
Revue de presse féministe & internationale du 21 au 25 avril
25 avril, 2025Revue de presse féministe & internationale du 28 avril au 2 mai
FRANCE
Reconnaissance de la justice sexiste : la CEDH condamne la France pour n’avoir pas protégé trois mineures victimes de viols
Le 24 avril 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France pour avoir failli à protéger trois adolescentes – âgées de 13, 14 et 16 ans au moment des faits – qui avaient porté plainte pour viol.
Cette décision historique marque un tournant : pour la première fois, la France est épinglée non seulement pour des manquements à ses obligations de protection, mais aussi pour “victimisation secondaire” et recours à des stéréotypes sexistes dans le traitement judiciaire de ces affaires.
La Cour, saisie de trois requêtes, a estimé que les juridictions françaises avaient manqué à leur devoir de diligence, de célérité et de prise en compte de la vulnérabilité particulière des victimes. Elle a constaté une violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit à la vie privée) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dans le cas de Julie (nom d’emprunt), qui avait dénoncé des viols commis par plusieurs pompiers alors qu’elle avait 13 ans, la justice française avait requalifié les faits en « atteintes sexuelles », écartant les notions de violence, contrainte, menace et surprise. Une décision qui avait provoqué l’indignation des associations féministes. En fin de compte, en novembre 2024, les auteurs ont été condamnés à des peines avec sursis, une sanction jugée dérisoire au regard des faits.
De plus, la CEDH a dénoncé les propos tenus par la chambre de l’instruction de la cour d’appel, qu’elle qualifie de « culpabilisants », « moralisateurs » et véhiculant des « stéréotypes sexistes propres à décourager la confiance des victimes dans la justice ». Ces propos appuient une véritable remise en cause du fonctionnement actuel du système judiciaire français en matière de violences sexuelles.
Comme l’a souligné Emmanuel Daoud, l’avocat de l’une des jeunes femmes, cet arrêt constitue « un coup de semonce » : il confirme que la justice française ne protège pas suffisamment les victimes, en particulier les mineures, et qu’elle continue à reproduire des logiques sexistes qui les disqualifient.
Cet arrêt relance les appels des associations féministes à une réforme en profondeur des instances judiciaires. La France est désormais sommée par la CEDH d’honorer ses engagements internationaux.
ESPAGNE
Le projet de loi contre la traite écarte l’ambition abolitionniste du gouvernement
Faute d’accord au sein même de la gauche, le gouvernement espagnol renonce à inclure l’abolition de la prostitution dans la future loi contre la traite. Un sujet toujours aussi sensible et peu encadré en Espagne.
Alors que le ministère de l’Égalité devrait soumettre au Congrès dans les prochains mois le projet de loi organique global contre la traite et l’exploitation des êtres humains, Ana Redondo, ministre de l’égalité et membre du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE), espérait pouvoir inclure l’abolition de la prostitution dans la loi sur la traite.
C’est le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) qui est à l’origine de cette proposition d’interdiction de la prostitution. Fidèle à sa ligne abolitionniste, le parti a intégré cet objectif dans ses trois derniers programmes électoraux. Il prévoit notamment une loi visant à abolir la prostitution et à sanctionner toutes les formes de proxénétisme, y compris les personnes qui facilitent l’exploitation sexuelle.
“Nous abolirons la prostitution. Nous élaborerons une loi interdisant le proxénétisme sous toutes ses formes, y compris la punition des tiers localisateurs et la sanction des proxénètes.” – d’après les programmes du PSOE.
Déjà en 2022, les député•es espagnol•es avaient accepté d’examiner une proposition de loi visant à abolir la prostitution en pénalisant les clients et toute forme de proxénétisme, ce qui impliquait nécessairement une réforme du Code pénal. Cependant, même si la loi avait été admise à l’examen, mais elle était devenue caduque avec la dissolution du Parlement et aucun consensus à gauche de l’hémicycle n’avait été trouvé, et tel est le cas encore aujourd’hui. Aucun parti n’est d’accord sur la législation autour du système prostitutionnel, certains veulent l’interdire et d’autres le “réglementer”. Finalement, le gouvernement de Pedro Sanchez a définitivement renoncé à inclure l’abolition de la prostitution dans la loi contre la traite des êtres humains.
A cause d’un manque de données précises sur la traite en Espagne, la ministre de l’Égalité espagnole a exprimé une difficulté à mesurer l’ampleur du système prostitutionnel dans le pays. Toutefois, d’après un article juridique publié en 2024, les dernières estimations indiquent qu’entre 80 000 et 120 000 femmes sont victimes de la prostitution en Espagne.
Certaines villes comme Barcelone, Séville, Bilbao, Albacete ou encore Leon, ont quand même décidé de pénaliser la prostitution à travers des arrêtés municipaux. Toutes ces communes ont fixé le même plafond de 3 000 euros pour le client prostitueur. À noter que la plupart d’entre elles n’appliquent cette règle que si l’achat de prostitution s’effectue à proximité des zones d’habitation, des centres de santé ou des écoles.
FRANCE
Affaire « French Bukkake » : dénonciation d’un système de violences sexuelles
À l’occasion d’une conférence de presse tenue le 28 avril 2025, plusieurs associations féministes (Osez le Féminisme !, Les Effronté·es, la Coordination française pour le Lobby Européen des Femmes et le Mouvement du Nid) ont dénoncé les biais sexistes de la justice française dans l’affaire French Bukkake, où 16 hommes doivent être jugés pour viols aggravés, proxénétisme et traite d’êtres humains.
Les associations critiquent le refus de la cour d’appel de retenir les circonstances aggravantes de torture et actes de barbarie, sexisme et racisme, malgré les éléments accablants de l’enquête. Elles ont formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir un procès aux Assises, avec jury populaire.
Ces accusations s’appuient sur les témoignages de 16 femmes parties civiles dans l’affaire, qui livrent leurs histoires dans l’ouvrage “Sous nos regards. Récits de la violence pornographique.” Les survivantes y décrivent un système de prédation : tournages non consentis, actes sexuels extrêmes imposés, insultes racistes et sexistes, absence de protection, chantage économique et violences physiques. Elles rejettent le terme d’« actrices » et dénoncent une exploitation systémique des femmes, souvent vulnérables ou précaires, par l’industrie pornographique.
Certaines victimes, comme Noëlie ou Émilie, racontent avoir subi des centaines de pénétrations, des violences psychologiques et physiques extrêmes, et un mépris total de leur intégrité. L’inaction ou la légèreté de certains magistrats est perçue comme une forme de complicité idéologique avec l’industrie pornocriminelle, en invisibilisant la violence derrière l’image d’une “œuvre cinématographique.”
Les associations appellent à une évolution des mentalités, à une reconnaissance pleine de la violence pornographique comme instrument de la culture du viol, et à un changement profond du regard juridique et social porté sur ces crimes.
Etats-Unis
Les 100 jours de Trump : les reculs sur les droits des femmes
Lors d’un meeting en novembre 2024, Donald Trump disait aux femmes américaines « qu’elles le veuillent ou non, je les protégerai », les 100 premiers jours de son mandat ont l’air de montrer le contraire.
Premièrement, dès le premier jour de Trump à la Maison-Blanche, le site web offrant des informations sur la santé reproductive a été désactivé. Par la suite, dans la lignée de sa politique pro-vie, son ministère de la Santé et des Services Sociaux a supprimé toute mention des politiques de protection de l’avortement.
L’administration Trump a demandé à rejoindre les audiences en cours devant la Cour suprême des États-Unis concernant l’arrêt du financement de Medicaid pour les services médicaux fournis par Planned Parenthood (Le Planning Familial) en Caroline du Sud, ce qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles restrictions limitant l’accès des femmes à ces services.
En l’espace de 100 jours, plus de 140 décrets présidentiels ont été signés, soit environ un décret et demi par jour, une vitesse qualifiée de « frénésie de décrets » par Libération.
Pour information, ces décrets présidentiels, appelées executive orders, sont des directives écrites adressées par le président à l’intention des fonctionnaires et des agences gouvernementales et qui ne nécessitent pas l’approbation du Congrès. Comme le rappelle le journal Libération, le président peut ainsi prendre toute décision, à condition qu’elle reste en accord avec les lois existantes et une fois signé, ces décrets restent en vigueur tant qu’ils n’ont pas été révoqués ou jugés illégaux. Ici, beaucoup de ces textes ont été bloqués par la justice.
Certains remettent en cause les droits des femmes :
Le 20 janvier 2025, le président Donald Trump a signé le décret exécutif n°14168 (22e décret de son mandat), intitulé « Défendre les femmes contre l’extrémisme de l’idéologie du genre et rétablir la vérité biologique au gouvernement fédéral », dans lequel il déclare qu’il n’y a que deux sexes – masculin et féminin – et que toute autre opinion nie « la réalité biologique du sexe », ce qui soulève de vives inquiétudes, notamment pour les droits des femmes transgenres et des personnes LGBTQIA+, mais aussi sur le droit à l’avortement et la lutte contre le “wokisme” qui amène à la coupe des fincancements vers les universités qui proposent, par exemple, des programmes d’étude sur le genre.
Le décret exécutif n°14281 (135e) du 23 avril 2023, intitulé “Rétablir l’égalité des chances et la méritocratie”, a suscité des préoccupations, particulièrement en ce qui concerne la préservation de l’indépendance financière des femmes. Il pourrait, par exemple, compliquer l’accès au crédit, car il impose une réévaluation des procédures en cours sous la Loi sur l’égalité des chances en matière de crédit (ECOA) de 1974, qui vise à interdire la discrimination des femmes dans l’octroi de crédits en raison de leur statut marital.
Et si 44 % des électrices lui ont accordé leur voix, et qu’il affirme diriger le pays et le monde, le désenchantement est déjà palpable : selon un sondage de l’Ifop, près de six Américains sur dix ont honte de Donald Trump, et un quart de ses électeur·rice·s regrettent leur vote.
Et comme il l’a dit, ce n’est que le début…