Revue de presse féministe & internationale du 10 au 16 février

Mardi de la CLEF #32 : De la puberté à la vieillesse: comment le temps qui passe se vit dans nos corps de femmes ?
16 février 2024
Formation HerNetHerRights – Formation à destination des femmes politiques contre les cyberviolences
21 février 2024

Revue de presse féministe & internationale du 10 au 16 février


FRANCE

La normalisation des violences, médias condamnés.

En 2022, l’ONG Reporters sans Frontières avait saisi la justice administrative à propos de la chaîne CNews pour non-respect du pluralisme politique. Le 13 février, le Conseil d’Etat a pris sa décision et a demandé à l’Arcom, l’organe responsable de la régulation des médias, de renforcer son contrôle de la chaîne télévisée. L’Arcom a donc six mois pour réévaluer le pluralisme et l’indépendance d’information de la chaîne, et pour vérifier à nouveau le respect des temps de parole. Aujourd’hui, aux côtés d’autres associations, nous appelons l’Arcom à ne pas renouveler l’attribution des fréquences de la TNT à CNews et C8.

Sur le sujet du respect du pluralisme, le Conseil d’Etat a considéré que pour vérifier l’égalité des temps de parole, il ne fallait désormais plus uniquement quantifier le temps de chaque personnalité politique, mais également celui des chroniqueurs, des invités, des animateurs, etc. En effet, le temps des chroniqueurs tels que Pascal Praud, dont les opinions sont pourtant très affirmées – ce que nous savons puisqu’il prend entièrement part aux débats politiques -, n’était pas comptabilisé. Or, il est dans ses émissions à la fois juge et partie, ce qui ne respecte en rien la neutralité demandée à une chaîne d’information, or c’est pourtant ce qu’indique la convention de la chaîne signée avec l’Arcom.

Quant à l’indépendance de la chaîne, le Conseil d’Etat demande à l’Arcom d’analyser spécifiquement l’influence présumée des actionnaires sur la ligne éditoriale choisie. Pour être resté passif, le Conseil d’Etat a sanctionné l’organe de surveillance.

C’est une victoire extraordinaire pour l’association Reporters sans Frontières mais pas uniquement. Comme le précise Christophe Deloire, le secrétaire général de l’ONG, il s’agit : « [d’] une grande victoire pour RSF mais surtout [d’] une décision historique pour la démocratie et le journalisme ». En effet, les nombreux propos sexistes, homophobes et racistes diffusés sur la chaîne n’avaient été que mollement sanctionnés par l’Arcom, qui n’avait pas eu de réponse adaptée à ces injures.

Aujourd’hui, les mouvements féministes appellent l’Arcom à ne pas renouveler l’attribution des fréquences de la TNT à CNews et C8. La diffusion de tels propos sexistes, homophobes et racistes tombe sous le coup de la loi et à ce titre ces chaînes devraient devenir payante. En effet, les fréquences d’émission ne restent gratuites qu’en vertu du code de conduite – établi par une convention –, qu’elles doivent respecter. Or, cette convention stipule qu’elles ne doivent pas discriminer en raison de l’origine, de la religion, du sexe ou de l’orientation sexuelle, et qu’elles doivent respecter le pluralisme d’opinion.

Rappelons que ces chaînes ont déjà été condamnées. En 2017, la chaîne C8 a été condamnée à 3 millions d’euros pour homophobie. En 2021, CNews a été condamné à 200 000 d’euros pour incitation à la haine. En deux ans, ces deux chaînes ont été sanctionnées à 34 interventions et sanctions de la part de l’Arcom pour désinformation, racisme, sexisme, incitation à la haine et non-respect du pluralisme.

Cette condamnation montre que la libéralisation progressive de la parole, laissant passer les plus ignobles accusations, sous couvert de liberté d’expression, atteint peut-être aujourd’hui ses limites. En effet, il est toujours essentiel de rappeler que les injures et les incitations à la haine ne sont pas que des mots, elles contribuent de façon très importante à la normalisation de la violence, et normaliser la violence c’est accepter sa réalisation concrète dans la société. Normaliser tout type de violence, qu’elle se tourne vers les femmes, vers les personnes LGBTQIA+, ou bien vers les personnes racisées, revient à la légitimer et la légitimer c’est autoriser son application.

 

 

Le Monde, « Le Conseil d’Etat ordonne à l’Arcom de rééxaminer le respect par CNews de ses obligations en matière de pluralisme », 13 février 2024.

 

INTERNATIONAL

Les femmes et la ménopause, l’injonction à la fertilité.

Le temps qui passe dans le corps des femmes est vécu différemment par chacune d’entre elles. Pourtant, le temps des femmes est radicalement différent du temps des hommes – l’un est cyclique, et l’autre est linéaire. On dit que les femmes passent par trois temps différents : celui des règles, celui de la maternité puis celui de la ménopause.

L’injonction à la maternité est tellement forte et puissante que la fin de la fécondité représente pour certaines femmes un dépassement, une liberté, un sentiment de pleine appropriation de son corps, alors que pour d’autres, les douleurs, la fatigue, les insomnies, les bouffées de chaleur, sont un poids lourd à porter.

The Guardian a publié cette semaine un article passionnant qui laisse la parole à six femmes de pays différents : le Brésil, le Soudan du Sud, l’Equateur, l’Inde, le Kenya et le Bangladesh, et qui les laisse raconter leur réalité, et la façon dont elles vivent leur ménopause. Elles racontent le rejet social, l’incompétence des corps médicaux et leur refus à traiter ce sujet. Kika Lobo, qui vient de Rio de Janeiro explique que « ménopausée » au Brésil c’est « une étiquette qui dit que vous êtes vieille – et c’est comme la mort pour une femme brésilienne ». Alors que la ville de la fête est obsédée par la beauté et la jeunesse, la ménopause est un sujet tabou. Or, comme tout tabou, il y a donc une grande difficulté à obtenir des renseignements, des informations pour comprendre sa situation et les changements du corps, puisque même le corps médical est réticent à en parler.

Au Soudan du Sud, Lucia Valentino Roman met l’accent sur le préjugé selon lequel une femme devrait continuer à être fertile et à avoir des enfants jusqu’à sa mort. Elle raconte que lorsqu’elle a commencé à ne plus avoir ses règles à 38 ans, elle s’est rendue chez le médecin pensant être enceinte, et que celui-ci lui a diagnostiqué une ménopause précoce ayant pour cause un manque d’activités sexuelles. Ce qui montre bien selon elle, le manque de formation des médecins sur tout ce qui concerne la ménopause. Il n’est pas rare que les femmes affectées par une ménopause précoce soient accusées de prendre secrètement une contraception, ou bien d’avoir été ensorcelées. Quant à Lucia, après cinq enfants, elle avait décidé de toute façon avec son mari qu’elle ne voulait plus d’enfants et qu’elle n’en aurait plus.

Farhana Jahan au Bangladesh et Payal Talreja en Inde évoquent surtout la solitude, le sentiment d’abandon et l’impression de ne pas se reconnaître. Payal Talreja raconte cette impression terrible d’être « à moitié vivante », d’avoir perdu sa joie, sa facilité à parcourir l’existence avec aisance, cette force qui la caractérisait pourtant. Elle explique bien que les symptômes physiques sont épuisants, que les médecins lui disent presque textuellement de sourire et de supporter en silence, les douleurs, la fatigue, les insomnies, les bouffées de chaleur, les sueurs, … Mais ce qui est finalement le plus pénible, c’est la perte de cette force et de cette légèreté qu’elle avait.

A la CLEF, nous avons voulu mettre en lumière justement ces différentes difficultés et nous avons organisé une table ronde, un espace protégé de dialogue entre femmes de différentes générations. Il est important de parler de la ménopause, des changements que cela provoque dans le corps, de transmettre les informations, plutôt que d’en faire un sujet tabou. Le temps passe sur le corps des femmes et il y laisse des traces, il est essentiel de pouvoir en parler et de ne pas laisser le silence planer sur nos maux.

Nous vous invitons à écouter ou réécouter nos échanges.

 

Retrouvez la conférence en replay ici

 

 

 

The Guardian, « Me and my menopause: a view from women around the world », 7 février 2024.

 

FRANCE

Les jeunes filles en milieu pédopsychiatrique.

Le 13 février, Médiapart publie la lettre d’une mère qui raconte le parcours de sa fille Yaël, âgée de 15 ans, dans les services psychiatriques où elle est traitée pour anorexie et idées suicidaires. Sa mère révèle non seulement l’insuffisance des services de santé mentale en France, mais également la maltraitance dont sa fille a été victime de la part des médecins dont le rôle est pourtant de la protéger, et le non-respect de la Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé.

Yaël est hospitalisée pour la première fois à ses 13 ans, pour sept mois. Pendant cette période, elle a été changée quatre fois d’établissement, se retrouvait à chaque fois face à des interlocuteurs différents qui ne la considéraient pas et ne la prenaient pas au sérieux. Sa mère estime qu’à ce moment s’est opérée pour Yaël une rupture du pacte de confiance qu’elle avait pourtant voulu établir avec le corps médical et elle a arrêté de chercher de l’aide. Elle était alors hospitalisée en service de pédopsychiatrie sécurisé car elle était devenue un danger pour elle-même, et malgré la prétendue « sécurité » prônée par l’établissement Yaël a réussi à s’enfuir et à commettre une tentative de suicide.

Sa mère estime qu’elle était alors devenue une sorte de bête de foire, où les seuls soins se résumaient à de courtes visites chez les psychiatres où aucune proximité n’était possible à établir puisqu’ils étaient toujours entourés d’une foule d’internes et d’infirmières la regardant comme un cas d’étude. On lui a d’ailleurs prescrit un traitement pour schizophrénie, qu’elle a dû prendre pendant neuf mois, alors qu’elle n’avait jamais présenté de symptômes schizophréniques.

Mais le plus terrible, pour Yaël comme pour sa mère, a été que les médecins ont établi qu’elle devait être enfermée, et elle n’a plus pu voir ses parents que deux heures par semaine. Le consentement ni de Yaël ni de ses parents n’a été demandé, cet isolement a été décrété par le corps médical, que la mère de Yaël décrit comme « autoritaire et condescendant ». Pourtant, la Charte européenne des Droits de l’Enfant Hospitalisé adoptée par le Parlement européen le 13 mai 1986 établit dans son deuxième article que :

« Un enfant hospitalisé a le droit d’avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui jour et nuit, quel que soit son âge ou son état ».

Mais également dans son troisième article que :

« On encouragera les parents à rester auprès de leur enfant et on leur offrira pour cela toutes les facilités matérielles, sans que cela n’entraîne un supplément financier ou une perte de salaire. On informera les parents sur les règles de vie et les modes de faire propres au service afin qu’ils participent activement aux soins de leur enfant ».

Enfin, la charte préconise que :

« Les enfants ne doivent pas être admis dans des services adultes. Ils doivent être réunis par groupes d’âge pour bénéficier de jeux, loisirs, activités éducatives adaptés à leur âge, en toute sécurité. Leurs visiteurs doivent être acceptés sans limite d’âge ».

Or, l’attitude du corps médical est au contraire de prôner un « ennui soi-disant thérapeutique », où les enfants sont laissés sans possibilité de divertissement ou d’amusement qui leur permettrait de se détourner de leurs idées.

 

Malheureusement, Yaël n’est pas la seule dans ce cas, puisque comme le rappelle Médiapart, les chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), établissent qu’en 2022, 75 803 personnes de 10 ans ou plus ont été hospitalisées pour automutilation ou tentative de suicide. Mais aujourd’hui, la psychiatrie et la pédopsychiatrie manquent cruellement de moyens et de personnels : il ne reste que 597 pédopsychiatres dont la moyenne d’âge est de 65 ans. Ce nombre a baissé de 34% entre 2010 et 2020. En plus du personnel insuffisant et vieillissant, il manque des lits, même pour les personnes qui représentent un danger pour elles-mêmes et qui nécessitent une prise en charge immédiate.

Le même rapport de la DREES observe de « brutales augmentations […] chez les filles et les jeunes femmes » des automutilations et tentatives de suicide entre 2021 et 2022. Il y a notamment une augmentation de 63 % chez les filles de 10 à 14 ans, de 42 % chez les adolescentes de 15 à 19 ans, et de 32 % de jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans. Il y a une véritable explosion de détresse psychologique chez les femmes, et notamment chez les très jeunes filles, à laquelle il est nécessaire de répondre urgemment. En 2022, ont été lancées par Mr. François Braun, Ministre de la Santé et de la prévention, les assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant. Elles devraient bientôt aboutir et apporter des réponses de moyen et long terme pour renforcer les moyens de la pédiatrie et la faire évoluer. Les spécialistes et pédopsychiatres attendent beaucoup du résultat de ces assises, comme les nombreuses familles d’enfants hospitalisés ou en besoin d’hospitalisation.

 

 

 

Médiapart, « Santé mentale des jeunes filles : il y a urgence », 13 février 2024.
Assistance publique Hôpitaux de Paris, « Charte européenne des droits de l’enfant hospitalisé », 13 mai 1986.

 

INDONESIE

Le nouveau président posera-t-il sur la table le sujet des droits des femmes ? 

Le 14 février, l’archipel indonésien de 16 000 îles comptant 273,8 millions d’habitants, et abritant la plus grande population musulmane du monde, a élu son nouveau président : Prabowo Subianto, qui a récolté 56% des votes. Son profil inquiète l’opinion internationale, notamment dans un pays où les droits des femmes régressent.

En effet, c’est un ancien général de l’armée indonésienne, et il est soupçonné d’avoir participé à l’invasion du Timor oriental, en 1975, qui a fait plusieurs milliers de morts. Il est également le gendre de Suharto, qui a ordonné entre 1965 et 1966, des purges anticommunistes et dont le bilan s’élève à 1 à 3 millions de morts.

Ce profil est inquiétant, et il est peu probable qu’il soulève au cours de son mandat le sujet des droits des femmes en Indonésie, il ne s’est pas exprimé sur le sujet lors de sa campagne. Pourtant, on rapporte aujourd’hui de nombreuses politiques vestimentaires abusives et discriminatoires à l’encontre des femmes dans le pays. Human Rights Watch demande l’abolition de ces discriminations. Le 18 mars 2021, l’ONG de défense des droits humains publie un rapport sur la situation des droits des femmes dans le pays et établit qu’il y a une pression croissante, à la fois sociale et qui devient progressivement institutionnelle, à porter le voile et à respecter les règles soi-disant dictées par la loi religieuse islamique.

En 2014, le jilbab est devenu obligatoire à l’école pour les filles. Il s’agit d’une longue robe, recouvrant le corps et les cheveux. Il s’agit là d’une décision nationale, mais avant 2014 de nombreux gouvernements provinciaux et locaux avaient déjà adopté plusieurs centaines de réglementations inspirées de la charia ciblant les femmes et les filles, et leur tenue vestimentaire. Elles doivent également porter le jilbab si elles travaillent pour la fonction publique, se voient imposer des couvre-feu en raison de leur sexe et ne peuvent pas conduire de moto selon les régions …

En janvier 2018, la province d’Aceh a décrété une loi obligeant l’ensemble des hôtesses des vols atterrissant dans la région à porter le voile – le non-respect de cette règle entraînant une sanction de la part de la police religieuse locale. Dans cette province, les femmes musulmanes doivent porter le hijab, et les non-musulmanes doivent porter des vêtements modestes. 

Ainsi, il n’existe presque pas de loi au niveau national imposant la loi religieuse, mais le gouvernement dans une dynamique de décentralisation laisse les administrations régionales et locales libres de les appliquer. Or, le conservatisme religieux est très présent au sein de ces institutions. Si la pression institutionnelle n’est pas toujours un fait, elle reste socialement très pesante pour les femmes et les jeunes filles. Cette pression à porter le jilbab constitue non seulement une violation des droits fondamentaux de la liberté de religion, d’expression et du droit à la vie privée, et constitue une stigmatisation genrée, une attaque sexiste, qui empêche les femmes de pratiquer librement leurs droits. Mais, également, cette stigmatisation s’accompagne de violences qui menacent la vie des femmes. 173 femmes ont été assassinées en 2017 en Indonésie, dont 95% sont mortes des coups portés par leur mari, leur père ou leur petit-ami. Une commission sur les violences chiffre plus largement 260 000 cas de violence contre les femmes la même année.

 

 

Le Monde, « Prabowo Subianto prend la tête de l’Indonésie dans l’ombre du président sortant« , 14 février 2024.
Human Rights Watch, « I wanted to run way : abusive dress code for women and girls in Indonesia », 18 mars 2021.

L’actrice est devenue aujourd’hui le visage de lutte contre les violences faites aux femmes et la normalisation de la pédocriminalité dans le milieu du cinéma. Le 7 février, elle a déposé plainte à la brigade de protection des mineur.es contre le réalisateur Benoît Jacquot pour viol avec violence sur mineur de moins de 15 ans par une personne ayant autorité. Le lendemain, elle a également dénoncé sur France Inter deux agressions sexuelles de la part du réalisateur Jacques Doillon, contre qui elle porte plainte également.

Judith Godrèche a 14 ans quand elle rencontre Benoît Jacquot. Il dirige le film Les Mendiants dans lequel elle a le rôle principal. Le tournage se déroule au Portugal en 1986. Judith Godrèche a 14 ans et elle part seule. Benoît Jacquot la sort du dortoir des enfants et l’installe dans une chambre d’hôtel à côté de la sienne. Elle est en troisième, il a 40 ans et il l’attend à la sortie du collège pour l’emmener au cinéma. Il la touche, il la viole. Un jour, il lui fait enlever son pull, l’assoit dans l’escalier et la fouette avec sa ceinture. Un autre, il lui donne un coup de poing dans une rue à New York. Elle l’avait agacé à faire trop de bruit en buvant son coca à la paille.

Gérard Miller, également accusé d’agressions sexuelles, réalise un documentaire dans lequel apparaît Benoît Jacquot. Le réalisateur évoque ses relations sexuelles avec de très jeunes femmes et utilise les mots de « trafic illicite de mineur.es » pour décrire sa pratique cinématographique. Benoît Jacquot reconnaît sans remord l’utilisation, l’instrumentalisation et la réification du corps des femmes avec pour seul but la satisfaction de son obscénité. Il semble que pour Benoît Jacquot les enfants sont une denrée dont on dispose.

En 2010, dans une grande interview à Télérama, il affirme que plus jeune il appartenait à une bande.

« Il y avait dans la bande un fond très adolescent de romantisme absolu à l’égard des filles, celles qui étaient divinisées, qu’il ne fallait pas toucher, et les autres qu’il fallait jeter, violer, brutaliser… Jusqu’à ce qu’elles deviennent à leur tour des égéries. »

Le milieu du cinéma sous couvert de génie artistique laisse des hommes exercer leur toute puissance sur des enfants sur lesquels ils projettent des femmes qui n’existent pas. Ils voient des Lolitas, nous voyons des enfants, ils se croient romantiques, nous les savons pédocriminels.  

Aujourd’hui, Judith Godrèche a pris la parole, elle a eu le courage de porter plainte.

Nous lui apportons notre soutien incommensurable.



 

Le Monde, « L’actrice Judith Godrèche porte plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot », 7 février 2024.

Le film « Elaha » réalisé Milena Aboyan.

Le film éponyme raconte l’histoire d’Elaha, une jeune fille de 22 ans d’origine kurde. Il trace son parcours avec finesse et poésie. Le film part de la volonté de la jeune fille de faire reconstruire son hymen avant son mariage, de façon à paraître vierge à son mari, et à leur famille respective, avant d’arriver progressivement à des questionnements sur les injonctions sociales qui exigent d’elle cette virginité.

Elle s’interroge sur la force qui la pousse à ce maquillage, pourquoi devoir être vierge ? Aux yeux de qui ? A-t-elle moins de valeur si elle ne l’est pas ? Sa famille, son mari l’aimeront-ils moins si elle ne saigne pas ? Car au fond il ne s’agit que de ça … Trois gouttes de sang. Trois gouttes de sang sans lesquelles on ne vaut rien – ou on vaut moins ? Elaha le sait au fond. Malgré tout elle est pleine de vie, elle est jeune, et elle nous porte avec elle, dans ses réflexions et son tiraillement. Car Elaha est tiraillée, tiraillée entre l’amour qu’elle porte à sa famille et son désir de liberté.

Ce film nous plonge au cœur de la communauté kurde en Allemagne. Mais au lieu de sombrer dans les clichés, la réalisatrice nous expose avec nuances et finesse toutes les croyances et parfois toutes les contradictions de cette société. Loin de nous exposer une lecture manichéenne opposant l’orient à l’occident, c’est la singularité et la beauté de ce personnage qui ressortent du film.

 

 

AlloCiné, « Elaha ».