Replay Mardi de la CLEF #37 : Soirée électorale féministe
14 novembre 2024Résumé de la lettre de Reem Alsalem au gouvernement grec concernant la législation sur la gestation pour autrui (GPA)
20 novembre 2024Revue de presse féministe & internationale du 11 au 15 novembre
EUROPE
Des femmes confient avoir été victimes de violences sexuelles sur les chemins de Compostelle
Le 11 novembre neuf femmes ont témoigné dans le Guardian des agressions sexuelles qu’elles ont subie sur les chemins de Compostelle, majoritairement composé de routes en France, Espagne et Portugal.
En 2023, les femmes représentaient 53% des pèlerin·es sur les chemins de Compostelle.
Lorena Gaibor, fondatrice de Camigas, un forum en ligne qui met en relation des femmes pèlerines depuis 2015, a déclaré suite aux témoignes des neuf femmes que « Le harcèlement sexuel est endémique sur le chemin. Cela semble très courant. Chaque année, nous recevons des rapports de femmes qui subissent les mêmes choses ».
Au-delà de braver la fatigue physique et psychologique, les femmes doivent faire face aux violences sexuelles. L’une des victimes déclare à ce sujet :
« Cet élément supplémentaire auquel les randonneuses sont confrontées, cet énorme problème de sécurité, affecte complètement leur capacité à relever ces autres défis ou à en profiter comme le font les autres ».
Parmi les violences sexuelles commises, on note un nombre important d’actes exhibitionnisme.
En 2019, alors que Dhooma marchait seule dans la banlieue de Mieres, en Espagne, elle a remarqué qu’un homme la suivait. Cherchant refuge, elle s’est abritée dans un café, mais en ressortant, l’homme était toujours là. Il s’est exposé à elle et a commencé à se masturber tout en s’approchant. Dhooma a pris la fuite, poursuivie par l’agresseur, jusqu’à ce qu’elle trouve refuge chez un homme qui s’est avéré être policier. Cette rencontre a conduit à l’arrestation de l’individu, qui portait sur lui un couteau et des balles et avait déjà été condamné pour viol.
De son côté, Rosie, une autre pèlerine, marchait seule dans la forêt près de Tomar, au Portugal, lorsqu’elle aperçut un homme se masturbant en la fixant. Paniquée, elle a essayé de fuir, mais son sac à dos de 10 kg ralentissait sa course. Le faible réseau dans la région l’a empêchée de contacter immédiatement la police, et le commissariat local était injoignable. Lorsqu’elle a finalement pu signaler l’incident, la police portugaise lui a appris que, depuis 2023, cinq plaintes similaires avaient été enregistrées pour des actes d’exhibitionnisme, sans qu’aucun auteur n’ait pu être identifié. En échangeant avec d’autres pèlerines, Rosie a réalisé que son cas n’était pas isolé et que ces incidents étaient récurrents.
Certaines femmes, confrontées à ces traumatismes, sont contraintes d’interrompre leur pèlerinage. C’est le cas de Yasmina, qui, après avoir été confrontée à un homme se masturbant sur son chemin vers Astorga, en Espagne, a décidé de prendre l’avion pour rentrer chez elle dès le lendemain.
En Espagne, la masturbation en public est qualifiée d’agression sexuelle, et la police est généralement réactive, bien qu’une des victimes rapportent un manque d’assistance malgré de nombreux signalements. L’identification des agresseurs reste souvent complexe. Dhooma, l’une des victimes, a toutefois pu déposer plainte, aboutissant à une simple amende de 3 000 euros pour l’agresseur.
En France, l’agression sexuelle implique un contact physique avec la victime, ce qui signifie que l’exhibitionnisme, même accompagné de gestes de masturbation, n’est pas considéré comme une agression sexuelle. Il s’agit toutefois d’une infraction sexuelle interdite et répréhensible par la loi.
Alors que le nombre de pèlerin·es augmente, les signalements d’hommes s’exhibant devant des femmes également. Johnnie Walker, administrateur du forum Camino de Santiago All Routes Group, souligne le manque de données permettant de quantifier l’ampleur de ces violences. En réponse, la gendarmerie espagnole a renforcé ses patrouilles en espérant protéger les pèlerines.
ETATS-UNIS
Un déferlement de discours masculinistes en réaction à la victoire de Trump
Le soir de la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, un influenceur masculiniste de 26 ans, Nick Fuentes, a célébré l’évènement en s’adressant directement aux femmes :
« Hey, salopes, on contrôle votre corps ! Devinez-quoi les hommes ont encore gagné ! Vous n’aurez jamais le contrôle de votre propre corps. Votre corps, notre choix. ». « Il n’y aura jamais de femme présidente, jamais. Jamais une femme ne sera présidente ! Jamais. C’est fini ! » (Loopsider).
Nick Fuentes est connu pour son nationalisme exacerbé et ses positions ouvertement misogynes, racistes, homophobes et négationnistes. Il se décrit comme « incel et fier de l’être », un terme propre à l’idéologie masculiniste qui signifie « célibataire involontaire ». Il revendique ainsi son appartenance à une communauté masculiniste qui transforme la frustration du célibat en colère contre les femmes, jugées responsables de cette situation. Après avoir été banni du réseau social X, Elon Musk a décidé de rétablir son compte, suscitant de nombreuses critiques quant à la modération des discours de haine sur la plateforme.
Lors de la table ronde intitulée « Trump vs Harris : Make virility great again » organisée par la CLEF, la veille des résultats, les intervenantes ont souligné le rôle démesuré que la numérisation a joué dans la campagne de Donald Trump. Laetitia Vitaud a précisé que la croissance exponentielle de l’influence est nourrie par les algorithmes qui ont besoin de radicalité pour obtenir un maximum de vue. Cette amplification a permis à des discours masculinistes de devenir mainstream, rendant difficile l’évaluation de leur véritable influence sur l’opinion publique. De plus, la récente acquisition de la plateforme X par Elon Musk et ses choix controversés concernant sa gestion ont exacerbé ce phénomène. Sans trop de surprise, Elon Musk va intégrer le gouvernement Trump en 2025 en tant que ministre de « l’efficacité gouvernementale ».
Le jour des élections américaines, Elon Musk a même publié sur X : « La cavalerie est arrivée. Les hommes votent en nombre record. Ils réalisent maintenant que tout est en jeu. ». En célébrant la mobilisation des hommes, il laisse entendre que leur position dans la société serait menacée. Le choix du terme « cavalerie » n’est pas anodin, suggérant une guerre entre les hommes et les femmes. Tandis que les femmes craignent pour leurs droits fondamentaux et leur sécurité, les hommes, porteurs de cette idéologie masculiniste, redoutent de perdre leur pouvoir et leur position de domination traditionnelle sur les femmes.
En détournant le slogan « mon corps, mon choix » utilisée par les femmes militant pour le maintien du droit à l’avortement aux Etats-Unis, Nick Fuentes a ouvert la voie à une vague cyberharcèlement contre les femmes. Dans les 24 heures suivant l’élection, une augmentation de 4 600 % des mentions « votre corps, notre choix » et « retourne dans la cuisine » a été observée sur le réseau social X. En parallèle, les appels à abroger le 19ème amendement, garantissant le droit de vote aux femmes, ont grimpé de 663 %. Le harcèlement en ligne visant les femmes s’est multiplié, incluant des commentaires tels que « ton corps, mon choix ». Cette vague de violence ne s’est pas arrêtée aux limites d’internet, mais s’est exacerbée au sein des écoles et des campus universitaires avec ce slogan accompagnés de menaces de viols.
En réaction, le post d’une utilisatrice sur X est devenu viral le lendemain des résultats de l’élection : « Nous ne devons pas laisser ces hommes avoir le dernier mot ». « Mesdames, nous devons commencer à envisager le mouvement 4B comme les femmes de Corée du Sud et donner à l’Amérique une forte baisse du taux de natalité ». Ce mouvement radical s’oppose aux rôles traditionnels et encourage à éviter les relations avec les hommes pour ne pas subir de violences ou discriminations. Les 4 B signifient bihon (non marié), bichulsan (pas d’enfant), biyeonae (pas de rendez-vous) et bisekseu (pas de relations sexuelles). Les recherches Google sur ce mouvement ont explosé la semaine suivant ce post.
Cette situation suite à la victoire de Donald Trump n’a rien d’étonnant car le gender gap, le fossé entre le vote des hommes et des femmes, n’a jamais été aussi important dans une élection états-unienne. Donald Trump gagne du soutien masculin, mais le perd largement chez les femmes, tandis que Kamala Harris progresse avec 15 à 20 points d’avance chez les électrices.
Pour en savoir plus consultez nos articles sur le gender gap et les masculinismes dans la présidentielle états-unienne en cliquant ici !
INTERNATIONAL
C’est le départ du Vendée Globe !
En 2024, cette 10ᵉ édition voit la participation de six femmes, prêtes à affronter cette épreuve mythique et à inscrire leurs noms dans l’histoire de la course. Pour la 10e édition du Vendée Globe, six navigatrices prendront la mer, égalant la participation féminine record de la course de 2020-2021.
Cette année marque une étape supplémentaire pour une meilleure représentation des femmes dans une discipline qui est traditionnellement dominée par les hommes.
Le Vendée Globe est une course à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance, qui se tient tous les quatre ans. Surnommée « l’Everest des mers », elle représente l’une des compétitions nautiques les plus exigeantes et emblématiques au monde. Skipper·euses doivent parcourir environ 40 000 kilomètres autour du globe, traversant les océans Atlantique, Indien et Pacifique, durant environ 70 jours.
Cette année, la Britannique Sam Davies, navigatrice renommée et figure emblématique de la course, a entamé sa quatrième participation au Vendée Globe. Lors de sa première course en 2008-2009, elle avait frôlé le podium en terminant quatrième. Sa troisième place à The Transat CIC cette année laisse entrevoir une fois de plus la possibilité d’un podium féminin dans le Vendée Globe.
Aux côtés de Sam Davies, Isabelle Joschke (franco-allemande), Pip Hare (britannique) et Clarisse Crémer (française ayant marqué les esprits avec un record de vitesse féminin), reviennent également dans la course. Deux nouvelles navigatrices rejoignent aussi la compétition : la Française Violette Dorange, benjamine de l’épreuve à seulement 23 ans, et la Suissesse Justine Mettraux.
Depuis la création du Vendée Globe en 1989, les femmes navigatrices n’ont eu de cesse de prouver leur place sur ce parcours exigeant. Douze femmes seulement ont réalisé un total de 15 départs, parmi elles, Catherine Chabaud, qui a marqué l’histoire en devenant la première femme à terminer la course en 1997. Pourtant, le chemin vers une représentation féminine équitable reste très long. En trois éditions, aucune navigatrice n’a pris le départ. Et même aujourd’hui, ces six femmes skippers représentent seulement 15 % des 40 participant·es totaux.
Ces chiffres témoignent des obstacles structurels, financiers et sexistes qui continuent à freiner la participation des femmes à ce genre de compétitions. Comme Violette Dorange qui n’avait pas encore réussi à boucler son budget à quelques mois du départ, chaque navigatrice doit surmonter des défis bien au-delà de ceux imposés par la course.
« Je me sens prête et nous avons l’un des meilleurs bateaux à dérives de la flotte. Et pourtant, il nous manque encore 50 % du budget » a-t-elle confié à Ouest France.
Elles montrent que le combat pour la reconnaissance et le soutien des navigatrices se poursuit encore en coulisses.
En 2001, à seulement 24 ans, Ellen MacArthur avait marqué l’histoire du Vendée Globe en terminant deuxième, surpassant 22 hommes sur 24 participants. Les femmes du Vendée Globe naviguent en solitaire, mais elles ne le font pas sans porter les aspirations de nombreuses autres. En participant à cette course mythique, elles remettent en question les stéréotypes persistants et font évoluer la perception des femmes dans les sports extrêmes. Cette édition du Vendée Globe, où une femme pourrait monter sur le podium, symboliserait une avancée majeure pour la place des femmes dans ce sport.
Alors que les vents les porteront autour du globe, leur courage inspire déjà celles et ceux qui, depuis les rivages, rêvent d’une course réellement inclusive.
http://news.bbc.co.uk/sport2/hi/in_depth/2001/vendee_globe/1171488.stm
https://www.lessablesdolonne-tourisme.com/Vendee-Globe/La-course/Palmares
FRANCE
Le 8 novembre : un jour symbolique pour la lutte contre les inégalités salariales
Le 8 novembre marque chaque année une date importante pour la sensibilisation aux inégalités salariales en France. Dès 16h48 ce jour-là, les femmes, selon une estimation de la newsletter féministe Les Glorieuses, commencent à « travailler gratuitement » jusqu’à la fin de l’année en raison d’un écart salarial de 15,4 % avec les hommes, soit 3% de plus que la moyenne européenne, qui était de 12,7 % en 2022. L’écart salarial brut de 15,4 % reflète la différence de rémunération moyenne entre hommes et femmes, toutes professions et conditions confondues.
Si l’on ajuste les statistiques pour comparer les salaires des hommes et des femmes travaillant à temps plein dans des postes similaires, l’écart reste de 14,9 %, selon l’INSEE. Lorsque l’on intègre les temps partiels et les interruptions de carrière, plus fréquents chez les femmes, l’écart moyen passe à 23,5 %. Cela montre que les inégalités ne tiennent pas au volume de travail, mais bien aux discriminations dans les postes et les rémunérations.
La députée Marie Mesmeur appelle, sur la plateforme X, à prendre des mesures pour éradiquer les inégalités salariales :
“ On revendique des sanctions financière pour les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale, une commission de contrôle de l’égalité salariale dans toutes les entreprises lutter contre les temps partiels contraints qui sont le cas pour 80% des femmes et augmenter les congés parentaux et les rendre à égalité entre les hommes et les femmes […] pour que toute l’année on soit payé à la même hauteur, hommes et femmes ”, elle précise également qu’en 2023, la date symbolisant l’écart salarial était le 6 novembre, témoignant ainsi d’une avancée.
Depuis 2018, l’index de l’égalité professionnelle vise à mesurer les écarts de rémunération dans les entreprises et à favoriser la transparence. Cependant, les résultats montrent des progrès mitigés : de nombreuses entreprises manquent de transparence, et les sanctions restent rares. Le Haut Conseil à l’Egalité (HCE) critique cet index pour ses limites, notamment l’absence d’inclusion de certains salariés et de facteurs comme les primes et les violences sexistes au travail.
Les conséquences de ces inégalités sont profondes : elles limitent le pouvoir d’achat des femmes, accentuent leur précarité économique et réduisent leurs perspectives de retraite. Le 8 novembre rappelle l’urgence de réduire les inégalités salariales. Pour une véritable égalité, il est crucial que les entreprises adoptent des politiques de rémunération transparentes et inclusives, que les pouvoirs publics renforcent les contrôles et que la société civile continue de sensibiliser et de militer pour une justice économique.
Le 10 mai 2023, l’Union européenne a adopté une directive visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit. Elle contraint les Etats-membres à garantir plus de transparence des rémunérations pour renforcer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et lutter contre les discriminations au travail. Elle doit être transposée en droit français d’ici juin 2026, en espérant qu’elle contribuera à diminuer significativement les écarts salariaux entre les femmes et les hommes.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/7766515
https://lesglorieuses.fr/6novembre11h25/