Revue de presse féministe & internationale du 13 au 20 octobre

Revue de presse féministe & internationale du 6 au 13 octobre
13 octobre 2023
Revue de presse féministe & internationale du 20 au 27 octobre
27 octobre 2023

Revue de presse féministe & internationale du 13 au 20 octobre


FRANCE

La CEDAW examine la situation des droits des femmes en France.

Mardi 17 octobre, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné la France sur ses politiques d’égalité et de droits des femmes. Les expert·es se sont particulièrement penché·es sur les problématiques des violences conjugales, des droits des femmes d’outre-mer et de la traite des êtres humains.

A l’occasion de la 86ème session du comité CEDAW, qui se tient du 9 au 27 octobre, la France fait partie des huit pays à être examinés par les 23 expert·es des droits des femmes. Le comité a étudié le neuvième rapport périodique de la France, faisant état de la situation des femmes et des avancées réalisées dans le pays ces dernières années. Suite à la remise de ce rapport en 2021, les expert·es de la CEDAW avaient adressé une liste de questions prioritaires à la France, qui devait y répondre en juillet 2022, ce qui n’a pas été fait, reportant ainsi d’un an l’examen de la France à Genève. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), institution nationale française, a exprimé son inquiétude vis-à-vis du comportement du gouvernement face au comité CEDAW – et à tous les mécanismes d’examen des Nations Unies en général. 

D’un point de vue général, l’examen de la France a été marqué par un « décalage entre la perception par le Gouvernement de son action et la réalité observée sur le terrain par les organisations de la société civile » selon Magali Lafourcade, Secrétaire générale de la CNCDH. En effet, la cheffe de la délégation française, la ministre de l’Égalité Bérangère Couillard, qui présentait le rapport de la France, a insisté sur le fait que l’égalité entre les femmes et les hommes avait été nommé « grande cause du quinquennat », reflétant ainsi l’engagement du gouvernement sur cette thématique. Pourtant, comme l’a fait remarquer une experte, la France a chuté dans le rapport annuel sur les inégalités femmes-hommes du Forum économique mondial. Le pays se classe à la 40ème place cette année, alors qu’il occupait le 11ème rang en 2017… 

Suite à l’examen du rapport périodique, les expert·es ont interrogé la délégation française sur des points plus précis. Les questions se sont concentrées autour de quelques thèmes, notamment ceux des violences conjugales, de la diplomatie féministe, des droits des femmes d’outre mer ou encore de la situation des femmes handicapées. Le comité a salué la mise en place d’une véritable diplomatie féministe par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères depuis 2019. La France reste en effet un des seuls pays au monde à avoir adopté une politique étrangère privilégiant les droits des femmes. 

Le comité a interpellé la délégation française sur la prévalence des violences conjugales et des féminicides. En effet, bien que les violences conjugales soient mieux adressées et comprises depuis 2019, les taux de conviction restent extrêmement bas. Selon les expert·es, en 2020, moins d’un quart des victimes a porté plainte. Le comité a remarqué les manques législatifs en matière de violences conjugales, et notamment l’absence d’une définition légale du terme « féminicide », encourageant la France à introduire une législation concernant les féminicides. Concernant la prostitution et la traite d’êtres humains, le comité a relevé le nombre important de filles mineures se prostitutant. Les expert·es ont également dénoncé que la France est le pays européen où a été recensé le plus grand nombre de victimes de la traite, sachant que la traite à des fins d’exploitation sexuelle, qui touche majoritairement les femmes et les filles, est la forme de traite la plus répandue sur le territoire. 

Une autre problématique centrale de cet examen a été les droits des femmes vivant dans les territoires d’outre-mer, dont les revendications ont notamment été portées par des organisations de la société civile présentes à Genève. Le comité a interpellé la délégation française sur les conséquences des tests nucléaires sur les droits des femmes polynésiennes, et particulièrement leur droit à la santé. D’autres atteintes aux droits ont été cités, telles que la contamination d’une grande partie de la population guadeloupéenne et martiniquaise par le pesticide chlordécone, le mauvais accès à l’eau en Guadeloupe, ou encore les enfants comoriens risquant d’êtres victimes de trafic sexuel et de travail forcé à Mayotte. Le comité CEDAW a également exprimé des inquiétudes au sujet des discriminations que continuent à subir les femmes handicapées en France, notamment sur leur lieu de travail.

 

 

OHCHR, « Examen de la France devant le CEDAW : les questions relatives aux violences conjugales, à la traite de personnes et aux territoires d’outre-mer sont particulièrement débattues », 17 octobre 2023.

 


 

MONDE

Le prix Nobel 2023 : une année à résonance féministe. 

Nous nous penchons sur deux des quatre lauréates du prix Nobel 2023 : Anne l’Huillier, lauréate du prix Nobel de physique et Claudia Goldin, lauréate du prix Nobel d’économie.

Commençons par Claudia Goldin, professeure d’économie à Harvard, âgée de 77 ans, qui est devenue la troisième femme lauréate du prix Nobel d’économie et la première à le recevoir seule. Cette récompense est d’autant plus remarquable que le sujet de la place des femmes dans le marché du travail était jusqu’alors un angle mort du jury du Prix de la Banque… Claudia Goldin est une habituée des « premières » : déjà en 1990, elle devenait la première femme à recevoir une place en tant que professeure dans le département d’économie d’Harvard. Par la suite, elle a été présidente de l’American Economic Association et est actuellement co-directrice du groupe d’études de genre dans l’économie au Bureau national de recherche économique. 

Claudia Goldin a dédié sa vie à travailler sur la place des femmes dans le marché du travail, en mêlant économie du travail et histoire économique, ses spécialités.  Ses travaux s’intéressent au fonctionnement de la société actuelle quant au travail des femmes, et à son évolution. Dans ce sens, elle a mis en lumière une courbe en U représentant le travail des femmes depuis le début du XIXe siècle. En effet, lorsque le principal travail était l’agriculture, les femmes aidaient à labourer les champs, s’occuper des animaux, les tâches étaient réparties et tout le monde travaillait. Avec l’avènement de l’industrie, la courbe chute : le travail des femmes, réduites au travail domestique, a considérablement diminué.  Leur place dans le marché du travail a ensuite de nouveau augmenté lors de l’arrivée de la pilule contraceptive sur le marché. Claudia Goldin considère donc trois étapes majeures dans l’évolution du lien entre les femmes et le travail. Lorsque les femmes ont pu commencer à étudier, elles n’avaient pas d’emploi futur en tête. Puis, une fois les études plus conventionnelles accessibles aux femmes, elles ont commencé à travailler avec un emploi comme objectif. Cependant, il était quasiment de leur devoir de s’arrêter de travailler pour élever leurs enfants. Certaines entreprises américaines licenciaient des femmes mariées, simplement pour cette raison. Finalement, lorsque la pilule est arrivée, les femmes ont eu le choix de se marier sans avoir d’enfants tout de suite, leur permettant ainsi de s’engager dans une véritable carrière professionnelle. Il y a donc eu deux points clés dans l’histoire des femmes : l’anticipation d’un emploi et la liberté reproductive. Finalement, la chercheuse établit que le lien entre les femmes et le travail n’est pas dû à une volonté féminine, mais bien à des données extérieures.

Durant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de femmes ont travaillé. Par la suite, la « révolution silencieuse » a permis de réduire les écarts de salaire entre femmes et hommes. Mais alors si tant d’évolutions ont eu lieu au fil du temps, pourquoi y a-t-il toujours des écarts dans les salaires ? Selon elle, cela est dû à ce qu’elle nomme le « travail cupide ». Cette idée soutient le fait qu’à la sortie des études, femmes et hommes sont payé·es de manière similaire pour le même travail. Pourtant, au fil du temps, les hommes reçoivent davantage de promotions que les femmes. Cela serait dû au fait que les grandes entreprises vont valoriser une personne aux horaires libres, prête à faire de longues journées. Encore aujourd’hui, ceci est surtout possible pour les hommes.

« Si nous voulons réduire, voire éradiquer l’écart salarial, nous devons d’abord nous attaquer plus profondément à la racine de ces revers et donner au problème un nom plus précis : le travail cupide ».

Cependant, contrairement à ce que pourrait laisser croire son champ d’étude, Claudia Goldin n’a pas le regard uniquement tourné vers le passé. En effet, en tant que femme d’avenir et de changement, elle œuvre pour faire entrer plus de femmes dans la discipline, notamment en poussant des étudiantes à suivre cette voie grâce, par exemple, à des programmes destinés à les attirer.

Ainsi, Claudia Goldin a créé la Femina economicus, en réponse à l’homo economicus, afin de mieux contrer les inégalités présentes dans le marché du travail aux Etats-Unis. Malheureusement, dans ses recherches elle ne prend pas en compte les classes sociales ou les ethnies qui peuvent pourtant avoir un impact crucial sur la manière dont le travail est considéré par les femmes et sur la manière dont les employeurs considèrent leurs employées.

Sur un tout autre pan de la recherche, c’est Anne L’Huillier, physicienne franco-Suédoise qui a reçu, aux côtés de deux de ses confrères, le prix Nobel de physique. L’Huillier est en effet une pionnière de la physique ultra-rapide, à l’échelle de l’attoseconde. En 1987, elle contribue fortement à l’observation de la réaction des atomes d’un gaz lorsqu’un laser à haute puissance les atteint. Ses co-lauréats avaient, avant elle, mené une expérience prouvant que lorsque le laser touche les atomes, ceux-ci perdent des électrons et deviennent alors des ions. Mais Einstein était allé plus loin et avait fait l’hypothèse que lorsqu’une deuxième lumière, plus intense, touche les atomes, ils récupèrent des électrons. En clair, l’objectif de ces expériences était de comprendre la réponse des atomes et de leurs électrons face à une lumière très intense et donc très rapide. Pendant un temps, les trois scientifiques ont travaillé ensemble, jusqu’à ce que le CEA, intégré par Anne L’Huillier à la suite d’un stage et seul endroit en France avec un laser suffisamment puissant pour mener à bien cette expérience, décide d’arrêter le financement de ces expériences.

La physicienne décide donc de partir en Suède en 1995, où elle est encore rémunérée par le CEA pendant un an, pour continuer les expériences, même si cela signifie devenir concurrente de ses anciens camarades. Ces derniers prouveront son expérience en 2001, soit 15 ans après avoir récupéré des résultats positifs. Elle y rencontre alors son mari et décide de s’y installer définitivement. Elle continue à travailler dans le domaine très prisé de l’attoseconde et donne notamment des cours à l’université de Sund en Suède, où elle a appris qu’elle était lauréate du prix Nobel et fait une conférence pour les journaux mais également pour ses étudiants. 

C’est sur ce point que nos deux lauréates sont liées : elles ont toutes deux l’envie de transmettre leur savoir et de préparer la nouvelle génération de chercheur·euses dans leur domaine respectif. Anne L’Huillier était elle-même une très bonne élève puisqu’elle a fait une prépa maths/physique qui lui a permis d’entrer à l’ENS fontenay en 1977 et réussir l’agrégation de mathématiques. Aujourd’hui, elle est élue à la fois à l’Académie des Sciences française, suédoise et américaine.

 

 

Le Monde, « Prix Nobel d’économie : Claudia Goldin, « Femina economicus » », 9 octobre 2023.
Les Glorieuses, « Joie ! Un prix Nobel pour l’égalité salariale ! », octobre 2023.
La Finance pour Tous, « Prix Nobel d’économie 2023 : Claudia Goldin récompensée », 11 octobre 2023.
Le Monde, « Anne L’Huillier et Pierre Agostini, Prix Nobel de physique et maîtres du temps infinitésimal », 7 octobre 2023.

 


 

FRANCE

Les violences sexistes continuent dans l’espace numérique.

Un rapport, publié lundi 16 octobre, dénonce la prolifération des discours masculinistes sur les réseaux sociaux, qui rend l’espace numérique de moins en moins sûr pour les femmes et les personnes LGBTQ+. Il exhorte l’Union européenne à mieux lutter contre ces cyberviolences sexistes et homophobes.

Le rapport, co-écrit par l’organisation Equipop et l’Institut du Genre en Géopolitique, vise dans un premier temps à analyser et comprendre ces discours masculinistes, puis de donner des recommandations à l’Union européenne et ses États membres pour renforcer la lutte contre ce phénomène et mieux protéger les femmes dans l’espace numérique. En effet, comme le rapport le souligne, les femmes et autres groupes marginalisés sont les premières victimes de cette montée en puissance des mouvements masculinistes sur les réseaux sociaux. Si le numérique a un véritable « potentiel émancipateur » offrant des plateformes d’expression aux femmes, comme nous l’avons vu pendant #MeToo, il l’est aussi pour les masculinistes, qui utilisent ces mêmes réseaux pour diffuser du contenu antiféministe et violent à grande échelle. Profitant du manque de régulation de la jungle numérique, les mouvements masculinistes prolifèrent leurs discours de haine envers les femmes, principales victimes de ce cyberharcèlement. Ces actions font en fait partie du continuum des violences faites aux femmes, qui s’étend désormais aux espaces en ligne, lieux de « violences inouïes pour les femmes et les personnes LGBTI+ ». 

Le masculinisme, défini comme un courant du mouvement antiféministe, se développe depuis les années 1980, en réaction à l’émancipation des femmes et autres minorités. Les discours de ces mouvements, qui promeuvent la domination masculine et s’opposent à toute forme d’émancipation des femmes, sont donc particulièrement violents, sexistes et misogynes. Alors que les groupes masculinistes investissent les réseaux sociaux, ces discours, transposés dans l’espace numérique, sont amplifiés et la violence démultipliée. Le rapport qualifie de « manosphère » ce lieu de déferlement de haine. Les attaques en ligne contre les femmes sont présentes sur les grands réseaux sociaux, tels que X (anciennement Twitter) et Instagram, mais aussi sur les réseaux plus spécialisés telle que la plateforme de streaming Twitch, et même sur les forums en ligne. Les conséquences de ce cyberharcèlement sexiste sont l’autocensure, voire le retrait massif d’internautes femmes de ces plateformes, pour garantir leur sécurité et leur bien-être mental. Le rapport rappelle également que les cyberviolences ne se limitent pas à ces discours haineux et peuvent prendre d’autres formes, notamment la divulgation de photos intimes d’une personne sans son consentement.

Face à cette montée en puissance des discours masculinistes, le rapport dresse un constat sans appel : s’il est important d’investir l’espace politique face à la montée des mouvements ultra-conservateurs, il est tout autant crucial de le faire dans l’espace numérique. Equipop et l’Institut du Genre en Géopolitique dressent donc une liste de recommandations pour contrer ces mouvements masculinistes, notamment à l’Union européenne, puisque des régulations supranationales sont nécessaires pour contrer les Big Tech qui transcendent les frontières. Les deux organisations conseillent ainsi de renforcer l’arsenal juridique, politique et financier en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) et les discours incitant à la haine, et d’intégrer la lutte contre les VSS et contre les discours masculinistes dans les politiques publiques du numérique. Les régulations existantes au sein de l’UE, telles que le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et le  Digital Services Act (DSA), restent insuffisantes face à ces thématiques, ce qui profite aux mouvements masculinistes. Le rapport plaide aussi pour une meilleure régulation des multinationales du numérique. En effet, le monde numérique étant loin d’être paritaire, la lutte contre les cyberviolences à l’égard des femmes n’est pas une priorité, au contraire de leur modèle économique, favorisé par la viralité des contenus haineux… Le rapport conseille enfin à l’UE et à ses États membres de mieux soutenir les associations et les activistes féministes et LGBTI+, ainsi que d’accentuer la sensibilisation des citoyen∙nes aux discours masculinistes et à ses dangers.

Pour en savoir plus, retrouvez le rapport complet : cliquez ici.

 

 

 

Ouest France, « Les discours masculinistes prolifèrent sur internet, l’Union européenne doit agir, estime un rapport« , 16 octobre 2023.

 


 

POLOGNE

Les élections législatives, un nouveau souffle pour les polonaises. 

Dimanche 15 octobre, les citoyen·nes polonai·ses ont voté pour leurs nouveaux·elles représentant·es au Parlement. Les résultats ont été en faveur d’une majorité démocrate, de quoi faire peser la voix de l’opposition face au gouvernement d’extrême droite.

Le parti droit et justice (PiS), au pouvoir depuis 2015, a pu largement légiférer à sa manière : restriction des droits et libertés des minorités, quasi-interdiction de l’IVG, politique anti-migration, justice non-indépendante… La nouvelle majorité démocratique au Parlement, avec 248 sièges sur 460 à la chambre basse et 66 sur 100 au Sénat, apporte un vent nouveau empli d’espoir pour les pro-choix et les européanistes. 

La volonté de renouveau s’exprime clairement au travers du nombre de votant·es, 73,9% de la population soit 12 points de plus qu’en 2019. Parmi eux, les femmes et les plus jeunes ont voté en majorité pour la collation démocratique tandis que les aînés ont préféré la droite ou l’extrême droite. Depuis 2020, les manifestations noires, mouvement féministe contre la réduction de l’accès à l’avortement, revendiquent leurs droits en insitant particulièrement sur l’importance du vote. Grâce à leur campagne, les polonaises ont voté contre le PiS. Ce dernier a tenté tout de même de remporter les voix des femmes en détournant le regard sur leurs actions anti-choix et en prétextant que l’avortement était un « sujet de femmes hystérique de grandes villes » ou même que les violeurs n’étaient autre que les migrants, comme l’explique l’activiste Roza Rzeplinska. De toute évidence, ces stratégies n’ont pas réussi à berner les femmes du pays.  

La formation du nouveau gouvernement est en cours de négociation jusqu’au mois de décembre. Les partis de gauche et centriste se sont entendus sur une coalition avec Donald Tusk, ancien premier ministre de 2007 à 2014, à sa tête. Pour le moment, il n’est pas possible de savoir combien de femmes obtiendront des sièges dans les institutions du pays mais 43,8% d’entre elles sont déjà inscrites sur les listes du Parlement. Malgré ce « nouveau tournant », expression du politologue Jean-Michel De Waele pour la RTBF, les débats qui auront lieu pour reconstruire ce que le gouvernement précédent a détruit ne sont pas tous gagnés d’avance. Comme l’explique la miliatante Natalia Brioniarcky pour le magazine Elle, la loi anti-avortement n’est pas qu’une volonté du gouvernement mais aussi de l’Eglise, qui occupe toujours une place prédominante dans les décisions du pays. Aussi, l’avortement est un sujet stigmatisé par le corps médical et les aînés, qui s’allient majoritairement avec le PiS.  

 

 

 

RTBF, « Elections en Pologne : comment les femmes ont fait pencher la balance », 18 octobre 2023.
ELLE, « Législatives en Pologne : une nouvelle ère pour le droit à l’avortement dans le pays ? », 18 octobre 2023.
Le Monde, « En Pologne, les jeunes et les femmes ont été les artisans de la victoire de l’opposition », 18 octobre 2023.

 

 

 


Delphine O, la boxeuse d’une république patriarcale.

Delphine O, qui a sorti son nouveau livre, intitulé La diplomatie féministe est un sport de combat, en octobre de cette année, est devenue en 2019 la plus jeune ambassadrice française. En effet, elle a commencé à occuper ce poste à 33 ans. Mais ce n’est pas l’unique poste qu’elle a occupé. Au contraire, le CV de Delphine O est bien chargé. Elle est notamment secrétaire générale de la Conférence Mondiale de l’Organisation des Nations Unis sur les Femmes, ce qui fait d’elle la secrétaire du Forum Génération Égalité, un des plus grands sommets internationaux pour les droits des femmes. Il s’est tenu en France en juillet 2021 et malgré sa faible médiatisation, 40 milliards de dollars ont été mobilisés pour promouvoir l’égalité femmes-hommes. Dans le même temps, elle est membre du Conseil européen des relations internationales, administratrice de l’IRIS et présidente d’honneur de l’Institut du Genre en Géopolitique, ce qui explique les cours qu’elle a donnés à Sciences Po dans le master Human rights. Finalement, juste avant sa carrière d’ambassadrice, elle est passée par le rôle de députée pour La République en Marche, de 2017 à 2019, succédant à Mounir Mahjoudi.

 Avant d’en arriver là, l’ambassadrice a été diplômée de l’Ecole Normale Supérieure ainsi que de la Harvard Kennedy School. Elle a également travaillé comme adjointe au chef de mission adjoint de l’ambassade de Séoul et comme conseillère politique et attachée de presse adjointe au consulat général de France à New York. Finalement, elle a écrit un rapport sur les enjeux de la mer de Chine en tant que rapporteure de la mission sur les enjeux stratégiques. Ces derniers postes n’ont rien à voir avec les droits des femmes et pour cause, Delphine O ne craint pas de dire qu’elle ne s’est pas toujours revendiquée comme féministe. Ce n’est qu’en 2013, à l’âge de 28 ans, qu’elle fait un voyage qui va changer sa perspective sur les enjeux internationaux. En effet, lors de ses études à Harvard Kennedy School, elle fait un voyage en Afghanistan où elle découvre des femmes se battant pour leurs droits. Elle dira d’ailleurs :

« La prise de conscience féministe de ces femmes a permis la mienne. J’ai aussi très fortement ressenti la sororité, que je n’avais jamais vraiment éprouvée auparavant. »

Ce voyage en Afghanistan fait aujourd’hui partie des trois moments majeurs de sa vie, aux côtés de son passage en politique et du Forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes en 2021. Par la suite, elle prend conscience du sexisme rendu invisible par l’habitude qu’elle subissait lorsqu’elle était en politique. Elle se rappelle notamment ses collaborateurs salués tandis qu’elle était prise pour leur secrétaire ou encore des moments où elle n’était pas acceptée à certains événements si elle ne portait pas son badge car elle ne remplissait pas les critères de l’emploi. Aujourd’hui, elle ne craint pas de se dire féministe et de se battre pour les libertés des femmes dans un monde où certains droits semblent régresser. C’est d’ailleurs ce sur quoi porte son livre : le backlash tels que les stratégies des conservateurs pour remettre en cause et freiner l’avancée des droits des femmes, notamment sexuels et reproductifs. C’est pourquoi il faut lutter pour amener ses idéaux féministes et les faire adopter à l’échelle internationale. C’est d’ailleurs de là que vient son titre : il faut savoir se battre et esquiver les coups pour travailler dans ce domaine. Dans son livre, elle parle des phénomènes de régression en termes d’égalité dans de nombreux pays et met en avant la lutte diplomatique internationale sur la question de la liberté des femmes en mettant en lumière différentes militantes.

 

Ouest France, « « Pugnace mais diplomate » : Delphine O, fer de lance de la diplomatie féministe du Quai d’Orsay », 27 septembre 2023.
Magazine 50-50, « Delphine O : « Durant le Forum Génération Égalité, il y a eu 2 700 engagements pris » », 7 juillet 2022.

 

 


Le Consentement, l’adaptation cinématographique du livre de Vanessa Springora.

En 2013, Vanessa Springora décide de reprendre la plume et d’écrire Le Consentement, un récit autobiographique, dans lequel elle décrira « l’histoire d’amour » qu’elle a partagé avec l’écrivain Gabriel Matzneff alors qu’elle n’avait que quatorze ans et lui plus de cinquante. L’écrivain revendiquait alors sa pédo-criminalité qu’il utilisait comme source d’inspiration dans ses livres. Pourtant, il était adulé par le cercle littéraire français et, l’époque faisant, personne ne s’inquiétait de le voir avec une jeune fille. Matzneff partageait ses propos à la télévision utilisant comme raison le fait que les jeunes filles n’ont pas encore été fêlées par la vie, pas comme ces femmes qui ont mal été traitées par les hommes. Peut-être sont-elles en réalité trop solides pour succomber à sa manipulation ? La première personne qui osera prendre la parole à son encontre est Denise Bombardier, une écrivaine québecoise, sur le plateau de l’émission « Apostrophe ». Cela ne changera malheureusement rien à la vie de l’écrivain ni à la manière dont les autres auteurs ou lecteurs le perçoivent.

« Comme je n’avais lu aucun de ses livres, je ne savais pas que c’était un procédé qu’il mettait systématiquement en œuvre » – Vanessa Springora

Dans son livre paru en 2020 aux éditions Grasset, l’écrivaine dépeint une relation d’emprise aussi bien morale que physique construite progressivement à base de lettres d’amour, de mots doux et mélioratifs ou encore de promesses d’avenir. Très rapidement, Matzneff devient tout pour elle, elle dit être folle amoureuse de lui, est prête à quitter le foyer familial pour vivre avec lui. Sa mère finit même par l’accepter, au point de blâmer Vanessa lorsqu’elle décide d’en finir avec cette relation deux ans après son début. Pourtant il était nécessaire pour la jeune fille de partir, se faisant utiliser pour remplir les désirs sexuels d’un pédo-criminel, l’obligeant à coucher avec lui au même titre que plusieurs autres jeunes filles et garçons. Au fur et à mesure, on voit son état mental et physique se dégrader face aux attentes de l’homme qu’elle aime. Elle prend conscience de la toxicité de cette relation qu’elle pensait parfaite jusqu’à s’avouer avoir été abusée sexuellement et mentalement par cet homme.

Le 11 octobre 2023 est sortie en France l’adaptation cinématographique du livre, produite par Vanessa Filho, notamment connue pour le film Gueule d’Ange, et se spécialisant dans les violences sur mineur·es. Le film a notamment été diffusé le 14 octobre 2023 à l’occasion du Festival du film féministe en présence de la réalisatrice, Vanessa Springora ainsi que l’actrice principale. Le film a reçu une standing ovation de la part du public et pour cause, si le livre énerve, le film retourne. Durant la séance, il était possible d’entendre des murmures, des souffles, des rires mais aussi des signes de dégoût, notamment accentués par les scènes de sexualité entre la jeune fille et le quinquagénaire joué par Jean-Paul Rouve, méconnaissable. Ces scènes ont d’ailleurs beaucoup fait parler car elles sont démonstratives, ne laissant de côté aucun détail, aucun bruit, aucune émotion. Selon Kim Higelin, jouant la jeune Vanessa Springora, l’émotion était le principal trait de ces scènes. Lorsqu’une spectatrice lui a posé la question de la violence de ces scènes et surtout de leur utilité, elle a soutenu que lorsqu’elle venait sur le plateau, elle ne se préparait pas à une scène de sexe mais à jouer une émotion forte, différente à chaque fois. C’est d’ailleurs comme cela que l’on pourrait résumer le film : émotion forte.

Pour aller encore plus loin et faire preuve d’un maximum de réalisme, les décors majeurs tels que la chambre de G.M – comme nommé dans le livre – ou celle de Vanessa ont été reproduite à l’identique des originelles. Le film donne donc une matérialité et une réalité supplémentaire au livre qui lui, permet davantage d’entrer dans la tête et la vie de la jeune fille pendant cette expérience mais également par la suite, lorsqu’elle se sent comme un objet sexuel pour les hommes, qu’elle a perdu toute valeur d’elle-même. Ceci n’arrêtait pourtant pas Matzneff qui la harcelait de lettres puis de mails envoyés jusqu’à son lieu de travail – ce qui a notamment poussé Vanessa Springora à écrire son histoire. Pour se débarrasser de cette emprise. Toujours passionnée par l’écriture, au sein d’un cercle littéraire, la jeune Vanessa Springora a lu plus de livres que beaucoup d’adultes, est cultivée et excelle en français. Elle rêve alors de devenir écrivaine, rêve brisé par les paroles et actes de Matzneff qui souhaite quelqu’un de jeune, sans pensée propre, qu’il peut contrôler et subordonner. Elle dira lors du débat qui a eu lieu à la fin de la projection du film que sans cette histoire, elle aurait certainement commencé à écrire des livres bien plus tôt.. Elle parvient malgré tout, en 2019, à devenir directrice des éditions Julliard.

Ce livre écrit pour emprisonner Matzneff dans ses pages n’est pas le premier qu’une de ses victimes a tenté de faire publier. Pourtant dix ans auparavant, l’emprise de Matzneff sur le monde littéraire et le manque d’écoute de la parole des femmes a empêché sa parution. Springora le sait, elle a eu beaucoup de chance, elle tente de publier son ouvrage après la vague #MeToo et tombe dès la première tentative sur un éditeur qui accepte de la publier, tout en n’ayant jamais publier un seul des livres de l’auteur d’aujourd’hui 87 ans. Ce livre a un retentissement aussi bien médiatique que juridique puisque vingt-quatre heures après sa publication, une enquête pour viols sur mineur·e de moins de quinze ans est lancée. Cette enquête ne mènera évidemment nulle part : il est interrogé en audition libre devant les policiers de l’Office central de répression des violences aux personnes en été 2022, sans suite. Pourtant une deuxième femme avait publié un livre en 2021, Francesca Gee, nommée dans le livre et son adaptation, qui a eu une relation avec l’auteur quelques années avant Francesca. Elle y relate sa relation ainsi que l’enquête judiciaire bâclée qui a suivi. Face à tout cela, le pédocriminel soutient être victime d’une vengeance après une séparation douloureuse.