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Hommage à Hélène de Beauvoir, artiste-peintre féministe engagée, née le 6 juin 1910

6 juin 1910 -1er juillet 2001

 

Nous célébrons le 6 juin 2020 le cent-dixième anniversaire de la naissance d’une militante féministe souvent oubliée, Hélène de Beauvoir, sœur cadette de Simone de Beauvoir, artiste-peintre qui a laissé trois mille tableaux et gravures exposés dans le monde entier.  Son œuvre a fait l’objet en 2018 d’une superbe rétrospective au musée Würth d’Alsace.

Hélène de Beauvoir déclarait « Une journée sans peindre est une journée perdue ». Petite fille, pendant que Simone écrivait, elle peignait. Sartre se prend aussi d’affection pour Hélène qu’il considère jusqu’à sa mort comme un membre de sa propre famille. En 1936, à 25 ans,  elle réalise sa première exposition, avant que Sartre et Simone de Beauvoir n’aient été publiés. Pablo Picasso s’y rendra, et lui fera le plus beau des compliments « Votre peinture est originale » à une époque où les peintres voulaient imiter son style.

Entre abstraction et figuration, la rétrospective présentée en 2018 au musée Würth France a mis en valeur le parcours de cette féministe engagée. Les présidentes de  plusieurs associations, dont la CLEF, Femmes au-delà des mers, Excision parlons-en, Femmes Monde, et d’autres féministes sont venues de toute l’Europe contempler cette rétrospective où le musée Würth  a reçu un large public international.

 

Avec quarante ans d’avance, les combats  de cette artiste-peintre sont, en effet, ceux-là même de la Coordination française du Lobby européen des femmes (CLEF).

Hélène de Beauvoir a en effet mené des actions féministes et écologistes tout au long de sa vie. Par ses tableaux,  peintures à l’huile, acryliques, aquarelles, gravures, dessins et collages, elle a mis en scène la vie, souvent dure, des femmes à travers les pays où elle a vécu: paysannes au Portugal pendant la Seconde Guerre mondiale, ouvrières saisonnières italiennes des rizières. Les femmes sont dans l’eau jusqu’aux genoux, pieds nus et le dos plié des journées entières sous le soleil et les insectes, avec des horaires accablants et des salaires de misère. Plus tard elle réalisera des œuvres dénonçant la destruction de la nature par les humains, la pollution, et défendra la cause animale.

Hélène de Beauvoir apportera  son soutien aux actions du Planning familial, dès les années soixante et réalisera une trentaine de tableaux sur Mai 68,  représentatifs des révoltes des jeunes contre l’injustice. Avec Simone, elle signera en avril 1971 le Manifeste des 343 femmes déclarant avoir eu un avortement, s’engagera en Alsace aux côtés des femmes victimes de violence et participera à la fondation de SOS Femmes Solidarité-Centre Flora Tristan à Strasbourg dont elle sera présidente quelque temps. Elle recevra les femmes victimes de violence le dimanche avec leurs enfants. Ceux-ci joueront dans le jardin, parmi ses sculptures, face à l’atelier.

Après deux années de présidence, elle démissionne, mais continue son œuvre militante dénonçant l’oppression des femmes dans ses tableaux: « Un homme livre une femme aux bêtes », « Les femmes souffrent, les hommes jugent », « La chasse aux sorcières est toujours ouverte », tableaux peints dans les années soixante-dix devenus des œuvres de référence féministe.

A Strasbourg, Hélène témoigne avec succès lors d’un procès où une jeune femme accusée d’infanticide sera innocentée. Elle m’accompagne aux États-Unis dans les cliniques de santé de Californie, les Feminist Women’s Health Centers, dirigées par Carol Downer, que soutient sa sœur Simone et où des soins sont prodigués  gratuitement à celles qui en ont  besoin. Ces cliniques seront les unes après les autres attaquées, certaines détruites par les bombes posées par des activistes religieux. Après le décès de Simone de Beauvoir en 1986, Hélène  continuera jusqu’à un âge très avancé, à soutenir les féministes françaises, allemandes, belges, américaines, italiennes, espagnoles, portugaises, africaines… Elle décède le 1er juillet 2001 et repose au cimetière du Père Lachaise.

 

 

Claudine Monteil

Amie et biographe de Simone et Hélène de Beauvoir

Vice-présidente de « Femmes Monde »

Secrétaire générale de la CLEF

« Les Sœurs Beauvoir » Editions 1/Calmann-Lévy

 

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