Revue de presse féministe & internationale du 23 au 27 juin

Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 juin
20 juin, 2025
Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 juin
20 juin, 2025

Revue de presse féministe & internationale du 23 au 27 juin


IRAN

Femmes, répression et instrumentalisation du conflit

Alors que le conflit entre l’Iran et Israël s’intensifie, certaines militantes du mouvement Femme, Vie, Liberté voient dans cette guerre une potentielle opportunité historique pour renverser le régime islamique iranien. Depuis la mort de Mahsa Amini en 2022, ce mouvement incarne une opposition féministe frontale au régime, qui continue de réprimer les femmes : harcèlement, obligation de port du hijab, arrestations arbitraires…

Certaines militantes de la diaspora, comme Lilas Pakzad (association Norouz), considèrent que la déstabilisation actuelle du régime pourrait ouvrir la voie à un Iran démocratique et laïc. Dans une tribune, Norouz appelle la communauté internationale à soutenir le peuple iranien contre le régime théocratique, qualifiant ce moment de « chance historique pour la paix ».

En Iran, la répression se poursuit malgré les frappes. Une femme a ainsi reçu un SMS de la police pour port du voile mal positionné alors qu’elle fuyait Téhéran sous les bombes. Des militantes féministes comme Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix, ont été contraintes de quitter la capitale. D’autres restent emprisonnées, dans des conditions inhumaines. Mahvash Seydal, incarcérée, a appelé à des libérations temporaires des prisonnier·es politiques.

La situation est particulièrement alarmante pour les Français·es détenu·es en Iran. Cécile Kohler et son compagnon Jacques Paris, otages depuis trois ans à la prison d’Evin, ont vu leur lieu de détention directement visé par des frappes israéliennes. Leur famille réclame une exfiltration d’urgence, dénonçant des conditions de détention inhumaines (privation de lumière, isolement, épuisement). La France a déposé une plainte auprès de la Cour internationale de justice.

Enfin, certaines voix féministes, comme la réalisatrice Sepideh Farsi interrogée par Mediapart, s’insurgent contre une instrumentalisation de la cause des femmes iraniennes pour justifier des opérations militaires. Elles rappellent que la libération des femmes ne peut se faire par les bombes, mais par leur propre lutte et un soutien international fondé sur les droits humains, et non sur des logiques géopolitiques.

 

Valérie Crova, “Conflit Israël-Iran : au sein du mouvement Femme Vie Liberté, l’espoir de se « débarrasser » du régime iranien”, France Inter, le 18 juin 2025 

Isabelle Mourgere, “Détenue en Iran, Cécile Kohler « en danger de mort », selon sa soeur”, TV5 Monde, le 23 juin 2025 

Mathieu Magnaudeix, “On ne libérera pas les femmes iraniennes en bombardant leur pays”, A l’air Libre, Mediapart, le 19 juin 2025 


FRANCE

 Fête de la musique 2025 : l’inquiétude persistante

Les soupçons de piqûres dans les foules ont de nouveau marqué la Fête de la musique. Cette année, 145 personnes – en grande majorité des femmes – ont signalé aux autorités avoir été victimes de « piqûres sauvages » lors des festivités du 21 juin. Une vague d’alertes sur fond d’appels à « piquer des femmes » qui avaient circulé en amont sur les réseaux sociaux. Si 12 suspects ont été interpellés, les autorités peinent à démêler les faits.

Le ministère de l’Intérieur a recensé 145 signalements à travers le territoire, dont 21 rien qu’en Île-de-France. À Paris, deux jeunes femmes ont alerté les secours après avoir observé une marque suspecte dans le 10e arrondissement. Elles ont été conduites à l’hôpital Trousseau. Dans le 6e, un homme a été interpellé peu après qu’une femme a signalé avoir été piquée. À Asnières-sur-Seine, huit jeunes femmes ont été prises en charge après un rassemblement sur le parvis de la mairie.

Pourtant, les autorités restent réservées. Agathe Foucault, porte-parole de la Police nationale, évoque que la plupart des plaintes ne s’accompagnent pas toujours de preuve formelle : « La difficulté est que certaines ne présentent pas de traces de piqûres, et lors des prélèvements on ne détecte pas de produits dans leur corps.» 

Depuis la propagation du phénomène en 2022, les signalements se répètent à chaque grand rassemblement. Selon Félix Lemaître, journaliste et auteur de La Nuit des hommes, il ne s’agit pas tant d’un usage systématique de substances que d’une stratégie d’intimidation sexiste : « C’est l’idée de faire comprendre aux femmes que l’espace public n’est pas un lieu où elles peuvent être insouciantes. »

Pour l’Agence nationale de sécurité du médicament, la piste la plus probable reste celle de violences volontaires par objets pointus sans injection. Une hypothèse renforcée par les premiers éléments d’enquête : dans certains cas, des objets comme des cure-dents ou des aiguilles sèches auraient été utilisés.

La nouveauté de cette édition 2025 réside dans la propagation des appels à la violence en amont de la Fête de la musique. Plusieurs publications incitant explicitement à « piquer des femmes » ont circulé, notamment sur Telegram et X. La plateforme Pharos a été saisie, mais aucune diffusion massive n’a été établie, selon la police. Reste que ces appels, même isolés, peuvent produire un effet d’influence.

Pour Félix Lemaître, ces comportements s’inscrivent dans une culture masculiniste croissante, : « Par les réseaux sociaux, il y a de plus en plus d’hommes qui sont exposés aux thèses masculinistes. »

Face à l’ampleur du phénomène, plusieurs initiatives de terrain se développent. L’application Safer, qui permet de signaler une piqûre et d’être rapidement pris en charge, a été activée dans certaines zones. Des bénévoles formés à l’écoute et au soutien psychologique se mobilisent pour limiter les conséquences traumatiques.

Mais les victimes restent souvent dans le flou. Les résultats des analyses prennent du temps, les plaintes débouchent rarement sur des poursuites, et la peur s’installe.

“Fête de la musique : 145 victimes de piqûres se signalent aux autorités, 12 suspects interpellés”, Le Monde, le 22 juin 2025 

Gurvan Kristanadjaja, “Piqûres à la Fête de la musique : «C’est l’idée de faire comprendre aux femmes que l’espace public n’est pas un lieu d’insouciance»”, Libération, le 23 juin 2025 

Antoine Albertini, “Fête de la musique : après les appels à « piquer des femmes » sur les réseaux, plus d’une centaine de cas relevés”, Le Monde, le 22 juin 2025 

“Fête de la musique : que sait-on des piqûres sauvages ?”, France Culture, le 24 juin 2025 


FRANCE

  Un rapport parlementaire met en lumière les inégalités dans la parentalité

 Ce mardi 24 juin, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a voté un rapport qui détaille 44 recommandations en matière de politiques familiales, centrées sur les inégalités liées au genre et à la parentalité.

Ce mardi 24 juin, la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale a voté un rapport qui détaille 44 recommandations en matière de politiques familiales, centrées sur les inégalités liées à la parentalité. 

Ce rapport sur les politiques d’accompagnement à la parentalité, présenté par Mme Sarah Legrain (La France Insoumise) et Mme Delphine Lingemann (Les Démocrates), met en lumière les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans la sphère familiale. 

Bien que de légers progrès aient été réalisés en matière de répartition des tâches et de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, les femmes continuent d’assumer en grande majorité le rôle de « parent principal ». Elles prennent en charge 71 % des tâches ménagères et 65 % des responsabilités parentales, une charge qui pèse sur leur santé physique et mentale. Ces déséquilibres s’accentuent encore en cas de séparation, où une famille sur quatre devient monoparentale, avec dans 82 % des cas une femme à sa tête.

Le premier point principal du rapport vise à renforcer les droits liés à la parentalité et à la santé reproductive. Il recommande notamment d’allonger le congé paternité afin de favoriser un meilleur partage des responsabilités dès la naissance de l’enfant. Il propose de passer de quatre à 16 semaines de congé dont huit semaines obligatoires.

Le rapport propose également que les femmes ayant recours à une interruption volontaire de grossesse puissent bénéficier d’un arrêt maladie sans jour de carence, reconnaissant ainsi la dimension physique et psychologique de cet acte médical. Enfin, le rapport suggère d’assortir cette mesure de la possibilité, pour le conjoint, de bénéficier de trois jours de congé afin de soutenir la personne concernée.

Le deuxième grand thème est la précarité des familles monoparentales, qui sont souvent, comme mentionné précédemment, des femmes. Les rapporteuses préconisent la mise en place d’un statut spécifique pour les familles monoparentales, assorti de droits particuliers, notamment en matière de transports, de loisirs et de logement – des domaines dans lesquels les mères célibataires subissent une discrimination marquée.

Aussi, le rapport propose la défiscalisation de la pension alimentaire, comme l’a préconisé dans une récente tribune et pétition, la Fondation des femmes et diverses autres associations dont la CLEF. Les rapporteuses indiquent que cette dernière ne constitue pas un revenu, mais une «contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant», dont le seul objectif est d’en «soutenir les besoins matériels».

Le rapport plaide pour la déconjugalisation de l’Allocation de soutien familial (ASF), une aide financière destinée aux parents isolés, principalement les mères célibataires. Aujourd’hui, cette allocation est automatiquement supprimée lorsque la bénéficiaire se remet en couple, même si son·sa nouveau·elle conjoint·e n’est pas le parent de l’enfant. Cette règle revient à considérer que le·la nouveau·elle partenaire doit assumer financièrement l’enfant, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique. En conséquence, cette disposition prive de nombreuses femmes de ressources essentielles dès qu’elles entament une nouvelle relation, les plaçant ainsi dans une situation de dépendance financière vis-à-vis de leur compagnon·ne. Le rapport dénonce cette logique, estimant qu’elle porte atteinte à l’autonomie des mères seules et renforce les inégalités de genre.

Le texte préconise aussi de doubler le jour de congé « enfant malade » pour les mères solo actuellement au nombre de trois. Le but est de mieux prendre en compte la réalité des familles monoparentales, où un seul parent assume l’ensemble des responsabilités, et de leur permettre de concilier plus sereinement vie professionnelle et obligations familiales en cas de maladie de l’enfant.

En outre, le rapport met l’accent sur la nécessité de mieux accompagner la santé mentale des mères après l’accouchement. Les autrices recommandent notamment de renforcer la formation des professionnel·les de santé à la détection de la dépression post-partum, une pathologie qui toucherait entre 10 et 20 % des mères dans les semaines suivant la naissance, selon les données de la Sécurité sociale publiées en 2023.

Dans cette optique, les rapporteuses proposent plusieurs mesures concrètes. Elles suggèrent d’élargir le congé de proche aidant afin qu’un parent puisse soutenir une mère souffrant de dépression post-partum. Elles préconisent également la mise en place d’une visite facultative chez un·e psychologue, entièrement remboursée, dans les trois mois suivant l’accouchement, afin d’assurer une meilleure prévention et un accompagnement psychologique accessible à toutes.

Le rapport aborde également d’autres dimensions essentielles de la parentalité. Un quatrième axe s’intéresse ainsi à l’accompagnement des parents d’adolescents, dans un contexte où les préoccupations autour du bien-être des jeunes, en particulier leur santé mentale, sont de plus en plus vives.

Par ailleurs, les rapporteuses insistent sur l’importance de mieux intégrer la parentalité dans le monde du travail. Elles dénoncent une double injonction pesant particulièrement sur les femmes : « Travailler comme si on n’avait pas d’enfants, élever nos enfants comme si on n’avait pas de travail ». Pour y remédier, le rapport propose notamment d’accorder aux parents des autorisations d’absence, à raison de quatre demi-journées par an, afin de leur permettre de participer aux moments clés de la scolarité de leurs enfants.

Au final, les 44 recommandations formulées pourront donner lieu à des propositions de loi, à des amendements au budget ou être reprises par des entreprises.

 

Mathias, Maud. “Statut des familles monoparentales, congé paternité rallongé… Un rapport préconise un meilleur accompagnement à la parentalité”, Libération ,24 juin 2025

Arce, Charlotte. “Congé paternité, soutien aux parents solos… Ce que propose ce rapport pour « une parentalité plus égalitaire »”, Huffpost, 26 juin 2025

Rapport d’information déposé par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les politiques d’accompagnement à la parentalité, n° 1638, déposé le mardi 24 juin 2025.


FRANCE

L’Assemblée nationale s’inquiète de l’influence de TikTok sur les jeunes face à des discours sexistes

 Ouverte en mars, la commission d’enquête sur l’impact psychologique de TikTok sur les mineurs a bouclé ses auditions, parfois tendues, le mardi 24 juin. La rapporteuse Laure Miller (Ensemble pour la République) et le président Arthur Delaporte (Parti socialiste) ont notamment entendu deux influenceurs diffusant des contenus à caractère sexuel, sexiste ou misogyne, largement visionnés par des mineur·es.

Une des personnes auditionnées était Adrien Laurent, plus connu sous le pseudonyme de AD Laurent, ex-candidat de téléréalité et « acteur porno ». Pendant son audition, le mardi 10 juin, celui-ci s’est efforcé de convaincre les député·es du caractère inoffensif de ses vidéos en proclamant que ses contenus à caractère pornographique étaient postés sur des plateformes strictement réservées aux majeur·es (comme OnlyFans), pour lesquelles une double identification est nécessaire et que ceux postés sur ses réseaux publics ne sont pas dommageables pour les mineur·es de plus de treize ans, âge légal pour s’inscrire sur TikTok, deuxième réseau social d’où il a été banni après Instagram. 

Il affirmait également que ses lives (vidéos en direct) TikTok étaient uniquement accessibles aux utilisateur·rices de plus de 18 ans. Pourtant, ses lives sont régulièrement le théâtre de propos et d’échanges avec sa communauté qui dégénèrent systématiquement en allusions et commentaires à caractère sexualisant. En réalité, comme l’a montré en direct le député Arthur Delporte, pour que la restriction pour les moins de 18 ans soit mise en place lors de lives, il était nécessaire d’activer un bouton, ce que l’influenceur a reconnu ne jamais avoir fait.

Auditionné par la commission d’enquête, Alex Hitchens, de son vrai nom Isac Mayembo, est un influenceur axé sur le business et le lifestyle. « Coach en séduction », il vend aussi des formations en ligne et s’inspire notamment d’Andrew Tate, figure emblématique du courant masculiniste. Comme le rappelle Libération, Alex Hitchens surfe sur le buzz permanent, enchaînant des propos misogynes et choquants : «Citez-moi un seul domaine où les femmes sont supérieures aux hommes ? Même en cuisine, on est meilleurs.»

Après avoir écourté son audition en raccrochant au nez des députés, Alex Hitchens continue de capitaliser sur le buzz de son départ théâtral. Le 13 juin, lors d’un live diffusé sur TikTok et YouTube, il a lancé : « Je vais vous anéantir », s’en prenant au « système » qu’il accuse de vouloir le faire taire. Et depuis, de nombreux comptes affiliés sur TikTok sont créés pour partager le contenu de l’influenceur, même si son compte officiel a été banni. Les comptes affiliés sont des tiers que le créateur de contenu rémunère pour diffuser des extraits de ses vidéos sur TikTok.

Même stratégie pour AD Laurent qui, le 16 juin, a incité sa communauté à repartager son contenu contre un « complément de salaire », allant jusqu’à vendre des tee-shirts imprimés avec des extraits de son audition

Si cette commission a le mérite de poser un cadre au débat, elle contribue aussi, malgré elle, à renforcer la visibilité de ceux qu’elle interroge, qui se disent victimes du système et de la censure.

 

“Pourquoi les influenceurs DÉTESTENT les femmes ? | GASLIGHT”, Journal l’Humanité (Youtube), 24 juin 2025

Lassaussois, Augustin.“L’influenceur masculiniste Alex Hitchens, de basketteur pro à «pro» de la drague”, Libération, 14 juin 2025

Defer, Aurélien. “Comment l’influenceur masculiniste Alex Hitchens tire parti de son audition à l’Assemblée nationale”, Le Monde, 18 juin 2025

Mathias, Maud. “L’influenceur AD Laurent face aux députés : «Accepteriez-vous que votre fille de treize ans puisse suivre un homme comme vous sur TikTok ?»”, Libération, 11 juin 2025