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Tribune libre – Claire Desaint

L’impact du Covid 19 sur les femmes handicapées.

On a constaté que le Covid 19 a eu un impact plus fort sur les femmes que sur les hommes, augmentant pour la plupart, leur charge mentale : plus de personnes au foyer, s’occuper de la continuité pédagogique, en même temps que du télétravail pour beaucoup d’entre elles. Le confinement et la promiscuité ont été source d’un fort accroissement des violences conjugales.

Qu’en est-il pour les femmes handicapées ? Dans quelle mesure ont-elles vu leurs difficultés augmenter avec le confinement et l’isolement ?

Nous analysons cinq problématiques principales qui ont impacté la vie des femmes handicapées en raison du Covid 19.

En plus de la propre expérience de FDFA, cet article s’inspire des résultats d’une enquête réalisée par Women Enabled International « COVID-19 at the Intersection of Gender and Disability: Findings of a Global Human Rights Survey, March to April 2020 » (COVID-19 à l’intersection du Genre et du Handicap Résultats d’une enquête mondiale sur les droits humains Mars – Avril 2020). L’enquête a été menée virtuellement via un document Word et un formulaire Google en anglais, en espagnol et en langage facilement accessible, mais pas en français. Elle a porté sur 100 personnes. Mais elle est instructive qualitativement.

 

1) Impact sur la santé

La Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), en particulier, exigent que les États garantissent le droit à la santé des personnes handicapées et des femmes sur une base d’égalité et sans discrimination.

Or les femmes handicapées ont été confrontées à une réduction de l’accès aux biens et services de santé en raison du COVID-19, les personnels de santé ayant été redéployés sur les soins aux personnes atteintes du Covid. Cette diminution d’accès aux soins a eu des répercussions sur leur santé physique : réduction ou absence de soins liés à leur handicap, y compris la gestion de la douleur, arrêt des rééducations. Une de nos membres en rééducation après une opération nous écrit : « Pour éviter de croiser trop de monde, nos soins ont été réduits au minimum syndical. (30 minutes par  jour), et on a été interdit.es de sortie, dabord du centre, puis de nos chambres ».Cette réduction a eu pour beaucoup  des effets négatifs sur leur santé mentale.

Pendant la crise COVID-19, les soins de santé ont changé à plusieurs égards. De nombreux soins de santé ont été soit annulés, retardant ainsi les soins nécessaires, soit transférés vers des moyens virtuels comme la télésanté, qui ne sont pas toujours accessibles ou adéquats pour répondre aux besoins parfois complexes des femmes handicapées. Les restrictions sur les transports publics et privés ont aussi été un facteur de réduction des soins.

L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive (tels que l’avortement, la contraception, les services de santé maternelle, pas considérés comme services essentiels) ont été rendus plus difficiles, avec parfois des trajets importants et de plus longue durée. Certains hôpitaux qui pratiquaient auparavant des avortements ont cessé de fournir ce service et ont envoyé les femmes ailleurs pour les soins, ce qui rend l’obtention d’un avortement beaucoup plus compliqué. Les femmes handicapées peuvent être particulièrement touchées par ces restrictions et complications. Afin d’éviter la propagation du COVID-19, certains hôpitaux ont adopté ou envisagé d’adopter des politiques qui interdisent toute personne accompagnante, y compris un compagnon, notamment d’accompagner une personne enceinte pendant le travail, l’accouchement et la période post-partum, difficile à supporter pour des femmes vulnérables.

En outre, et c’est inquiétant, à mesure que la pénurie de soins de santé s’est aggravé, certains établissements de soins du Covid 19 ont pu avoir à prendre des décisions sur les personnes qui reçoivent ou non des soins. Certaines personnes handicapées auraient ainsi été renvoyées dans leur établissement d’origine. Aussi le gouvernement a rappelé qu’en cas de doute, dès l’apparition des premiers symptômes, les services de soins, de ville, d’urgence et hospitaliers, sont mobilisés pour prendre en charge les personnes en situation de handicap. Une sensibilisation des Centres 15 a été engagée pour repérer et tenir compte de la fragilité particulière des personnes polyhandicapées dans ce contexte épidémique.

2) Comment satisfaire ses besoins fondamentaux

Devant les difficultés pour les personnes handicapées de ne pouvoir sortir qu’une heure et à 1km du domicile, le 2 avril 2020, les conditions de sortie pour les personnes en situation de handicap et leur accompagnant.e ont été assouplies. Pour les personnes en situation de handicap domiciliées chez elles, leurs parents ou leurs proches : leurs sorties, soit seules soit accompagnées, en voiture ou non, n’étaient plus limitées à 1h, ni contraintes à 1Km du domicile -pour permettre notamment d’aller dans un lieu de dépaysement-, ni régulées dans leur fréquence et leur objet, dès lors que la personne ou son accompagnant.e justifiait aux forces de l’ordre d’un document attestant de la situation particulière de handicap.

3) Perte d’emploi et de revenus

Les ESAT ont du organiser la réduction de leurs activités au strict minimum, et la fermeture de tous les lieux de restauration ouverts au public. Cette réduction a également concerné les mises à disposition et les unités de travail « hors les murs » mais en tenant compte des spécificités de cette activité professionnelle.

Des femmes handicapées ont été mises au chômage partiel ou ont dû prendre un congé maladie. Le télé-travail n est pas une solution facile pour certaines : il faut un logiciel de reconnaissance vocale pour les personnes non ou malvoyantes, du mobilier spécifique pour certaines, souvent très coûteux.

Enfin certaines craignent une perte de leur emploi, si elles ne peuvent pas reprendre le travail dans de bonnes conditions.

4) Réduction de services d’aide, de services publics, et isolement social

On a constaté une diminution de l’accès à l’assistance technique, à l’assistance personnelle, au remplacement et à la réparation des fauteuils roulants, et autres appareils d’assistance nécessaires et aux services d’accessibilité comme les interprètes en langue des signes, ainsi qu’une diminution de l’accès aux transports publics.

Le stress du COVID-19 avec les membres de la famille ou les ami.es signifiait qu’il était plus difficile de leur demander de l’aide.

Les femmes handicapées ont pu voir augmenter leur charge mentale avec la présence du conjoint ou compagnon et de leurs enfants au domicile, devant assumer plus de tâches ménagères et l’aide à l’école à distance.

Les politiques de distanciation sociale, la diminution des services d’aide ont signifié une diminution de l’accès à l’extérieur, à la vie sociale et cet isolement social a eu un impact important sur la santé mentale.

Les femmes handicapées mentales ont particulièrement été déstabilisées avec les procédures d’isolement, la courte durée des promenades hors du domicile et l’arrêt des visites dans les institutions. Des parents ont dû choisir entre reprendre leur enfant ou adulte handicapé dans leur foyer ou le laisser être confiné dans l’institution mais sans droit de visite. Ceci entraine des perturbations psychiques pour ces publics déjà fragiles.

Certaines mesures de déconfinement ont encore aggravé l’accessibilité de l’espace public, comme l’extension des terrasses de café sur les trottoirs, problématique pour les personnes non et mal voyantes et les personnes à mobilité réduite.

5) Violences

Les femmes et les filles handicapées subissent la violence de leur partenaire, de membres de leur famille ou d’encadrant.es – 4 femmes handicapées sur 5 vivent de violences. Mais pendant les périodes de confinement, d’obligations à rester chez soi, d’isolement  recommandé, les femmes handicapées ont été encore moins en mesure de fuir la violence, en particulier si leurs soutiens habituels n’étaient pas disponibles. La dépendance financière a pu augmenter, l’entourage percevant les aides. Les femmes handicapées placées en institution ont un risque supplémentaire de violence en raison de leur isolement, qui augmente lorsque les visiteurs.euses et les assistant.es habituel.les ne sont pas autorisé.es à entrer dans l’institution.

Concernant le numéro d’appel Ecoute violences femmes handicapées de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir, il a été fermé les 20 premiers jours, les appelantes invitées à appeler le 3919. Ensuite, les appels ont pu être transférés directement aux écoutantes. FDFA a constaté une diminution des appels pendant le confinement.

L’hypothèse étant qu’il est plus difficile d’appeler alors que la famille ou le partenaire est présent au domicile.

Mais depuis le déconfinement, FDFA enregistre une forte augmentation des appels.

Quelques recommandations :

  • Classer les services d’aide liés au handicap et les services de lutte contre la violence sexiste comme des services essentiels pendant le COVID-19.
  • Fournir les informations dans plusieurs formats accessibles.
  • Veiller à ce que les compensations des pertes de revenus aillent directement aux femmes handicapées plutôt qu’aux familles ou aux conjoints ou compagnons.
  • Faire participer les femmes handicapées aux mesures et dispositions mises en œuvre et à la prise de décision relatives à la pandémie.

Conclusion

Les femmes handicapées constituent un public plus vulnérable. En période normale, elles doivent déjà s’organiser dans un environnement peu accessible et une culture sociale peu favorable pour surmonter les obstacles afin d’avoir un logement, un emploi, une vie sociale, avoir des soins de santé. En période de crise, avec confinement, toute cette organisation est remise en cause ; l’impact de la crise est démultiplié pour les femmes handicapées.

Le gouvernement doit donc être particulièrement vigilant pour faciliter la vie quotidienne des femmes handicapées. Il est indispensable qu’elles fassent partie des organes de décisions prises pendant et après la crise afin qu’elles puissent alerter sur leurs conséquences pour elles.

 

Claire Desaint,

Membre de la CLEF
Co-présidente de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir
Vice-présidente de Réussir l’égalité Femmes-Hommes

 

Ces tribunes libres n’engagent que leur(s) autrice(s).