Alors que les femmes sont partout au front dans la lutte contre le coronavirus, elles sont les grandes absentes des forums décisionnaires de la pandémie et de l’après.
On l’a dit et répété, la crise sanitaire, économique et sociale, qui traverse la planète et nous traverse, a non seulement bouleversé notre quotidien, mais nous oblige à repenser nos valeurs, notre mode de vie, notre modèle de société. Le Covid19 a pulvérisé nos certitudes. Sauf une. Chaque crise grave accroît les inégalités économiques et sociales, celle-ci plus que jamais. Et elle met crûment en lumière une évidence: les femmes paient le prix fort.
Depuis des semaines, ce sont les moins valorisés, les moins payés, les plus précaires qui ont risqué la contamination pour que la vie continue : le soin, la nourriture, l’accompagnement. Ce sont principalement des femmes.
Je n’oublie pas les hommes dans les métiers du soin, ni les éboueurs, routiers, livreurs en deux-roues de notre société uberisée, qui forcent eux aussi le respect. Il n’empêche, le compte n’y est pas. Ce sont les femmes qui sont en première ligne: soignantes (87% d’infirmières, 91% d’aides-soignantes), caissières de l’alimentation (76%), auxiliaires de vie en ehpad ou à domicile (97%), préparatrices en pharmacie (90%), enseignantes (71%), femmes de ménage des entreprises fermées.
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), près de 200 millions d’emplois vont disparaître les mois à venir dans le monde. Là aussi, beaucoup d’emplois féminisés: économie formelle du tourisme ou de la restauration; économie parallèle, des marchandes ambulantes aux agricultrices familiales. Les femmes vont payer le prix fort de ces emplois perdus.
Ce n’est pas tout. En France, pays pionnier en santé sexuelle et reproductive, du fait de la concentration des moyens médicaux sur les urgences liées au virus, les associations de droits des femmes ont dû pousser les pouvoirs publics à adapter les conditions d’accès à l’IVG en temps de confinement. Dans de nombreux pays, la priorité centrée sur la pandémie des systèmes de santé a freiné l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive. Selon le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) l’impact de cette crise mondiale va être dévastateur sur les droits et la santé des femmes et des filles. L’accès restreint aux soins prénatals et de maternité, à la planification familiale, à la contraception, va faire reculer les droits de millions de femmes. L’interruption des programmes de prévention peut déclencher sur la décennie à venir une flambée des mutilations sexuelles féminines (2 millions de plus que les prévisions), des mariages d’enfants (13 millions supplémentaires) et les innombrables grossesses non désirées qui s’ensuivent. Sans parler des risques pesant sur la scolarité des filles, qui devront abandonner leurs études pour survivre ou s’occuper des plus vulnérables de leur famille.
Dans la sphère privée, les femmes paient encore le prix fort. Le confinement a décuplé les violences conjugales et intrafamiliales que subissent les femmes dans l’univers clos du foyer (+ 36% rien qu’en France). Au point qu’à l’appel de l’ONU « 143 pays se sont engagés à soutenir les femmes et les filles qui courent le risque d’être victimes de violences pendant la pandémie ». C’est dire l’explosion, partout sur la planète, de ces violences domestiques, exacerbées par le caractère anxiogène du confinement et le sentiment d’impunité des conjoints violents.
Enfin, on le sait, les femmes passent deux fois plus de temps à gérer le ménage et la scolarité des enfants que leurs conjoints. Leur conditionnement à croire qu’elles sont responsables de la maison est déterminant, mais l’attitude du conjoint aussi. Sans parler de ceux qui s’y refusent, beaucoup d’hommes défendent les principes d’égalité et de partage équitable des tâches, mais peinent au quotidien à prendre leur part de cette charge mentale.