique pour les Afghanes en octobre 2022. Cette exemplarité est au cœur des revendications féministes portées par la tribune : la France aussi doit être un modèle et mettre en place un tel programme. Par ce plan d’action, les signataires de la tribune souhaitent que l’Etat ouvre des places d’accueil supplémentaires en France et aide les réfugiées politiques en amont, dès leur fuite du pays totalitaire.
Parmi les rédactrices, Delphine Rouilleault, directrice de France Terre d’Asile, affirme que “mettre en place une diplomatie féministe aujourd’hui, c’est penser à des moyens de protection pour les filles et les femmes qui fuient la dictature”. En effet, mener une telle action humanitaire répondrait aux lignes directrices de la diplomatie féministe française à savoir, d’une part, la lutte pour la protection des droits femmes dans le monde, et de l’autre, la promotion globale d’une égalité de genre.
Pourtant, la tribune rappelle que les femmes laissées pour compte lors des évacuations d’urgence d’août 2021 se retrouvent aujourd’hui démunies dans les pays limitrophes. Rejoindre le continent européen n’est pas chose facile et la grande majorité de l’aide humanitaire ne provient non pas des Etats eux-mêmes, mais des associations et organisations présentes sur place. In fine, pour les signataires.trices de la tribune, la diplomatie féministe ne peut rester qu’une belle promesse presque mystérieuse en réponse à la grande cause du quinquennat. Elle doit répondre aux besoins concrets d’évacuation et de prise en charge des Afghanes, de leur exil à leur installation.
Le Monde, « Femmes afghanes : « La France, si prompte à affirmer conduire une diplomatie féministe, a les moyens d’agir pour elle », 21 avril 2023.
FRANCE
L’impunité des hommes coupables de violences sexistes
Deux auteurs condamnés des chefs d’agressions sexuelles et de viol mais également deux personnalités publiques. Pierre Ménès et Saad Lamjarred, deux personnalités publiques, écopent des peines d’emprisonnement mais sortent libres de la salle de procès.
Le chroniqueur sportif Pierre Ménès a été condamné mercredi 19 avril pour agression sexuelle sur une femme vendeuse de magasin, caméra surveillance à l’appui, et relaxé pour des faits similaires sur deux autres femmes en raison d’un manque de preuves. Alors qu’il se serait frotté à la jeune femme et collé sa poitrine contre la sienne, il n’a été condamné qu’à deux mois de prison avec sursis sans inscription au Fijais à savoir le “fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles”.
Quant au chanteur marocain Saad Lamjarred, ce dernier a été condamné à six ans d’emprisonnement pour viol avec violences mais a bénéficié, jeudi 20 avril, d’une liberté provisoire lui permettant de comparaitre libre jusqu’au jour de son procès en appel. Bien que la cour d’assise l’ait jugé coupable en première instance, l’appel a pour effet de suspendre cette culpabilité et de présumer à nouveau son innocence. De plus, selon les grands principes du droit pénal français, l’incarcération ne doit rester qu’une exception. Pourtant, en pratique, elle devient monnaie courante lorsque les mis en cause et condamnés sont poursuivis sur d’autres chefs ou lorsqu’ils n’ont pas de notoriété publique.
En bref, ces deux décisions pénales ont de faibles conséquences sur la punition des deux auteurs. Selon certaines associations féministes, leur donner la liberté, bien qu’aménagée, n’est pas une mesure proportionnelle à l’acte ; elle ne permettrait pas de réaliser la gravité des faits ni pour les auteurs, ni pour le reste du pays. Au contraire, cela souligne la faible prise en compte des faits de violences sexuelles lors des procès pénaux. A titre d’exemple, seulement 0,6% des plaintes pour viols aboutissent à une condamnation, selon l’INSEE. Face à la difficulté que présente l’authenticité de la preuve, le sentiment d’impunité est croissant chez les auteurs et principalement lorsqu’il se dernier est une personnalité publique. Le député LFI Adrien Quatennens, condamné à quatre mois de sursis pour violences conjugales, a également bénéficié de cette forme d’immunité en revenant dans ses fonctions à l’Assemblée Nationale quelques mois après avoir été jugé coupable de violence conjugale sur son ex-épouse.
Cinq ans après #MeToo, politiciens, chroniqueurs et chanteurs agresseurs sont désormais tenus à comparaître devant une cour pénale, preuve d’une véritable avancée, mais en ressortent sans connaître la détention carcérale. De manière générale, ces cas illustrent l’impunité qui bénéficient toujours aux auteurs présumés de violences sexuelles, alors que leurs collègues masculins rappellent le droit à la présomption d’innocence, omettant que la victime a elle aussi, le droit d’être crue.
La Dépêche, « Pierre Menès condamné pour agression sexuelle : ce que dit le jugement », 21 avril 2023.
Medias 24, « Saâd Lamjarred. les explications juridiques de sa libération provisoire », 21 avril 2023.
La semaine dernière, Kristen Neuschafer est devenue la première femme à remporter une course autour du monde en solitaire. En effet, le soir du 27 avril 2023, elle est arrivée première de la Golden Globe Race.
Après 235 jours en mer, sans escale ni assistance, elle est arrivée aux Sables d’Olonne, en Vendée, à bord de Minnehaha, son bateau de moins de 11 mètres construit avant 1988, comme le veut le règlement de la course.16 au départ, ils n’étaient plus que 3 en lice à l’arrivée ; la sud-africaine Kristen Neuschafer, l’indien Tomy Abhilash et l’Autrichien Michael Guggenberger. Elle était la seule femme à concourir au départ.
Le 15 février dernier, elle était déjà devenue la première femme de l’histoire à passer le Cap Horn en tête d’un tour du monde, après avoir secouru son concurrent finlandais Tapio Lethinen naufragé au large de l’Afrique du Sud.
Consciente du symbole qu’elle incarne en étant la première femme à remporter cette course, Kristen Neuschafer se couvre cependant d’une grande modestie. En mer depuis toujours, gagner une telle course représentait pour la skippeuse un objectif personnel de longue date. Navigatrice professionnelle depuis 2006, elle associe surtout sa victoire à une grande préparation, qui fait selon elle 80% de la course. Faire confiance en ses compétences, en ses connaissances et surtout, en son bateau ; voilà les conseils de la vainqueure.
TV5Monde, « Kirsten Neuschäfer, première vainqueure d’un tour du monde à la voile en solitaire », 28 avril 2023.
L’artiste Laetitia Ky, la personnalité ivoirienne la plus suivie sur les réseaux sociaux, utilise ses cheveux pour exprimer son art. Depuis 2016, elle sculpte ses cheveux comme forme d’expression artistique, mais aussi pour célébrer la beauté noire et exprimer son militantisme féministe, anti-raciste et pacifiste.
Dans son livre Love & Justice, elle revient sur son enfance : ses cheveux, constamment tressés ou défrisés, puis rasés, à son entrée au collège, comme le veut la coutume en Côte d’Ivoire. A l’âge de 16 ans, elle prend la décision de porter ses cheveux au naturel et même, de jouer avec. Avec l’aide d’accessoires, des perles et des paillettes, la jeune Laetitia Ky commence à sculpter ses cheveux en imitant les objets de son quotidien. Elle puise son inspiration de l’Afrique précoloniale, époque à laquelle les femmes façonnaient leur cheveux dans de nombreuses tribus.
Elle a réalisé sa première oeuvre féministe pour soutenir le mouvement MeToo. En novembre, elle lance un projet “16 days of activism” (16 jours de militantisme) lors duquel elle poste une sculpture par jour pendant 16 jours sur son compte instagram, ainsi que le témoignage anonyme d’une victime de violence sexuelle, médicale ou sexiste. L’art devient alors le support de l’expression de la parole pour se réparer des blessures physiques et psychologiques causées par un continuum de violences contre les femmes.
Laetitia Ky est également peintre. Dans ses peintures, elle fige sa définition de la féminité, elle dénonce les mutilations génitales féminines, prone la sororité… Suivie par 476 000 rien que sur Instagram, elle célèbre la féminité, la beauté noire, les traditions africaines à travers ses œuvres d’art. Elle a également représenté la Côte d’Ivoire à la 59e Biennale de Venise en 2022 et a été l’invitée de la Tate Modern de Londres pour un séminaire dans le cadre du programme « Art Talk ». Également actrice, elle a joué dans le récent film de Giacomo Abbruzzese « Disco Boy », récompensé par l’Ours d’argent au Festival de Berlin pour la meilleure contribution artistique.
Pour la première fois, des photographies de ses sculptures sont exposées à Paris : on peut s’y rendre gratuitement, du mercredi au samedi après-midi, jusqu’au 24 juin à la Galerie LIS10 dans le 11ème arrondissement de Paris.