Revue de presse féministe & internationale du 27 octobre au 3 novembre

Dossier argumentaire sur l’assistance sexuelle
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Revue de presse féministe & internationale du 27 octobre au 3 novembre


FRANCE

L’écriture inclusive, un danger pour le patrimoine français ?

Dans la nuit du lundi 30 octobre au mardi 31, le Sénat a accepté avec 221 contre 82 voix une proposition de loi visant à interdire l’emploi de l’écriture inclusive dans tous les documents administratifs.

Tous les documents administratifs : « les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprises, mais aussi les actes juridiques, qui seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls si la mesure venait à être appliquée ». Pascale Gruny – représentante des Républicains et ayant proposé ce texte de loi – n’est pas la seule dans cette démarche puisque le Rassemblement National avait déposé une motion similaire quelques semaines auparavant, sans qu’elle ne soit jamais conservée à l’ordre du jour. Cette loi viserait selon elle, à « protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive ». Pour l’académie française, ces nouvelles typographies seraient même un « péril mortel » du fait de son illisibilité ; elles risquent de créer une langue désunie.

Suivant un courant de pensée similaire, Emmanuel Macron a exprimé son aversion pour l’écriture inclusive lors de l’inauguration de la cité internationale de la langue française se situant dans le château restauré de Villers-Cotterêts. Il souligne qu’il « ne faut pas céder aux airs du temps » afin de conserver le patrimoine linguistique français. Autrement dit, il ne faudrait pas que la langue évolue, change, grandisse avec la société. Ou peut-être est-ce la société qui ne doit pas évoluer ? La langue française est une langue évolutive, passée du latin à l’ancien français au français que nous connaissons aujourd’hui avec des termes qui sont ajoutés tous les ans au dictionnaire. Pour preuve, il suffit de regarder le manifeste sur la Défense et l’illustration de la langue française de Joachim du Bellay. Il y affirme que le français est l’égal du latin et du grec à une période où il n’est pas courant d’utiliser cette langue. Pourtant en soutenant cela, il utilise, en 1549, un vocabulaire et une typographie que nous avons aujourd’hui abandonné. Prenons pour exemple une phrase aléatoire de son texte : « Au contraire les faiz des autres nations singulierement des Gauloys, avant qu’ilz tumbassent en la puyssance des Francoys, & les faiz des Francoys mesmes depuis qu’ilz ont donné leur nom aux Gaules, ont eté si mal recueilliz, que nous en avons quasi perdu non seulement la gloyre, mais la memoyre ». Aucun texte n’est aujourd’hui écrit de cette manière. La syntaxe, la typographie, voire parfois la grammaire ont donc évolué depuis le XVIe siècle. Pourquoi ne serait-il pas possible de continuer au XXIe siècle ?

Les sénatrices Mélanie Vogel et Laurence Rossignol soutiennent que la raison principale est une peur des féministes, des LGBT et surtout de l’égalité femmes / hommes, d’une disparition de la différenciation des sexes. Elles expriment dans leurs discours face au Sénat que cette loi est elle aussi militante, mais militante d’un monde sexisme. A ce titre, la langue étant une transcription du monde que l’on aimerait voir, une loi voulant encadrer la langue encadrerait de fait, la société. En effet, malgré ce que disent les partisans de cette nouvelle loi, la masculinisation du langage n’est pas inhérente au français, elle date du XVIIe siècle, lorsque les politiques, masculins, ont souhaité évincé les femmes de l’espace social. Avant cela, il était courant que certains noms comme les noms de métier soient féminisés. Ceci est notamment rapporté par l’académie française elle-même qui souligne qu’au moyenne âge les termes tels que “inventeure” ou “commandante” étaient communément employés. Au vu de cette histoire française, il n’est pas possible de faire du masculin un neutre universel sans connotation sexiste. Ceci est d’autant plus marquant lorsqu’on lit la définition de l’écriture inclusive datant de 2017. L’écriture inclusive regroupe « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ». Selon cette dernière partie, l’une des raisons pour laquelle l’écriture inclusive est si rejetée est la mise en avant de la forme féminine des mots.

Pourtant les partisans de cette loi soutiennent y voir moins un souci sexiste qu’un souci d’inclusion des personnes en situation de handicap, dyslexiques ou illettrées pour qui la lecture de mots décousus peut être difficile. Alors pourquoi toutes ces nouvelles propositions de loi en 2023 alors que deux lois ont déjà été votées en 2017 et 2021 interdisant l’emploi de l’écriture inclusive dans les écoles et que cette dernière n’est pas employée, du moins pas avec les points médians, dans les textes de loi. Ces propositions de loi visent donc à traiter un problème avant même qu’il n’existe. Elles semblent donc faire partie intégrante d’une croisade contre l’égalité femmes / hommes menée par les partis de droite. En effet, le texte proposé par les Républicains vise à interdire l’emploi du point médian, des néologismes tels que « iel » ou « celleux » mais également la féminisation de certains mots majoritairement masculins. Selon Mélanie Vogel, les termes de « doctoresse », « mairesse », « poétesse » font par exemple partie de la liste, tandis que les termes tels que « femme de ménage » ou « caissière » ne semblent pas ciblés. Comment alors est-il possible de soutenir qu’une telle loi n’a pas un fondement sexiste ?

La ministre de la culture Rima Abdul Malak soutient en partie cette loi, y voyant un intérêt d’accessibilité pour les personnes handicapées mais souhaite la nuancer afin de conserver les néologismes et la féminisation des mots qui eux, ne rendent pas la langue moins lisible. Il est toutefois possible de se poser la question de l’apprentissage de la langue face à cette loi. Si la peur principale face à l’écriture inclusive est effectivement son illisibilité, pourquoi ne pas apprendre, dès les premiers cours de lecture à l’école. De cette manière, nul difficulté par la suite pour la bonne lecture de l’écriture inclusive. Une langue représente un apprentissage, toute lecture et toute écriture relèvent d’un apprentissage. L’écriture inclusive ne fait pas exception à la règle.

 

 

Le Monde, « Ecriture inclusive : Emmanuel Macron estime qu’« on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots pour rendre la langue française lisible »« , 30 octobre 2023.
Le Figaro, « Pour l’Académie, l’écriture inclusive est un « péril mortel » », 26 octobre 2023.
Sénat, « Proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », 30 octobre 2023.

 


 

VATICAN

La place des femmes dans l’Église au centre des débats. 

Après un mois de réflexion, la première assemblée générale du « synode sur la synodalité », processus de concertation sur le futur de l’Église, a rendu son rapport le 28 octobre. La question des femmes, qui participaient d’ailleurs pour la première fois à l’adoption d’un tel texte, était au centre des débats.

Cette première assemblée du Synode, assemblée consultative convoquée par le Pape, a été inédite aussi bien sur le fond que sur la forme de l’Instrumentum Laboris, son document de travail. En effet, si le texte contient de nombreuses réflexions sur la place des femmes dans l’Église catholoique, il a aussi été élaboré et adopté, pour la première fois, par une assemblée à laquelle participaient des femmes. Les deux derniers synodes du Vatican, qui s’étaient tenus en 2014 et 2019, n’avaient en effet pas octroyé le droit de vote aux femmes… Cela a changé en avril dernier, quand le pape François a annoncé la participation de deux nouvelles catégories, strictement paritaires, lors de la prochaine assemblée. 10 religieux·es et 70 laïcs ont ainsi pu voter samedi 28 octobre, dont 54 femmes, soit environ 10% du collège électoral. Cette avancée discrète témoigne de la politique de féminisation du Vatican que mène le Pape depuis plusieurs années.

Depuis 2021, le pape François s’est attaqué au plafond de verre particulièrement solide/ancré du Vatican, en nommant des femmes à des postes importants. En août 2021, il a nommé Alessandra Smerilli, religieuse et économiste, au poste-clé de secrétaire du dicastère du développement humain intégral, l’équivalent d’un ministère. C’est la première fois qu’une femme accède à ce poste. Autre première : Raffaella Petrini, également religieuse, a été nommée à la tête du gouvernorat du Vatican. Le gouvernorat, qui supervise l’administration interne de l’État, était jusque-là dirigé par des évêques. À l’approche du synode, le Pape avait aussi nommé la religieuse française Nathalie Becquart sous-secrétaire de cette assemblée, chargée d’organiser le synode du mois d’octobre.

Parmi les propositions débattues, qui restent à ce stade des idées, puisque les propositions concrètes, qui influeront les décisions du Pape, seront adoptées lors de la deuxième assemblée générale, le rôle des femmes dans l’Église a particulièrement interpellé. Les chapitres traitant des questions féminines ont en effet été les plus débattus, aux côtés d’autres problématiques brûlantes (célibat des prêtres, place des divorcé·es et des LGBTQ+…). Un point très sensible du débat a été celui de l’ordination des femmes diacres. Le poste de diacre, dont le rôle est d’assister le prêtre lors des messes, est aujourd’hui réservé aux hommes. Les débats sur un potentiel diaconat féminin n’ont pas été tranchés. Inclue dans le rapport final, la proposition n’a pas été soutenue par un cinquième de l’assemblée.

Cependant, cette inclusion très prudente des femmes est critiquée. Mary McAleese, ancienne présidente de l’Irlande, a dénoncé le stratagème en déclarant « L’égalité est un droit, pas une faveur. Les femmes qui participent au synode sur la synodalité sont là comme une faveur, pas comme un droit ». Plusieurs femmes participant au synode ont également dénoncé le langage blessant et le machisme de certains hommes d’Église. D’autres participant·es ont au contraire accueilli une « méthode de dialogue inédite ». Une méthode qui doit désormais s’étendre à tous les niveaux de l’Église. Comme en témoigne le rapport du synode, « Il est urgent de veiller à ce que les femmes puissent participer aux processus de prise de décision et assumer des rôles de responsabilité dans le travail pastoral ». Il faut maintenant attendre la deuxième session de cette assemblée, prévue en octobre 2024, pour obtenir des réponses et des recommandations concrètes.

 

 

 

Le Monde, « La place des femmes dans l’Eglise au centre du premier rapport du synode sur l’avenir de l’institution », 29 octobre 2023.
RFI, « Vatican: le synode sur l’avenir de l’Eglise fait un pas en direction des femmes », 29 octobre 2023.
RFI, « Le pape nomme la première femme à la tête du gouvernorat du Vatican », 04 novembre 2021.

 


 

FRANCE

Le Président de la République souhaite inscrire l’IVG dans la Constitution.

Après un an de débats, de mobilisations féministes et de navette parlementaire, le président a finalement déclaré, le 29 octobre, que « le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’Etat cette semaine et présenté en conseil des ministres d’ici la fin de l’année ».

Cela fait plus d’un an que les débats pour l’inscription du droit à  l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution animent les chambres du Parlement. En effet, cette question s’est inscrite à l’agenda politique français en réponse au revirement de la Cour Suprême des Etats-Unis en juin 2022. Pourtant, la volonté féministe d’affirmer le droit à l’avortement au rang supralegem est bien plus ancienne. Après l’avoir évoqué dans son discours rendu en hommage à Mme Gisèle Halimi le 8 mars dernier, Emmanuel Macron a finalement tenu parole en affirmant ce dimanche 29 octobre sur X (anciennement Twitter) que « le projet de loi constitutionnelle sera envoyé au Conseil d’Etat cette semaine et présenté en conseil des ministres d’ici la fin de l’année ». 

L’Assemblée Nationale avait été la première à voter très majoritairement en faveur de cette inscription suivie par le Sénat le 1er février 2023. Ce dernier avait amendé le texte de loi constitutionnelle proposée par le parti socialiste à la chambre basse pour s’accorder sur la formulation suivante : « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ». Pour le Président de la République, il conviendrait de reprendre ce texte et de l’inscrire à l’article 34 de la Constitution française, à savoir celui listant les pouvoirs du législateur. Pour ce faire, le chef d’Etat souhaite réunir les deux Chambres Parlementaire qui devront voter favorablement au trois cinquième pour que le projet aboutisse. En effet, réviser la Constitution demande un effort supplémentaire par rapport à tout autre texte puisqu’elle est dite « suprême”. Elle apporte des garanties juridiques ne pouvant être remise en cause par des normes dites inférieures, qu’elles soient législatives (adoptées par le Parlement) ou réglementaires (prisent par le gouvernement). 

Ainsi, l’importance principale repose sur la symbolique d’une inscription Constitutionnelle de l’IVG. Sur le fond, le terme « liberté » n’est pas celui de « droit », « la femme » manque de définition précise, « mettre fin à sa grossesse » n’est pas tout à fait « interrompre volontairement sa grossesse » et l’inscription à l’article 34 laisse encore libre cours au législateur de modifier les règles encadrant l’avortement, mais ce dernier sera toujours mieux protégé par la Constitution que par une simple loi. 

Cette nouvelle protection pourrait d’ailleurs faire remonter les problèmes logistiques actuels qui touchent le territoire français. Le planning familial alerte en effet sur la fragilité de l’accès à l’avortement dans les « déserts médicaux » et sur le manque de moyen économique et humain accordé à la pratique de l’IVG. Ces problématiques forcent la fermeture de certains centres et renforcent l’isolement des femmes les plus isolées. Protéger davantage le droit à l’avortement permettrait de lutter plus efficacement contre ces inégalités et de limiter les discours ou actions des groupes anti-choix qui s’adonnent encore à attaquer le libre accès à l’IVG. Enfin, cette inscription dans la Constitution française pourrait résonner dans les autres démocraties et envoyer un message d’espoir aux femmes et militantes du monde entier.

 

 

 

 

Le Monde, « Emmanuel Macron engage le processus visant à inscrire l’IVG dans la Constitution« , 30 octobre 2023.
Le Planning Familial, « Avortement« .

 


 

CHINE

Mariage, natalité et famille sont les mots d’ordre du Congrès national des femmes. 

Lors du 13ème Congrès national des femmes fin octobre, Xi Jinping a appelé les femmes chinoises à se concentrer sur leur travail d’épouse et de mère, urgence face à la crise démographique du pays. Un discours traditionnel en contradiction avec les échos des congrès des années précédentes.

Du 23 au 26 octobre se tenait le 13ème Congrès national des femmes, le plus grand rassemblement politique de femmes en Chine. Organisé tous les cinq ans, ce congrès offre aux principaux dirigeants du parti une plateforme symbolique pour démontrer leur engagement en faveur des questions relatives aux femmes. Malgré sa dimension symbolique, le congrès joue un rôle important en plaçant l’égalité femmes-hommes au centre des discussions. Cette année, pour sa treizième édition, il a rassemblé 1800 délégué·es, ainsi que 90 délégué·es invité·es des régions administratives spéciales (RAS) de Hong Kong et de Macao. Pourtant, lors de la cérémonie d’ouverture, Xi Jinping a innové en délaissant les sujets d’égalité et de femmes dans le monde du travail pour se concentrer sur un sujet moins progressiste.

Fini la place des femmes sur le marché du travail, le Président a demandé aux femmes du parti d’influencer les opinions des jeunes sur « l’amour et le mariage, la fertilité et la famille ». Hanzhang Liu, professeur d’études politiques au Pitzer College, relève le contraste avec la situation d’il y a dix ans, lorsque les hauts fonctionnaires soulignaient au contraire l’importance de l’égalité et de l’épanouissement des femmes. Alors qu’en 2018, Xi Jinping avait appelé à aider les femmes à mieux accorder leur vie de famille et leur travail, il a cette année insisté sur la nécessité de « cultiver activement une nouvelle culture du mariage et de la procréation ». Des objectifs qui semblent en totale contradiction avec la politique de l’enfant unique, mise en œuvre en Chine entre 1979 et 2015. Trois mots peuvent résumer le long discours de Xi Jinping : mariage, natalité et famille. La solution du Parti communiste au double ralentissement économique et démographique est trouvée : il faut renvoyer les femmes chinoises à un rôle plus traditionnel, plus domestique. 

Le pays le plus peuplé de la planète (1,4 milliard d’habitant·es) est en effet plongé dans une crise démographique. Le taux de natalité, en chute, est tombé à 6,77, soit son niveau le plus bas depuis 1978, avant même le début de la politique de l’enfant unique. Bien que la pression reste forte, de nombreuses jeunes femmes, plus instruites et indépendantes financièrement, ne veulent pas d’enfants. Les coûts élevés de la garde d’enfants et les freins à la carrière sont d’autant plus de raisons de ne pas devenir mère. Le Parti est donc confronté à une baisse démographique, un ralentissement économique et une hausse du féminisme…quoique étouffée par le gouvernement.

La condition des femmes chinoises peine donc à progresser. Comme le résume Yaqiu Wang, directeur de recherche pour Hong Kong, la Chine et Taïwan à Freedom House, « De nombreuses femmes en Chine sont autonomes et unies dans leur lutte contre la double répression en Chine : le gouvernement autoritaire et la société patriarcale ». En 2023, le pays s’est classé au 107ème rang du classement sur l’égalité femmes-hommes du Forum économique mondial. L’année dernière, pour la première fois en 25 ans, aucune femme n’a été nommée au Bureau politique du Parti communiste. Si les femmes sont invisibilisées au niveau politique, elles le sont d’autant plus au niveau sociétal : le mouvement #MeToo a été réprimé par le gouvernement, les activistes féministes réduites au silence. Pire qu’une stagnation, les propos récents de Xi Jinping laissent même entendre un certain retour en arrière…

 

New York Times, « China’s Male Leaders Signal to Women That Their Place Is in the Home », 2 novembre 2023.
NBC News, « Xi Jinping says China’s women must start ‘new trend of family’ », 31 octobre 2023.

 

 

 


Nina Métayer, meilleure pâtissière du monde.

Ce 25 octobre 2023, Nina Métayer a été élue meilleure pâtissière du monde par l’UIBC, l’Union International des Boulangers et Pâtissiers. A seulement 35 ans, elle devient la première femme à recevoir un tel prix. Prix qui signifie beaucoup pour elle qui a commencé dans une simple boulangerie pour ensuite s’exercer à la pâtisserie dans les grands restaurants parisiens. Elle s’est faite connaître grâce à ses galettes des rois formées à la précision, et réalise aujourd’hui une large gamme de pâtisseries, allant de la simple sucette au chocolat ou au caramel à la forêt noire en passant par l’incontournable tarte tatin au caramel.

Maintenant à la tête de la Délicatisserie, une pâtisserie en ligne avec deux adresses à Paris, la jeune femme originaire de La Rochelle a, en premier lieu, obtenu un bac littéraire, avant de se lancer dans un CAP boulangerie a la suite duquel elle est partie se former en Australie. C’est donc à Melbourne qu’elle perfectionne son art de la boulangerie et ce n’est qu’une fois de retour dans la capitale, qu’elle décide de pencher vers la pâtisserie en suivant les cours de l’école Ferrandi. Major de promotion, elle est tout de suite embauchée dans de grands restaurants parisiens tels que le Meurice ou encore Le Grand Restaurant de Jean-François Piège où elle sera cheffe pâtissière jusqu’en 2015. Ce n’est alors qu’en 2019 qu’elle ouvre sa propre pâtisserie.

Avant ce grand prix décerné à Munich, la pâtissière avait déjà été désignée comme meilleure pâtissière de France en 2016 par le magazine Le Chef et à nouveau en 2017 par le guide Gault et Millau. Elle est devenue connue du grand public grâce à son apparition dans l’émission Le meilleur pâtissier où elle a été invitée en tant que juge lors d’une épreuve de gâteaux en trompe l’œil. Il est rare pour une femme pâtissière de recevoir tant de prix et d’être reconnue. Dans un post instagram annonçant son obtention du prix, elle remercie toutes ses équipes et les gens qui l’ont accompagnée. Mais pour elle, ce prix est d’autant plus important qu’il représente beaucoup pour les femmes dans cette branche de métier :

« Ça a été compliqué de rentrer dans ce métier-là, en tant que femme et maintenant c’est une consécration énorme, c’est un bonheur de représenter le métier ».

Le Figaro, « la Française Nina Métayer remporte le titre de meilleur Pâtissier mondial », 26 octobre 2023.
Le Point, « Nina Métayer, première femme à être sacrée meilleure pâtissière du monde’ », 26 octobre 2023.

 

 

 


Film – En Bonne Compagnie

Après Annie Colère en 2022, qui retraçait le combat féministe pour la dépénalisation de l’avortement en France, En Bonne Compagnie (Las Buenas Compañias) nous emmène revivre ce combat de l’autre côté de la frontière, en Espagne. Plus précisément dans le Pays basque espagnol, en 1977. Le long-métrage suit le personnage de Bea, une adolescente de 16 ans, engagée dans le nouveau mouvement féministe qui traverse le pays. Sa rencontre avec Miren, jeune fille de bonne famille chez qui travaille la mère de Bea, va bouleverser son été. La réalisatrice, Silvia Mundt, voit son film comme un « hommage à toutes les femmes de cette génération : pouvoir partager ce qui s’était passé, ce qu’on ne sait pas et les sortir du silence ».

Bien que le scénario soit fictif, il se base sur des faits historiques réels, et la réalisatrice propose une reconstitution historique du Pays Basque dans les années 1970. Les années 1976 et 1977, après la mort du dictateur Franco en 1975, sont synonymes de liberté et de changement de mentalités. Liberté sociale, liberté sexuelle… c’était un « moment unique où tout était possible » selon Silvia Mundt. Pourtant, malgré l’émergence d’un mouvement féministe, qui traverse tout le pays, les combats des femmes restent invisibles. Personne ne veut les écouter.

Le film redonne ainsi cette voix aux mouvements féministes de cette époque et à leurs combats fondamentaux. Il met notamment en lumière l’action des « onze de Basauri », un groupe de femmes du Pays basque espagnol, qui, de 1976 à 1985, aidèrent plus d’un millier de femmes à avorter. Le fameux « procès des onze de Basauri », auquel duquel elles furent jugées pour avoir pratiqué des avortements clandestins, s’étendit de 1976 à 1985. Passé inaperçu dans le pays, ce procès historique fut pourtant une étape essentielle dans la dépénalisation de l’IVG en Espagne, dont la première loi fut promulguée en 1985, dix ans après la loi Veil. Dans le film, le collectif féministe auquel appartient Bea se mobilise pour demander la libération de ces onze femmes à travers des actions coup de poing.

A travers le regard de Bea, de nombreux thèmes sont évoqués : la sororité, l’engagement féministe, les relations lesbiennes, les relations mère-fille, l’avortement, les violences sexistes et sexuelles, l’inceste… Tout autant de thèmes difficiles qui sont pourtant abordés de façon poétique et touchante, grâce à une mise en scène qui favorise la suggestion. La réalisatrice suggère ainsi, sans jamais la montrer directement, la domination des hommes sur les femmes à chaque instant. Par des conversations, des regards, des références, le ou la spectateur·ice devine une agression, un viol, une grossesse… 

Le film se focalise sur la question de l’avortement, et les conditions de celui-ci à cette époque. En 1977, les femmes espagnoles partaient en France, à Biarritz, pour se faire avorter de façon digne et légale, alors que cette pratique était encore interdite en Espagne. Aujourd’hui, les deux pays ont renforcé leurs législations sur le sujet, et l’IVG se pratique jusqu’à 14 semaines des deux côtés de la frontière.

La CLEF a animé un ciné débat autour de ce film et de la question de l’avortement en France et en Espagne, le 18 octobre. La présidente de la CLEF, Céline Thiebault-Martinez, et Monique Dental, présidente du réseau féministe Ruptures, ont pu s’exprimer sur l’actualité autour du droit à l’IVG, et notamment le projet de constitutionnalisation de ce droit en France, confirmé par Emmanuel Macron le 29 octobre. Une victoire importante lorsqu’on connaît la lutte historique menée par les féministes depuis les années 70…

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