Revue de presse féministe & internationale du 14 au 21 avril

Actus féministes internationales du 7 au 14 avril
14 avril 2023
Revue de presse féministe & internationale du 28 avril au 5 mai
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Revue de presse féministe & internationale du 14 au 21 avril

RUSSIE

Le féminisme associé à une idéologie “extrémiste”

 

   Les mouvements féministes sont de plus en plus ouvertement la cible des cercles proches de Poutine et pro-guerre russes. Depuis quelques semaines, les exemples se multiplient d’attaques plus ou moins directes à des militantes féministes ou au mouvement dans son ensemble. 

   Le 2 avril dernier, un blogueur ultra-nationaliste a été assassiné : selon la version officiellement russe, l’autrice du meurtre serait Daria Trapova, 26 ans. Selon la version officielle, elle lui aurait servi une statuette remplie d’explosifs dans un café de Saint-Petersbourg. Rapidement, les médias russes ont découvert son engagement féministe sur les réseaux sociaux, occasion rêvée pour les mouvements pro-guerre et pro-Poutine d’associer terrorisme et féminisme. Alors même qu’elle dément son association avec l’Ukraine, cet acte a également donné l’opportunité aux médias et personnalités politiques de considérer le mouvement féminisme comme un mouvement occidental, extérieur et donc comme une menace. 

   Par la suite, Oleg Matveychev, vice-président du comité de la Douma d’État sur la politique de l’information, les technologies de l’information et les communications, a préparé un projet de loi reconnaissant le féminisme comme une idéologie extrémiste. Les féministes seraient des “agentes de l’Occident” destructrices des “valeurs traditionnelles”. 

   Selon Alena Popova, opposante politique et militante pour le droit des femmes russes résidant actuellement aux Etats-Unis, il y a très peu de chances que cette loi aboutisse. Néanmoins, l’initiative est inquiétante pour les droits des femmes en Russie et surtout pour les mouvements féministes russes : un large nombre de ces militantes sont forcées à quitter le territoire car sont déclarées “agentes extérieures” (c’est le cas d’Alena Popova, mais également de Daria Serenko, voir article “Coup de Projecteur” de cette semaine). Elle ajoute que les droits des femmes sont systématiquement menacés dans une dictature. Selon elle, cela s’explique par la présence d’un dictateur, un homme dont le pouvoir et la légitimité se construisent dans un système patriarcal, viriliste et violent. 

   En Russie, les mouvements féministes sont aussi contre l’invasion en Ukraine et pour la paix. Dans ce pays comme ailleurs, la guerre touche spécifiquement les femmes, par des violences protéiformes. La guerre a également tendance à extrapoler les violences pré-existantes : beaucoup de chemin est encore à faire pour atteindre l’égalité entre les sexes, bien que ce principe ait été inscrit dans la Constitution russe. Ces dernières années, on a pu observer une régression des droits des femmes et de la protection juridique des victimes de violences conjugales, avec la promulgation d’une loi qui fait passer du statut de délit en simple peine administrative l’acte de violences conjugales et domestiques en 2017. Les discours anti-IVG sont également de plus en plus nombreux et organisés. 

Le Monde, “En Russie, le féminisme assimilé à une “idéologie extrémiste”, 17 avril 2023.
France24, “Féminisme en Russie : “Une idéologie extrémiste importée d’Occident”, 17 avril 2023.
Politico, “Are feminists next on Vladimir Putin’s list ?”, 4 avril 2023.

 


FRANCE

Le groupe Carrefour accorde un congé menstruel aux femmes atteintes d’endométriose

   C’est une grande première pour une entreprise française d’une telle envergure : le groupe Carrefour annonce 12 jours d’arrêt de travail par an, aux femmes salariées souffrant d’endométriose. 

   L’endométriose est une pathologie gynécologique aux grandes conséquences sur la vie quotidienne de millions de femmes. A cause de douleurs intenses pendant les menstruations (et même en dehors pour certaines), les patientes souffrant d’endométriose peuvent témoigner de lourdes conséquences dans le milieu du travail. Selon une employée pour France info, “ça fait très mal d’être dans les rayons, pliée en deux, toujours debout (…) Un congé permettrait de moins souffrir sur le lieu de travail”. Touchant une femme sur dix dans le monde, près de 5 000 sur les 50 000 salariées du groupe pourraient bénéficier de ce congé sur présentation d’un justificatif. Le PDG du groupe Carrefour, Alexandre Bompard, souhaite, par cette mesure, “lever les difficultés qui empêchent une réelle égalité entre les femmes et les hommes” dans son entreprise. La ministre Isabelle Rome a salué cette initiative vers “l’égalité réelle” sur son compte Twitter.

   La prise en compte de l’endométriose, et plus généralement des problématiques liées aux règles à l’instar de la précarité menstruelle, est récente mais de plus en plus notoire. A ce titre, la Première ministre envisage un remboursement des protections périodiques réutilisables pour les moins de 25 ans d’ici courant 2024. Carrefour n’est en effet pas la première société à accorder un tel congé. Des PME et associations françaises ont établi la même mesure pour leurs salariées. En février 2023, l’Espagne a été le premier pays européen à rejoindre le Japon et la Corée du Sud en instaurant un congé menstruel pour les femmes souffrant d’endométriose. Contrairement à la France où le congé est subventionné par les entreprises privées de leur initiative, la sécurité sociale espagnole prend en charge les jours d’absence. 

   Le secteur privé et les politiques publiques commencent donc, tout juste, à prendre en compte l’endométriose et ses symptômes. Pourtant, l’instauration d’un congé menstruel est un sujet de débat au sein des revendications féministes. Tandis que certaines associations considèrent l’initiative comme une avancée qui permettrait aux femmes de mieux vivre leur cycle sans qu’il ne devienne un handicap au travail, d’autres s’inquiètent que l’ajout de ce congé payé soit une nouvelle source de discrimination à l’embauche. 

France Info, “Endométriose : le groupe Carrefour annonce des congés spéciaux pour les salariées”, 19 avril 2023.

FRANCE

Sélection au Festival de Cannes : un record de réalisatrices nommées

   Le 76ème Festival de Cannes annonce une très bonne nouvelle cette semaine : six réalisatrices sur 19 films nommés sont en compétition pour la Palme d’or, dont deux françaises. Pourquoi cela devrait-il nous réjouir ? Parce que les femmes dans le milieu du cinéma, notamment en réalisation, sont encore largement sous-représentées.

   Lors des Oscars 2023, aucune réalisatrice n’a été nommée dans la catégorie “Meilleur.e réalisateur.rice”. Secteur artistique encore très ancré dans une culture masculiniste, les films des réalisatrices sont moins financés et diffusés que ceux des hommes. Il est d’autant plus difficile pour les femmes cinéastes de se créer une place dans le cinéma et de poursuivre des carrières longues. Selon l’Observatoire européen de l’audiovisuel, entre 2016 et 2020, seulement 21% des réalisateur.rices en Europe sont des femmes, dont la moitié n’a réalisé qu’un seul long métrage. D’autres métiers de la même industrie connaissent une sous représentation du sexe féminin : seulement 25% de scénaristes et 30% de productrices femmes. Ces chiffres s’expliquent notamment par un manque de financement des films réalisés par des femmes. 

   Mais cette année, au festival de Cannes, jamais autant de femmes n’ont figuré en lice de la compétition. Malheureusement, même si la tendance des nominations 100% masculine semble lentement se renverser, les récompenses ne sont que très rarement attribuées aux œuvres réalisées par des femmes. En 75 ans de festival, seulement deux réalisatrices ont remporté la Palme : Julia Ducournau pour “Titane” en 2021 et Jane Campion en 1993 pour “La leçon de piano”. 

   En Espagne aussi, les femmes sont présentes dans la salle à la place des nominé·es, et ce, presque autant que les hommes, mais montent rarement sur scène. Ainsi, “Nos soleils” de Carla Simón, a été le troisième film le plus nominé aux Goyas 2023 mais, sur les 11 nominations, il n’a reçu aucun prix. 

   Nous retrouverons donc cette année à Cannes, “Banel & Adama” de Ramata-Toulaye Sy, “Les filles d’Olfa” de Kaouther Ben Hania, “Club Zéro” de Jessica Hausner, “La Chimera” de Alice Rohrwacher, “Anatomie d’une chute” de Justine Triet, “L’été dernier” de Catherine Breillat. En espérant que l’une de ces artistes montent les marches du podium !

France 24, “Un record de réalisatrices, mais le Festival de Cannes peut mieux faire”, 15 avril 2023.

 

IRAN

Des sanctions plus strictes pour les femmes qui ne portent pas le voile annoncées par la police

   Le contrôle de la police des corps de femmes et la manière dont elles le couvrent, continue de s’amplifier en Iran. Le dernier renforcement du contrôle en date a été annoncé par la police iranienne : des caméras de surveillance “intelligentes” seront exploitées pour détecter les femmes sans hijab. 

   En effet, la police iranienne a annoncé cette semaine qu’elle s’appuierait sur des dispositifs informatifs et intelligents de télésurveillance pour détecter la chevelure des femmes dans la rue. L’instant sera capturé par la caméra et envoyé à la personne visée, accompagnée d’un message de rappel à la loi. Un dispositif similaire est prévu pour envoyer un sms aux chauffeurs qui transporteraient une femme non-voilée à leur bord.

   Selon certain·es, la police iranienne avait déjà accès à ces technologies. Ce qui change réellement, c’est annoncer officiellement s’en servir. Pour Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur de l’ONG Iran Human Rights, l’utilisation assumée de ces technologies révèle l’impasse dans laquelle se trouve le gouvernement iranien : avant la mort de Mahsa Amini, ces technologies n’auraient pas été nécessaires, la police pouvait simplement arrêter les femmes dans la rue et les battre, voire les tuer. Sous la pression de la communauté internationale, cela n’est plus une option. En même temps, ajoute le directeur de l’ONG, le pouvoir iranien ne peut pas non plus simplement revenir en arrière sur les mois de répression et autoriser les femmes à ne plus porter le voile dans l’espace public sans “sonner le début de la fin”.

   Bien que le mouvement dans la rue se soit quelque peu essoufflé en comparaison avec les jours suivants la mort de Masha Amini, la désobéissance civile des femmes est devenue très courante en Iran : il y a beaucoup plus de femmes qui se promènent dans les rues sans voile qu’auparavant. 

   Cette liberté n’est pourtant pas du goût de tout le monde. Il y a quelques jours, une vidéo de caméra surveillance a montré un homme jeter du yaourt dans les cheveux et le visage d’une femme aux cheveux découverts. 

 

Daria Serenko est féministe, activiste et co-fondatrice du mouvement Résistance féministe anti-guerre, originaire de Russie et actuellement en exil en Géorgie. Depuis quelques semaines, son portrait est tiré dans tous les grands journaux nationaux français, témoignant de l’influence extérieure de son engagement contre l’invasion russe en Ukraine. 

   Elle lutte pour que l’Ukraine recouvre sa souveraineté nationale, que les troupes russes se retirent et que les coupables de violences soient poursuivi·es pénalement. Pour elle, cette guerre s’inscrit dans un système de violences diverses, mais surtout de violences de genre. Ces violences de genre liées à la guerre puisent leur origine dans la société patriarcale russe, qui s’est notamment consacrée au moment de la régression de la protection juridique des victimes de violences conjugales en 2019.

   Pour cela, Daria Serenko a co-fondé le mouvement clandestin Résistance féministe anti-guerre en février 2022 ; il s’agit de la fédération d’une quarantaine de mouvements pré-éxistants en Russie. Principalement des femmes, elles utilisent Telegram pour échanger sous les radars et coordonner leurs actions (distribution d’un journal clandestin, opérations commandos…). Daria Serenko le concède toutefois, les actions qu’elle coordonne sont plus visibles hors de Russie qu’à l’intérieur. Pourtant, faute de connaître véritablement l’impact de son militantisme, elle semble croire à sa nécessité ; la lutte anti-guerre est, et doit être, féministe. 

    Daria Serenko est exilée en Géorgie après avoir été emprisonnée du 7 au 23 février 2022 pour avoir publié une image de soutien à Alexeï Navalny sur Instagram. Elle a ensuite été assignée à une résidence surveillée, dont elle s’est évadée en se déguisant en livreuse de repas. Elle est considérée par le gouvernement russe comme “agent de l’étranger”. Cette étiquette est par ailleurs de plus en plus attribuée aux militant·es féministes, le féminisme étant considéré comme un mouvement extrémiste originaire de l’Occident, et donc une menace à combattre de l’intérieur. 

   Souvent de passage en France et notamment à Paris, Daria Serenko est déterminée à placer les femmes au cœur de la stratégie anti-guerre en Russie. Selon un article du magazine Causette, les femmes représentent 80% des activistes en Russie. En plus de vouloir la fin de la guerre, elle et le mouvement Résistance féministe anti-guerre luttent pour la fin du système de “violences de genre, rasicte et fasciste” qu’incarne Poutine. 

 

Depuis le 14 avril dernier, le Petit Palais accueille une exposition temporaire sur la vie de Sarah Bernhardt, surnommée la “Divine” (1844-1923).

En circulant dans les salles de l’exposition, on découvre la vie de la femme, de la célébrité, de l’entrepreneuse, de l’actrice et de l’artiste. On y découvre son ascension vers la notoriété, ses tournées dans le monde entier, mais également son intimité : ses objets personnels sont exposés, ainsi que des peintures représentant la décoration de son domicile. 

Une rétrospective de ses plus grands rôles, masculins et féminins, est exposée dans une grande pièce rectangulaire du Petit Palais : de Cléopâtre à la Reine de Ruy Blas en passant par son immense succès dans Phèdre. Sont exposés également certains des costumes qu’elle a portés pour incarner ces rôles ; principalement des corsets, des plumes et des tissus de soie. 

On découvre les sculptures dont elle est elle-même à l’origine, mais également les portraits que ses ami·es ont fait d’elle ; notamment, le très connu portrait réalisé par George Clairin (photo). 

En plus de ses activités d’actrice de théâtre et d’artiste sculptrice, elle a également pris la direction de l’actuel Théâtre de la Ville (place du Châtelet, Paris). Appelé à l’époque “Théâtre des Nations”, elle le rebaptise “Théâtre Sarah Bernhardt” et demande à ses ami·es artistes de peindre son portrait pour les faire trôner dans le hall d’entrée du théâtre. Elle joue dans la plupart des pièces qu’elle met à l’affiche. 

Que ce soit à travers des objets qu’elle a possédés ou à travers le pinceau des personnes qui l’ont côtoyées de façon intime, on découvre une star incontournable du chevauchement entre le XIXe et le XXe siècle. En tant que femme et actrice redoutable et déterminée, elle a émerveillée toute une génération de spectateur·rices, notamment des personnalités influentes de l’époque ; elle était très proche de Oscar Wilde, Jean Cocteau ou encore Marcel Proust.

La vie de Sarah Bernhardt, ou plutôt ses innombrables vies, sont exposées de façon interactive dans le magnifique bâtiment du Petit Palais. Ouverte jusqu’au mois d’août, cette exposition fait sans aucun doute partie des expositions parisiennes incontournables de ce printemps ! 

“Sarah Bernhardt: Et la femme créa la star”, site internet du Petit Palais.