Le 6 novembre, 11h25.
Ce lundi 6 novembre 2023 à 11h25, les femmes commencent à travailler « gratuitement ». C’est ce que soutient le média féministe Les Glorieuses qui sort chaque année un hashtag avec la date et l’heure à laquelle les femmes ne sont symboliquement plus payées. Mais que veulent réellement dire ces chiffres ?
Commençons par le pourcentage utilisĂ© pour effectuer le calcul de la date. Pour cette Ă©tude, Les Glorieuses ont utilisĂ© l’écart de salaire de 15,4% entre femmes et hommes Ă temps de travail identique. Ceci leur a permis par la suite de rapporter cet Ă©cart Ă un nombre de jours de travail ouvrĂ©s puis de le rapporter Ă l’annĂ©e en cours pour atteindre le 6 novembre. Toutefois il existe deux autres pourcentages, qu’elles mentionnent dans leur article. Le premier, 24% d’écart, relève des diffĂ©rences de temps de travail annuel dans le secteur privĂ©. Ceci vient notamment du fait que les femmes sont plus souvent Ă temps partiel que les hommes. En effet, en 2020, 27,4% des femmes en emploi Ă©taient Ă temps partiel tandis que ce n’était le cas que pour 8,4% des hommes. Le deuxième, relevant de l’écart de salaire entre hommes et femmes Ă post identique et temps de travail identique descend quant Ă lui Ă 4%. Toutefois ce pourcentage nettement plus petit ne permet pas de mettre en lumière les inĂ©galitĂ©s inhĂ©rentes au marchĂ© du travail sur lesquelles nous reviendrons plus tard.Â
Dans ces 15% ne sont pas comptĂ©s les temps partiels au moment T mais sont en revanche comptĂ©s les arrĂŞts de travail ou temps partiels demandĂ©s par une femme au cours de sa vie. Le congĂ© le plus courant est le congĂ© maternitĂ©, toujours plus long que le congĂ© paternitĂ© en France. A cette pĂ©riode, les patrons ne peuvent pas licencier la salariĂ©e, mais elle n’est pas non plus en mesure de continuer Ă monter dans la hiĂ©rarchie. C’est Ă©galement par la suite qu’elle demandera certainement Ă moins travailler. Pourtant, ce sont bien la flexibilitĂ© et la capacitĂ© Ă faire de longues heures de travail qui intĂ©ressent les grandes entreprises que Claudia Goldin nomme « cupides » et qui proposent les plus hauts salaires. Or ces disposition sont majoritairement masculines, les femmes ont moins de chance d’être promues (thĂ©orie du plafond de verre), d’autant plus que les promotions arrivent le plus souvent Ă l’âge oĂą elles commencent Ă enfanter. C’est notamment la raison pour laquelle il est plus difficile, dès l’embauche, d’intĂ©grer une telle entreprise : les employeur·es verront en la femme une perte de profit et une opportunitĂ© gâchĂ©e d’avoir quelqu’un capable de modeler ses heures de travail Ă leur guise. Toutefois une grande partie du problème vient Ă©galement de l’inĂ©gale rĂ©partition des emplois sur le marchĂ© du travail des salaires liĂ©s Ă ces emplois. Les mĂ©tiers du care, majoritairement fĂ©minins, sont le plus souvent sous-payĂ©s. Ainsi, bien que les mĂ©tiers de soignant·e, de personne de mĂ©nage ou d’infirmier·ère soient payĂ©s Ă©galement pour les femmes et les hommes, le pourcentage de femmes y Ă©tant plus Ă©levĂ©, il est normal que sur le calcul global, on arrive Ă la conclusion que les femmes gagnent moins. En effet, deux tiers des travailleur·euses au SMIC sont des femmes. Cependant, ce qui ne ressort pas de cette Ă©tude, c’est que les femmes noires et les femmes handicapĂ©es, souvent relayĂ©es Ă ces mĂ©tiers dĂ©valorisĂ©s, font face Ă une inĂ©galitĂ© double. Ainsi, selon le webzine Madmoizelle, les femmes noires commenceraient Ă travailler gratuitement, en moyenne, en juin. Aucune Ă©tude scientifique n’est rĂ©ellement faite sur la question car en France, il est interdit de faire des statistiques ethniques, se heurtant au « principe d’égalitĂ© des citoyens », bien que cela pourrait permettre d’atteindre au contraire une meilleure Ă©galitĂ©. Pour ce qui est des femmes handicapĂ©es, aucune donnĂ©e genrĂ©e n’est disponible sur la question du travail.Â
Le 6 novembre à 11h25 ne concerne donc pas les femmes individuellement, car beaucoup d’entre elles ne remarquent pas de différence de salaire avec leurs collègues masculins. C’est plutôt une critique de la société dans son ensemble, ne traitant pas encore correctement des faits qui ne devraient pas avoir d’impact sur le travail des femmes : grossesse, garde des enfants, ethnie. Pour pallier cela, Les Glorieuses proposent dans leur article trois nouvelles politiques publiques. La première repose sur le principe d’éga-conditionnalisté, revenant à conditionner l’accès aux marchés publics et l’obtention de subvention pour œuvrer au respect de l’égalité salariale au sein de l’entreprise. La deuxième serait de revaloriser les salaires des emplois où les femmes sont les plus nombreuses, donc notamment les métiers du care. Finalement, elles soutiennent l’idée d’un congé parental équivalent pour les deux parents afin que la parentalité ne pèse plus uniquement que sur la femme. En effet, si les hommes commencent eux aussi à prendre des congés à la naissance d’un enfant, alors la société capitaliste sera dans l’obligation d’ajuster ses besoins.
Finalement, une meilleure égalité des salaires pourrait, selon elles, faire baisser les différents types de violences et notamment les violences économiques. En effet, selon leur dernière enquête, 41% des femmes ayant déjà été en couple ont connu au moins une fois des violences économiques, que ce soit par l’interdiction d’accès à son compte bancaire ou le fait de dépenser autant que son ou sa partenaire alors que la personne gagne plus. Ces violences, qui pourraient commencer à se résorber si les écarts de salaires étaient moins élevés, entraînent d’autres problèmes tels que la dépendance économique. Dans certains cas, les femmes ne peuvent pas quitter leur conjoint violent, car elles sont économiquement dépendantes à celui-ci. Il est alors important de regarder les fondements de la société et des inégalités afin de pouvoir gérer des problèmes qui, de prime abord, n’ont pas de lien direct. En France, les violences conjugales ne diminuent pas, tout comme l’écart salarial qui reste au-dessus de 15%. Pourtant l’Europe, depuis 2006, est dans une diminution constante de l’écart salarial. Ceci ne va pas en s’améliorant au vu des réformes mises en place par le gouvernement telles que la réforme des retraites, faisant travailler les femmes plus longtemps car beaucoup n’ont pas cotisé pendant une partie de leur vie, les rendant d’autant plus vulnérables à une forte précarité.
Il semble donc nécessaire d’emboiter ce calcul au sein d’autres afin d’en voir sa véritable valeur sociale. Toutefois il reste indispensable à la bonne transmission du message: l’emploi de biais numériques et mathématiques transformés en un slogan impactant permet de choquer. Une telle date, ça ne s’oublie pas.
Les agressions sexuelles comprises dans la définition nationale de crime de guerre.
Mercredi 1er novembre, le gouvernement de centre gauche allemand a approuvé la proposition de loi du ministère de la Justice visant à élargir la définition des crimes de guerre aux agressions sexuelles, esclavage sexuel et avortements forcés.
Comme le remarque la ministre fĂ©dĂ©rale de la Famille, Lisa Paus, « les violences sexuelles, avant tout contre les femmes, ont longtemps Ă©tĂ© utilisĂ©es dans les guerres du monde entier et par les terroristes comme une arme tactique ». Bien que les viols de masse aient Ă©tĂ© largement utilisĂ©s durant la Seconde guerre mondiale, il a fallu attendre la fin des annĂ©es 1990 et la rĂ©solution du conflit en ex-Yougoslavie puis au Rwanda pour que les agressions sexuelles et plus spĂ©cifiquement le viol soit enfin Ă©tudiĂ©s comme « arme de guerre » par la communautĂ© internationale. DĂ©finies comme « tout acte sexuel commis sur la personne d’autrui sous l’emprise de la coercition » par le Tribunal pĂ©nal International du Rwanda dans le jugement Akayesu de 1998, les agressions sexuelles peuvent dĂ©sormais ĂŞtre considĂ©rĂ©es comme partie intĂ©grante d’une stratĂ©gie militaire.Â
Les agressions sexuelles sont alors qualifiĂ©es internationalement de crime de guerre par le Statut de Rome, crĂ©ateur de la Cour PĂ©nale Internationale (CPI), dès 1998. Ce crime est d’une importance universelle puisqu’il envisage tout agissement contraire au droit humanitaire – aussi appelĂ© droit de la guerre – rĂ©gi par les quatre Conventions de Genève de 1949. Ainsi, bien qu’aucun conflit armĂ© n’ait actuellement lieu sur le territoire allemand, l’Allemagne peut ĂŞtre amenĂ©e Ă statuer sur la commission d’un crime de guerre en raison de sa compĂ©tence universelle. En effet, mĂŞme en l’absence totale d’un lien de rattachement avec l’État (par la nationalitĂ© de l’auteur·ice ou la commission du crime sur le territoire national), une personne Ă©trangère ayant commis un crime de guerre peut voir sa responsabilitĂ© pĂ©nale engagĂ©e devant une juridiction allemande.
Dans ce pays, les crimes de guerre sont donc pratiquement toujours envisagĂ©s sous cette compĂ©tence-ci. Ce nouveau projet de loi visant Ă Ă©largir leurs dĂ©finitions, dĂ©sormais dĂ©posĂ© devant le Parlement, est d’autant plus intĂ©ressant que son utilisation est plus courante que dans les autres Etats. En effet, l’Allemagne est pionnière de la lutte contre l’impunitĂ© des crimes internationaux en Europe et est Ă ce jour le seul pays Ă disposer d’un code des crimes internationaux Ă part entière (entrĂ© en vigueur en 2002). Â
Ainsi, elle souhaite encore une fois montrer l’exemple en incluant les agressions sexuelles, l’esclavage sexuel et les avortements forcĂ©s Ă sa dĂ©finition nationale de crime de guerre. En avril 2019, l’Allemagne souhaitait dĂ©jĂ combattre les agressions sexuelles, utilisĂ©es comme armes de guerre, en facilitant l’accès des victimes Ă leurs droits sexuels et reproductifs. Cependant, sa proposition de rĂ©solution devant le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU a Ă©tĂ© vidĂ©e de sa substance par la Chine, la Russie et les Etats-Unis.Â
La communautĂ© internationale n’est donc pas si disposĂ©e Ă avancer vers une meilleure prise en charge des victimes de violences sexuelles en temps de guerre. MĂŞme le viol, infraction qui amène pourtant le plus au concenssus, reste difficilement retenue lors des procès internationaux. Cette proposition de loi allemande, bien que nationale, pourrait ĂŞtre un très bon exemple pour une meilleure incrimination de ce phĂ©nomène malheureusement mondialement connu.Â
Les citoyen·nes de l’Ohio inscrivent le droit à l’IVG dans leur Constitution.
Mardi 7 novembre, les électeur·ices de l’Etat de l’Ohio ont voté pour inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution. A un an de la présidentielle américaine, cette victoire représente une étape importante du combat pour les droits reproductifs des femmes, thème central des élections de 2024.
Mardi, les citoyen·nes de l’Ohio Ă©taient appelé·es Ă voter sur le droit Ă l’avortement, grandement menacĂ© dans cet Etat. En effet, après l’annulation par la Cour SuprĂŞme de l’arrĂŞt Roe v. Wade aux Etats-Unis en 2022, l’Etat avait adoptĂ© une loi très restrictive sur l’IVG. Le texte interdisait tout avortement (y compris en cas de viol ou d’inceste) dès qu’un battement de cĹ“ur pouvait ĂŞtre dĂ©tectĂ©, soit avant la sixième semaine. Cette loi avait choquĂ© le pays entier après qu’une fille de 10 ans, violĂ©e, s’était vu refuser un avortement. Depuis, le texte avait Ă©tĂ© suspendu par la justice.Â
L’amendement de la Constitution, connu sous le nom de Issue 1, et soumis au vote mardi, s’oppose totalement Ă la lĂ©gislation ultra restrictive de l’Ohio. Il consacre en effet la protection du droit de chaque individu Ă prendre ses propres dĂ©cisions en matière de droits reproductifs, notamment sur l’IVG et la contraception. L’Etat pourra donc interdire l’IVG seulement après 23 semaines, quand le fĹ“tus est viable hors de l’utĂ©rus de la mère. L’inscription de cet amendement dans la Constitution a Ă©tĂ© votĂ©e Ă une majoritĂ© confortable, et reprĂ©sente une victoire importante du mouvement pro-choix, qui a militĂ© pour protĂ©ger le droit Ă l’IVG contre les attaques des rĂ©publicains, qui s’intensifient depuis l’annulation de Roe v. Wade l’annĂ©e dernière.Â
Les camps dĂ©mocrate et rĂ©publicain ont menĂ© une campagne de longue haleine pour convaincre les Ă©lecteur·ices de voter pour ou contre cet amendement crucial. Des moyens financiers et humains consĂ©quents ont Ă©tĂ© engagĂ©s, et les groupes dĂ©mocrate et rĂ©publicain nationaux ont investi cette campagne, qui Ă©tait un moyen pour eux d’Ă©valuer si la colère des Ă©lecteur·ices après Roe v. Wade pourrait aider les dĂ©mocrates lors des Ă©lections prĂ©sidentielles et lĂ©gislatives de l’annĂ©e prochaine. Le droit Ă l’IVG est en effet un enjeu central de la future prĂ©sidentielle, et aucun des deux camps ne semble prĂŞt Ă un compromis. La nomination de Mike Johnson en tant que speaker de la Chambre des reprĂ©sentants la semaine dernière, connu pour ses vues anti-IVG, le montre. De son cĂ´tĂ©, le prĂ©sident Joe Biden s’est fĂ©licitĂ© du rĂ©sultat Ă©lectoral en Ohio : « Les Ă©lecteurs de l’Ohio et dans tout le pays ont rejetĂ© les tentatives des Ă©lus rĂ©publicains d’imposer des interdictions extrĂŞmes de l’avortement, qui mettent en danger la santĂ© et la vie des femmes (…) ».
Le droit Ă l’IVG Ă©tait Ă©galement au centre de plusieurs autres Ă©lections rĂ©gionales cette semaine. Dans l’Etat du Kentucky, aussi très conservateur, le dĂ©mocrate Andy Beshear, dont la campagne insistait sur le droit Ă l’avortement, s’est fait réélire. Un espoir de plus pour les mouvements pro-vie souhaitant adopter des mesures similaires en 2024 dans des Etats non-dĂ©mocrates, comme l’Arizona, le Dakota du Sud, le Missouri et la Floride.
Chaque jour, 1500 demandes d’accès au logement d’urgence sont déclinées. Dans le lot, environ 1100 familles, avec des enfants de tous âges. Véronique Boulinguez, sage-femme volante, apportant les premiers soins obstétricaux aux femmes sans domicile fixe, souligne qu’en une année, elle a eu le malheur de compter 300 femmes enceintes dans les rues de la capitale.
VĂ©ronique Boulinguez a un emploi unique en France inventĂ© en 2016 par la mairie de Paris. Elle parcourt les rues de Paris et des banlieues Ă la recherche de futures mères ou d’enfants en très bas âge pour leur proposer des soins. Elle prĂ©cise que ces femmes ont souvent demandĂ© de l’aide au SAMU social qui n’a pu leur fournir une chambre que pour une nuit ou deux avant de devoir les renvoyer dans la rue. Pour ce qui est des logements d’urgence, une liste de personnes prioritaires a Ă©tĂ© mise en place face Ă la sur-demande : les femmes accompagnĂ©es d’enfants de plus de trois mois sont derrière les femmes victimes de violences, les femmes enceinte et les femmes avec des enfants de moins de trois mois. Sachant qu’il est dĂ©jĂ difficile de trouver une chambre pour la première catĂ©gorie, il suffit d’imaginer ce qu’il en est pour la dernière. Chaque jour, c’est entre 30 et 40 femmes qui appellent le 115 sans rĂ©ponse fructueuse. Ainsi, les 1500 places de logement rĂ©servĂ©es aux femmes enceintes ou venant d’accoucher ne suffisent pas, le système Ă©tant saturĂ©, ce qui signifie qu’elles doivent se dĂ©brouiller dans un environnement hostile et avec des enfants.
Ayant, pour la plupart, quittĂ© un environnement violent, que ce soit des violences conjugales ou risques de violences et mutilations sexuelles dans leur pays d’origine, les femmes migrantes retournent dans une nouvelle situation de violence une fois en France. Bien qu’il n’existe pas d’étude prĂ©cise sur la question, il est possible de dire qu’environ une SDF sur trois est agressĂ©e sexuellement et ce, sans compter les rĂ©cidives ou la prostitution. « Leur non-existence lĂ©gale en fait des proies pour les agresseurs » (Quentin Le Maguer, responsable du CHU du SAMU social de Paris). Ainsi, 26% des demandeuses d’asile interrogĂ©es par la revue The Lancet, disent avoir Ă©tĂ© victimes de violences sexuelles dans les 12 derniers mois sur le territoire français. Certaines femmes se retrouvent mĂŞme enceinte Ă la suite de ces violences qui ont eu lieu en France ou durant leur voyage.Â
Le souci est que pour accĂ©der Ă une maternitĂ©, il faut la plupart du temps s’inscrire sur internet, accès que les femmes SDF n’ont pas. En outre, une fois les premiers mois passĂ©s, il devient très compliquĂ© d’entrer dans une maternitĂ©, les places Ă©tant limitĂ©es. Elles sont donc souvent redirigĂ©es vers des maternitĂ©s privĂ©es qu’elles ne peuvent pas payer. Il en est de mĂŞme pour l’accès aux plus de 1000 centres français de la Protection Maternelle et Infantile, qui proposent des soins pour la mère et pour l’enfant gratuitement, mais pour lesquels l’inscription se fait sur internet, ne laissant pas ou peu de place pour les femmes qui ne peuvent pas prendre rendez-vous. C’est pourquoi le travail de VĂ©ronique Boulinguez est si important pour les femmes SDF, elles voient en elle un espoir de trouver un abri, une aide, ne serait-ce que psychologique. Malheureusement, la sage-femme venant elle-mĂŞme d’un centre de PMI ne peut rien faire face Ă une demande aussi consĂ©quente. Au dĂ©but de sa profession, lorsqu’elle trouvait une femme enceinte dans la rue, elle prĂ©venait tout de suite sa direction et lui trouvait un logement. Aujourd’hui, le nombre de femmes enceinte est tellement Ă©levĂ© et le nombre de places si bas que cela n’est plus possible. Elle est donc dans l’obligation de laisser parfois des bĂ©bĂ©s nĂ©s prĂ©maturĂ©s dans le froid de la nuit, les services de nĂ©onatalitĂ© coĂ»tant trop cher aux mères sans couverture santĂ©.Â
En rĂ©ponse Ă ce manque de place dans les centres d’hĂ©bergement et le danger de la vie dans la rue avec un bĂ©bĂ©, certaines femmes occupent des lits des hĂ´pitaux, restant jusqu’à 70 jours après leur accouchement (le temps habituel Ă©tant de deux Ă quatre jours). C’est notamment le cas Ă l’hĂ´pital Delafontaine de Saint-Denis, qui est obligĂ© de refuser des femmes enceintes par manque de lit disponible. Cette occupation a dĂ©marrĂ© Ă la fermeture du centre temporel d’accueil qui avait Ă©tĂ© installĂ© Ă cĂ´tĂ© de la maternitĂ© pour permettre aux femmes dans la prĂ©caritĂ© de rester avec leur enfant après l’accouchement. Ce centre n’a malheureusement durĂ© que quelques mois, laissant les nouvelles mères sans lieu oĂą aller. Pour cause, la Seine Saint-Denis est le dĂ©partement comptant le plus de personnes pauvres de France, avec pourtant peu de moyens pour les accueillir convenablement, les logements d’urgence Ă©tant très mal rĂ©partis. Toutefois, des solutions sont proposĂ©es avec par exemple un nouveau plan de construction de logements d’urgence Ă©voquĂ© par le prĂ©sident du dĂ©partement. Une autre possibilitĂ©, cette fois-ci Ă©tatique et proposĂ©e par VĂ©ronique Boulinguez, serait de dĂ©velopper des partenariats entre les hĂ´pitaux et les associations d’aides aux femmes enceinte afin de mutualiser les ressources d’une maternitĂ© et d’un accueil de jour, ce qui permettrait de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales de la santĂ©. Ceci ne semble malheureusement pas près d’évoluer en 2024 dans la mesure oĂą les propriĂ©taires de logements sociaux prĂ©fèrent rĂ©nover leur logement pour accueillir les spectateurs des prochains Jeux Olympiques, prĂŞts Ă payer beaucoup, plutĂ´t que des familles en situation de prĂ©caritĂ©.Â
Chelsie Hill, danseuse en fauteuil roulant.
Ancienne championne de danse, Chelsie Hill a fait de sa passion sa force pour se reconstruire après un accident qui l’a rendue invalide. Aujourd’hui, avec son groupe des Rollettes, elle offre un espace de sororité à toutes les femmes et filles handicapées.
La vie de Chelsie Hill, qu’elle soit en fauteuil roulant ou non, a toujours tournĂ© autour de la danse. Dès l’âge de 5 ans, elle participe – et remporte – des compĂ©titions de danse aux Etats-Unis. Adolescente, elle veut devenir danseuse professionnelle. Au lycĂ©e, elle fait partie de l’équipe de danse populaire des Breaker Girls. Son avenir semble tout tracĂ©. Mais en 2010, Ă l’âge de 17 ans, Chelsie est impliquĂ©e dans un grave accident de voiture avec un conducteur ivre. Elle se rĂ©veille Ă l’hĂ´pital, sans l’usage de ses jambes.Â
« La danse reste la danse, que l’on marche ou que l’on roule ! »
MalgrĂ© tout, après plusieurs mois de convalescence, la jeune fille se remet petit Ă petit Ă la danse avec le groupe des Breaker Girls, grâce Ă son père qui leur ramène des chaises roulantes. NĂ©anmoins, Chelsie Hill a du mal Ă accepter sa nouvelle vie en tant que femme handicapĂ©e. En 2012, deux ans après son accident, elle fonde les Rollettes, un groupe de danse uniquement pour les femmes et les filles en fauteuil roulant. Elle explique avoir créé cette Ă©quipe pour rencontrer des filles « comme elle ». Grâce Ă cette communautĂ© qui lui ressemble et la comprend, Chelsie se rĂ©approprie son histoire de danseuse et de femme handicapĂ©e. Aujourd’hui, onze ans après la crĂ©ation du groupe, les Rollettes est devenue un vĂ©ritable espace de soutien pour les femmes avec un handicap dans le pays. Cet Ă©tĂ©, les Rollettes ont organisĂ© leur Ă©vĂ©nement annuel « Rollettes Experience », qui promeut l’autonomisation des femmes et des filles handicapĂ©es. A cette occasion, plusieurs centaines de femmes et d’enfants se sont rassemblé·es Ă Los Angeles autour de cours de danse. Chelsie a en effet dĂ©mĂ©nagĂ© Ă Los Angeles pour poursuivre son rĂŞve de toujours, celui de devenir danseuse professionnelle.
En parallèle, Chelsie Hill est engagĂ©e dans la dĂ©fense des droits des personnes handicapĂ©es. En 2018, avec les Rollettes, elle a lancĂ© la campagne « We Are Boundless » (Nous n’avons pas de limites). Toujours Ă travers la danse, elle transmet des messages inspirants visant Ă dĂ©construire les prĂ©jugĂ©s autour des femmes en fauteuil roulant. Le message est clair : leurs rĂŞves, leurs objectifs, leur capacitĂ© vont au-delĂ de leur condition physique. En 2019, Chelsie et les Rollettes lancent une nouvelle campagne intitulĂ©e « We Can Together » (Nous pouvons ensemble). Elle cĂ©lèbre la force de l’unitĂ© face aux limites qu’on nous impose.Â
La série documentaire d’Arte retrace les batailles passées et actuelles menées par les femmes dans le monde du sport, qui reste un bastion du sexisme dans notre société.
Le documentaire, réalisé par Camille Juza, revient sur le long combat, malheureusement toujours actuel, des sportives françaises. Il peut d’ailleurs se résumer à une seule phrase, celle de l’historienne Cécile Ottogalli-Mazzacavallo, « L’histoire des sportives, c’est l’histoire d’un combat permanent ». De grands progrès ont été accomplis depuis plusieurs siècles, quand les femmes étaient totalement exclues de la pratique du sport. Les Jeux Olympiques de Paris, qui auront lieu l’été prochain, sont en effet les premiers à respecter une stricte parité entre sportives et sportifs. Pourtant, le sport reste un domaine où l’égalité femmes-hommes est loin d’être atteinte.
Le documentaire revient d’abord sur l’émergence des femmes dans le milieu sportif, un monde alors fait par et pour les hommes. La rĂ©alisatrice se base sur de nombreuses images d’archives ainsi que sur l’expertise d’historiennes et de chercheuses. Entre la fin du XIXème siècle et le XXème, les femmes ne sont pas les bienvenues dans ce monde masculin qui prĂ´ne la virilitĂ©. Les sportives doivent se diffĂ©rencier des hommes et sont autorisĂ©es Ă pratiquer un sport sous condition de modĂ©ration, de discrĂ©tion, et surtout d’esthĂ©tisme. Quelques dates marquent les esprits. En France, les femmes ne sont pas autorisĂ©es Ă pratiquer le lancer de marteau avant…1987. Aux Jeux Olympiques, le 800 mètres femmes est interdit entre 1928 et 1960.Â
Le documentaire aborde également les injonctions patriarcales, souvent contradictoires, voire absurdes, qui reposent sur les femmes sportives : elles doivent être performantes, puissantes, tout en gardant une certaine féminité. En effet, le corps des femmes musclées clashe avec les représentations de la féminité imposées par le patriarcat. Plusieurs sportives et personnalités, à l’instar de l’ancienne footballeuse Nicole Abar, témoignent des commentaires sexistes qu’elles reçoivent sur leur physique : « Un mec ne veut pas d’une fille trop musclée », « Tu es un garçon manqué »… Le cas emblématique de l’athlète sud-africaine Caster Semenya, sur lequel revient le documentaire, le montre.
Une série documentaire indispensable, qui nous montre à tou·tes les discriminations que subissent encore les femmes dans le monde du sport, où la présence égale des deux sexes à tous les niveaux reste loin d’être atteinte. Parce que l’histoire des sportives, c’est l’histoire d’un combat permanent, qui continue aujourd’hui…
Retrouvez le documentaire sur Arte : cliquez ici.
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