Revue de presse féministe & internationale du 1er au 7 juin

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Revue de presse féministe & internationale du 1er au 7 juin


INTERNATIONAL

La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les filles et les femmes défend une position abolitionniste de la prostitution !

Reem Alsalem, la Rapporteuse spéciale sur la violences contre les filles et les femmes des Nations Unies, a publié la semaine dernière un rapport intitulé “Prostitution et violence contre les filles et les femmes”. Pour produire ce rapport d’analyse, elle avait lancé un appel à contribution auquel 300 associations ont répondu, dont la CLEF. Dans sa contribution écrite, la CLEF a exposé la violence que subissent les femmes en situation de prostitution. En tant qu’organisation internationale de plaidoyer, la CLEF tient à souligner cette victoire féministe importante qui aura un impact certain sur les filles et les femmes victimes d’exploitation sexuelle dans le monde entier.

Dans son rapport, la Rapporteuse spéciale expose dans quelle mesure la prostitution et l’exploitation sexuelle sont non seulement une violence en soi, mais peuvent également être une cause et une conséquence de violences. Le Parlement européen parvenait aux mêmes conclusions en Septembre dernier en votant sa résolution P9_TA(2023)0328 “Réglementation de la prostitution dans l’Union européenne: implications transfrontalières et incidences sur l’égalité entre les hommes et les femmes et les droits des femmes”.

La prostitution n’était pas définie juridiquement en droit international, Reem Alsalem la décrit dans les termes suivants : 

“La prostitution est un système de violence, qui réduit les femmes et les filles à l’état de marchandises. C’est un système d’inégalité et de discrimination fondé sur le sexe et sur d’autres motifs croisés, qui empêche les femmes de parvenir à l’égalité”.

La question épineuse du vocabulaire est essentielle puisqu’elle traduit des positionnements, aussi, la CLEF défend l’utilisation des termes de “filles et femmes prostituées” et “victimes”, plutôt que l’expression  « travailleuses du sexe » qui normalise la violence du système prostituteur en la faisant passer pour travail et une sexualité ordinaires. Nous soutenons donc l’approche adoptée par la Rapporteure spéciale.

Le rapport reconnaît que la prostitution constitue une violation du droit à la dignité, et s’apparente souvent à de la torture ainsi qu’à des traitements inhumains et dégradant interdits par le droit international. Les filles et les femmes en situation de prostitution sont souvent privées de leur droit à l’alimentation, à l’éducation, à la santé, à la vie privée, à la vie de famille et à la liberté de mouvement.

Le rapport met en exergue la situation des femmes migrantes puisque 70% des femmes en situation de prostitution sont également en situation de migration. Ce chiffre monte à 80% en France. Ces femmes sont piégées par des proxénètes qui leur extorquent de l’argent et les maintiennent en esclavage. En Afrique de l’Ouest les cérémonies  juju et autres croyances sont instrumentalisées pour effrayer les victimes et les maintenir sous emprise.

Les conséquences de la prostitution sont effrayantes. Le rapport cite une étude qui a montré que 68% des femmes en situation de prostitution ou tout juste sorties de la prostitution, présentent des symptômes dues au syndrome de stress post-traumatique comparables à ceux observés chez les vétérans de la guerre du Vietnam. Les filles et les femmes  victimes présentent souvent des symptômes de dissociation post-traumatique, de pertes de mémoire, d’angoisses, d’idées suicidaires,… S’ajoutent à cela les maladies sexuellement transmissibles et les grossesses non désirées puisque les femmes victimes sont parfois contraintes à des rapports  sans préservatif, en fonction des désirs du client. 

Le rapport insiste sur un point très important: celui de la représentation de la violence dans la pornographie, décrite comme prostitution filmée. La violence omniprésente dans les vidéos pornographiques n’est pas simulée, elle est réellement subie par les femmes filmées. Une étude réalisée en 2010 a montré que sur les vidéos les plus regardées 88,2% présentent des agressions physiques. Cela n’est pas sans conséquence sur la sexualité en général. On remarque que les gros consommateurs de pornographie sont également consommateurs de prostitution et qu’un lien peut être établi entre prostitution, pornographie et violences sexuelles.

Les acheteurs d’actes sexuels sont les principaux auteurs de violences, et avec eux les proxénètes et trafiquants d’êtres humains. Ils sont non seulement auteurs de violences à leur échelle individuelle, mais également responsables de la violence systémique exercée à l’encontre des femmes à cause de l’image réifiée que la prostitution et la pornographie dresse des femmes en général.

 

Cliquez ici pour lire le rapport de la Rapporteuse spéciale !

Parlement européen, « Résolution P9_TA(2023)0328″, 14 septembre 2023.

 

EUROPE

Anniversaire de la Convention d’Istanbul. 

Le 22 avril nous avons fêté l’anniversaire de la ratification de la Convention d’Istanbul par l’Andorre qui entraîne l’entrée en vigueur de celle-ci en Europe le 1er août 2014. Nous fêterons donc bientôt les 10 ans de la Convention d’Istanbul, le premier traité international ambitieux de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes. L’occasion pour nous de faire une analyse de l’évolution des droits des femmes en France et de la mise en place des dispositions de lutte prévues par la Convention

La Convention d’Istanbul est un traité du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence contre les femmes et la violence domestique. Elle est signée par 45 pays et par l’Union européenne, et elle est un véritable outil de lutte contre les violences puisque les Etats signataires sont juridiquement engagés à mettre en place les dispositions qu’elle prévoit. Et, pour vérifier la bonne application de ces recommandations, la Convention prévoit la création d’un groupe d’experts, appelé le GREVIO, chargé de veiller à la bonne mise en œuvre de la Convention. 

En janvier 2023, la France a répondu au questionnaire du GREVIO visant à rendre compte de toutes les mesures mises en place pour aller dans le sens de la Convention. En juin 2023, le GREVIO a en conséquence produit cinq nouvelles recommandations adressées au gouvernement pour lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes. Premièrement, il demande de multiplier les soutiens et la protection accordée aux femmes victimes de violences. En effet, les femmes sont insuffisamment protégées, notamment par les services de police, malgré le danger auquel elles sont exposées. Deuxièmement, il demande au gouvernement de garantir des sources de financement “stables et pérennes” aux associations spécialisées en matière de prévention et de lutte contre les violences. En effet, les femmes victimes de violences sont prises en charge et épaulées par les associations qui pourtant fonctionnent avec très peu de moyens financiers. Il est essentiel pour garantir un meilleur suivi aux femmes victimes de violences de soutenir financièrement le secteur associatif.

Troisièmement, le GREVIO demande que des mesures effectives soient prises pour protéger les enfants exposés à de la violence domestique. Quatrièmement, le GREVIO demande la modification du Code pénal afin qu’il soit conforme à l’article 36 de la Convention qui stipule que le viol est un acte sexuel non consenti. En effet, selon le Code pénal français, le viol est caractérisé quand il y a recours à la violence, la contrainte, la menace, ou la surprise. Le consentement existe de fait dans la jurisprudence mais il n’est pas inscrit directement dans le Code pénal.

Cinquièmement, le GREVIO demande au gouvernement de protéger les victimes en situation de danger immédiat en généralisant le recours aux ordonnances de protection (selon l’article 52 de la Convention), en interdisant à l’auteur de violences de se rendre au domicile de la victime. 

Le gouvernement français sera à nouveau invité en juin 2025 à rendre compte de l’application de ces recommandations.

 

« Site internet du GREVIO & rapports par pays » .
GREVIO, « Conclusions sur la mise en oeuvre des recommandations concernant la France adoptées par le Comité des Parties à la Convention d’Istanbul », 1er juin 2023.
« Convention d’Istanbul » .