
Revue de presse féministe & internationale du 15 au 19 septembre 2025
19 septembre, 2025Revue de presse féministe & internationale du 22 au 26 septembre 2025
PALESTINE – IRAN
Put your soul on your hand and walk : un femmage à Fatma Hassona
La réalisatrice iranienne Sepideh Farsi partage dans un poignant documentaire, sorti en salle le 24 septembre, une année d’échanges téléphoniques avec la photo-journaliste palestinienne Fatma Hassona, tuée par une frappe israélienne ciblée le 16 avril 2025.
Du 24 avril 2024 au 15 avril 2025, Sepideh Farsi, réalisatrice iranienne en exil depuis plus de quarante ans, s’est entretenue, via des appels vidéos Whatsapp avec Fatma Hassona, photographe et journaliste gazaouie. La réalisatrice a filmé et monté ces conversations, entrecoupées de photos et vidéos prises par la journaliste, montrant Gaza détruite et les habitant·es au milieu des ruines, ainsi que d’enregistrements de bombardements israéliens, pour en faire un film, dans le but de “faire entendre la voix des Palestiniens, qui étaient presque totalement absentes du récit de ce conflit dans les médias depuis le début.”
Mais les conditions de vie inhumaines dont témoigne Fatma Hassona – qui détaille la perte de nombreux proches et explique avoir des difficultés à se concentrer parce qu’elle a faim – contrastent avec le sourire et le courage dont fait preuve la journaliste. Comme le résume Le Monde, “Elle est un soleil qui ne pâlit pas, dans les journées sans fin d’un territoire revivant toujours le même cauchemar”. Bien qu’elle savait que chaque sortie l’exposait à des attaques, des tirs de snipers ou des bombardements, elle a continué à documenter sa vie et celles d’autres Palestinien·nes, faisant preuve de courage et de résilience. Ces clichés sont d’autant plus précieux qu’Israël a interdit l’accès à l’enclave palestinienne aux journalistes étrangers. Le titre du film “Pose ton âme dans ta main et marche” renvoie à cette témérité et à cette nécessité de tenir, d’avancer et de résister, ici par la photographie, malgré les risques encourus à chaque sortie.
L’absence de liberté et le danger pesant en permanence sur Fatma Hassona et sur les habitant·es de Gaza résonnent avec la vie et l’expérience de Sepideh Farsi, contrainte de quitter son pays à 18 ans après une condamnation par le régime des Mollahs et un séjour en prison. Ainsi, en ouverture du film, une voix-off de la réalisatrice explique que ces échanges ont pour elle été un miroir à sa situation personnelle. Elle résume “J’ai réalisé combien nos deux vies étaient affectées par les guerres et les murs.” Ce documentaire est aussi une preuve de sororité, montrant aux spectateur·ices la construction d’une amitié et d’une complicité entre deux femmes, que tout semble séparer et réunir en même temps.
La sélection par l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) du film pour être projeté au Festival de Cannes 2025 est une dernière marque de reconnaissance et de femmage attribué à Fatma Hassona, à son travail, son sourire et son courage incessants et inébranlables face à l’horreur quotidienne de Gaza. Le film se conclut ainsi sur un dernier échange entre Sepideh Farsi et la journaliste, le 15 avril 2025, lors duquel la réalisatrice l’informe de la sélection du documentaire et de sa projection au Festival. Sepideh Farsi invite Fatma Hassona à Cannes, et lui propose d’en profiter pour quitter l’enclave. La photographe accepte, tout en précisant qu’elle ne quittera jamais vraiment Gaza, qui reste sa terre malgré les destructions et les pertes humaines et matérielles. Le 16 avril 2025, Fatma Hassona est tuée dans une frappe israélienne ciblée, ainsi que dix autres membres de sa famille. C’est sur cette dure réalité que se clôt le film, et Sepideh Farsi de conclure “Elle m’a prêté ses yeux pour voir Gaza où elle résistait en documentant la guerre, et moi, je suis devenue un lien entre elle et le reste du monde, depuis sa « prison de Gaza » comme elle le disait.”
Franck-Dumas, Elisabeth, “Dans ‘Put Your Soul on Your Hand and Walk” de Sepideh Farsi, Gaza crève dans l’écran”, Libération, 23 septembre 2025.Ganne, Valérie. “Au cinéma cette semaine, beaucoup de courage”, Les Nouvelles News, 23 septembre 2025.
FRANCE
Free facilite l’accès aux sites pornographiques pour les mineur·e·s
C’est dans un échange de tweet en date du 16 septembre 2025 avec un utilisateur du réseau social X que Xavier Niel, patron de Free, confirme la possibilité de contourner les restrictions imposées par certains sites pornographiques en France.
Le jour même, l’opérateur mobile Free avait annoncé la mise à disposition d’un VPN gratuit (mVPN) pour certaines de ses offres mobiles, garantissant une navigation anonyme en déplaçant l’adresse IP des utilisateur·rice·s français vers des serveurs situés en Italie et aux Pays-Bas.
Pour rappel, la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (dite loi SREN) est entrée en vigueur début 2025, et contient notamment des dispositions visant à protéger les mineur·e·s de la pornographie. A ce titre, les plateformes de diffusion se sont vues imposer une obligation de vérification d’âge de leurs utilisateur·rice·s. Par ailleurs, l’Arcom s’est vue dotée de pouvoirs de de sanction et de blocage en cas de non-respect de cette obligation.
Si cinq plateformes mises en demeure se sont pliées aux nouvelles règles, Aylo, la maison-mère de trois grands sites pornographiques a choisi de bloquer l’accès aux utilisateurs français. Suite à cette annonce, une adhésion massive aux services payants de VPN a pu être observée sur le territoire.
L’annonce de Xavier Niel n’est ainsi pas passée inaperçue sur les réseaux sociaux et auprès des utilisateurs de sites pornographiques.
Mais elle a également attiré l’attention du député PS Thierry Sother, qui a immédiatement annoncé avoir saisi l’Arcom afin de dénoncer la pratique de Free : le « déploiement d’un tel service […] à grande échelle […] soulève de sérieuses préoccupations au regard de la protection des mineurs en ligne ».
L’opérateur s’est défendu auprès de l’AFP en rappelant notamment que l’utilisation de VPN est une pratique courante et légale. Il a également indiqué que le dispositif comprenait un outil de contrôle parental, nécessitant l’activation du VPN par une personne majeure. Olivier Gérard, coordonnateur à l’Union nationale des associations familiales, qui a fortement défendu la mise en place de ces outils de vérification d’âge, déplore ainsi que la responsabilité soit à nouveau remise aux parents. La protection des mineur·e·s en ligne est en effet une cause d’ordre publique et il revient à tous les acteurs de se mobiliser en ce sens.
La mise à disposition rapide d’un VPN gratuit, permettant de contourner les blocages instaurés par les sites pornographiques et par la loi ne serait donc qu’un “hasard”, comme l’indique Xavier Niel sur X. Il est néanmoins utile de rappeler que le patron de Free a notamment construit sa fortune dans les années 80 grâce au Minitel rose, une messagerie érotique, et à ses investissements dans les sex-shops, deux industries fortement reliées à la pornographie, qui lui ont valu une mise en examen pour recel d’abus de biens sociaux et proxénétisme aggravé.
Si l’accès des mineur·e·s aux plateformes de pornographies reste le sujet central, l’annonce de Free remet également en exergue des questions relatives à l’industrie pornographique. Cela fait notamment écho aux inquiétudes formulées dans un rapport d’information publié en septembre 2022 par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur l’industrie de la pornographie du Sénat, qui faisait part de son inquiétude quant à l’accès facilité et massif à du contenu toujours plus violent et malsain.
Malgré une réelle volonté des services publics, la protection des internautes français reste ainsi fortement compromise par l’action des acteurs privés.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Paix en République démocratique du Congo : le rôle clé des femmes médiatrices
À l’occasion de la Journée internationale de la paix, célébrée chaque 21 septembre, un éclairage particulier a été porté sur l’engagement des femmes congolaises face aux conflits persistants dans l’est de la République démocratique du Congo.
Le conflit qui secoue l’est de la République démocratique du Congo (RDC), opposant l’armée congolaise au groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a profondément affecté la vie quotidienne dans la région.
Cette journée internationale a souligné le rôle essentiel des femmes dans la construction d’une paix durable en République démocratique du Congo. Engagées au quotidien dans la médiation entre communautés, la résolution de conflits et la sensibilisation des jeunes, ces femmes jouent un rôle clé dans l’édification d’une société plus pacifique.
Par exemple, les femmes commerçantes transfrontalières de la région des Grands Lacs, directement touchées par l’instabilité, se sont rendues à Lubumbashi à l’occasion de la Journée internationale de la paix pour faire entendre leur voix. Elles ont profité de cette tribune, lors du congrès des maires et bourgmestres de la région, pour plaider en faveur d’un retour à la stabilité, afin de préserver les moyens de subsistance de milliers de familles dépendantes du commerce entre les pays voisins.
Les femmes commerçantes, qui dépendent du commerce transfrontalier pour faire vivre leurs familles, figurent parmi les premières impactées. Selon l’ONG International Alert, elles sont près de 20 000 à exercer cette activité dans les villes de Goma, Bukavu et Uvira (RFI). Aujourd’hui, à cause du conflit persistant, 85 % de ces femmes ont perdu leur capital, soit quasiment 9 femmes sur 10.
Comme le souligne Madame Benge Mukengere, médiatrice à Beni, sur le site des Nations Unies (peacekeeping.un.org) : « Trop souvent, les discussions sur la paix se déroulent sans la voix des mères, des survivantes ou des agricultrices. La paix que nous voulons ne peut se décider sans notre participation. »
Plus largement, le 21 septembre a aussi été l’occasion de rendre femmage aux femmes congolaises, qui subissent plus largement les violences du conflit, notamment les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre pour punir les groupes rivaux et inspirer la peur à la population.
“Femmes et paix en RDC : un engagement quotidien”; Peacekeeping.un.org, 22 septembre 2025
NIGERIA
Les Nigérianes manifestent pour une meilleure représentation au Parlement
Lundi 22 septembre, des centaines de femmes ont défilé dans les rues d’Abuja, la capitale du Nigeria, pour réclamer une place plus importante dans la vie politique du pays et obtenir davantage de sièges réservés aux femmes au Parlement.
Depuis plusieurs années, les propositions législatives visant à améliorer la représentation des femmes au sein du Parlement nigérian se heurtent à une forte résistance de la part des parlementaires. Pourtant, la question de la parité reste au cœur des revendications féminines, comme l’ont une nouvelle fois montré les manifestantes venues de tout le pays.
Ces dernières réclament l’adoption d’un amendement constitutionnel connu sous le nom de « Special Seats Bill » (loi sur les sièges spéciaux). Ce texte prévoit d’ajouter un siège réservé aux femmes à la Chambre des représentants et au Sénat dans chacun des 36 États du Nigeria, ainsi que dans le territoire de la capitale fédérale.
La mobilisation s’est conclue par la remise d’une pétition à une commission parlementaire réunie à l’hôtel Transcorp Hilton, qui tenait une audience sur cette réforme constitutionnelle. La ministre des Affaires féminines, Hajiya Imaan Sulaiman-Ibrahim, a d’ailleurs exprimé son soutien officiel à ce projet sous la présidence de Bola Tinubu.
Dans les rues d’Abuja, une jeune participante de 18 ans, Awodogan Idowu, témoigne auprès de RFI : « J’ai vu beaucoup de jeunes femmes qui souhaitent réellement s’engager en politique. Mais elles ont l’impression que les hommes sont plus forts et qu’elles n’ont aucune chance. »
Selon France 24, les défenseures du projet estiment que ces sièges réservés aideraient à lever plusieurs obstacles structurels qui empêchent les femmes d’accéder au pouvoir. Parmi ces freins figurent notamment les difficultés financières, les rôles de genre traditionnels profondément ancrés, ainsi que la prédominance masculine dans la sphère politique nigériane.
Le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec environ 238,6 millions d’habitants en 2025, compte près de la moitié de femmes dans sa population. Pourtant, leur représentation au Parlement reste marginale : seulement 4 sénatrices sur 109 et 16 députées sur 360 sièges.
Le débat sur la sous-représentation des femmes en politique a connu un point culminant plus tôt cette année, avec la suspension de la sénatrice Natasha Akpoti-Uduaghan après qu’elle ait dénoncé des faits de harcèlement sexuelle impliquant le président du Sénat, Godswill Akpabio.
Selon TV5 Monde, le président du Sénat a, quant à lui, justifié la suspension de Mme Akpoti-Uduaghan par un différend concernant l’attribution des sièges, et non pour les accusations de harcèlement. Cette décision a toutefois suscité de vives critiques au Nigeria, où elle est perçue comme révélatrice du sexisme persistant et ancré dans la sphère politique.
Face à cette pression sociale et politique, un projet de loi devrait être déposé prochainement au Parlement pour garantir au moins 35 % des sièges aux femmes.
AFP. “Nigerian women protest for reserved seats in parliament”, France 24, 22 septembre 2025
“Les Nigérianes veulent plus de femmes au Parlement du pays”, RFI, 24 septembre 2025