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Tribune libre – Gisèle Bourquin

Les femmes d’outre-mer

 

Les femmes des outre-mer font face aux mêmes difficultés que celles de Métropole, cependant quelquefois exacerbées. Par exemple, l’étude d’Ernestine Ronai révèle la sévérité des violences faites aux  femmes en outre-mer. Les inégalités diverses et les discriminations sont légion. À côté de la discrimination dite “ordinaire” relative aux femmes, il y a des discriminations croisées à combattre. Racisme et sexisme se conjuguent souvent.

La mention spéciale de ce prix souligne “un combat citoyen pour construire des ponts entre femmes de métropole et ultramarines”. C’est notre chantier !

Construire des ponts, comment et pourquoi ?

Les outre-mer ont des liens avec la Métropole via la citoyenneté, la langue, le système éducatif, une histoire quelquefois douloureuse, mais avec une individualisation des trajectoires institutionnelles. Ce million et demi de femmes, disséminées à travers le monde sur trois océans, sont des citoyennes françaises à part entière et non – entièrement à part ! Les territoires ultramarins n’en demeurent pas moins singuliers par leur culture métisse, leur implantation géographique, la richesse de leurs savoirs matériels et immatériels. Elles ont des identités différentes dues à l’histoire, au peuplement, à l’héritage…

À côté du français, langue de tous ces territoires, il y a un multilinguisme des plus riches , chaque région a une ou plusieurs langues, qu’elles partagent avec leurs voisins non-français, exemple le créole dans la Caraïbe ; dans une même région, il y a plusieurs langues comme en Nouvelle-Calédonie. Dans leur propre région, elles cohabitent avec différentes cultures, différentes ethnies, et même si l’harmonie n’est pas toujours au rendez-vous, elles ont cheminé avec des personnes de religion ou de tradition différente.

Tradition et modernité se conjuguent. Cependant, en l’occurrence, il faut rester vigilant : la tradition, les coutumes n’autorisent pas au XXIe siècle à bafouer les droits des femmes. Comment ? Notre objectif est l’échange et transmission de savoirs.

Créer des ponts entre les territoires ultramarins permet de découvrir, reconstituer et partager le Matrimoine des Outre-mer. Notre dernier colloque Matrimoine des outre-mer avec des personnalités de tous horizons a permis d’appréhender la richesse et la portée de ce matrimoine des Outre-mer.

Les femmes, gardiennes du foyer ont un rôle majeur dans l’éducation, la transmission, transmission des savoirs traditionnels, préservation du p/matrimoine qu’il soit matériel (objets) comme de la tradition des coutumes et la préservation de la culture.

Préserver et transmettre les objets qui symbolisent la culture et les racines : un coui, un tapa, un bambou gravé, un bakoua, les archives des aînés… afin que les personnes de toute génération puissent découvrir ou redécouvrir ces témoins de leur culture. Une action significative : collecter des documents authentiques sur l’œuvre d’Aimé Césaire, celle  de ses contemporains, c’est utile au monde des lettres, ce sont aussi des éléments du patrimoine  commun. Du singulier à l’universel !

Il faut donner aux jeunes générations des modèles, mais aussi faire connaître les “talents de l’Outre-mer“. Dans notre travail, nous incluons aussi les personnes originaires des outre-mer et notamment les jeunes nés en Europe, eux aussi ont besoin de racines et de modèles.

Pour illustrer la contribution des outre-mer à la culture, sciences et autres signalons deux initiatives parmi d’autres.

Yola Minatchy, réunionnaise avocate internationale pilote l’opération les talents de l’outre-mer qui fait découvrir des jeunes de tous les outre-mer qui excellent dans des secteurs de pointe.

Fabrice Di falco, sopraniste avec Les Voix de l’Outre-mer fait découvrir des artistes prometteurs histoire de montrer que les outre-mer sont présent.es dans tous les domaines et contribuent au rayonnement de la France. Nous saluons ici la mémoire de Christiane Eda Pierre grande cantatrice qui a fait rayonner la culture française et qui vient de nous quitter.

Nous souhaitons instaurer le parcours du matrimoine dans toutes les régions d’outre-mer et de Métropole. (Un vœu ! Que nous puissions très prochainement faire une halte au Panthéon où Paulette Nardal aura enfin fait son entrée.)

Sans vouloir occulter les difficultés existant en Outre-mer, reconnaissons que les territoires d’outre-mer sont des lieux d’échanges entre langues et cultures, mais aussi des laboratoires et lieux d’inspiration pour inventer ensemble un nouveau monde.

Les femmes d’au-delà des mers sont des pionnières pour le monde de demain. Au moment où montent des relents d’extrémisme, d’ostracisme, de rejet de l’autre, on doit incontestablement s’ouvrir à l’Autre. Ces citoyens français ont des cousins à travers le monde. Ils sont “habitués à accueillir et mêler les énergies humaines venues d’ailleurs, ils constituent autant de modèles culturels pour le futur” pour citer Audrey Célestine.

Nous remercions la CLEF de vouloir donner de la visibilité aux femmes d’outre-mer, à les faire connaître autrement et peut être à casser des préjugés. Les femmes d’au-delà des mers ont leur rôle dans la marche du monde. Elles sont ”les racines du futur“ !

 

 

Gisèle Bourquin, Présidente de l’association Femmes au-delà des mers,

Déléguée spéciale de la CLEF aux Outre-mer,

Lauréate du prix 2020 de la délégation aux droits des femmes (septembre 2020) – cliquez ici pour regarder le discours de Mme Annick Billon

 

 

 

Ces tribunes libres n’engagent que leur(s) autrice(s).