Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 juin

Revue de presse féministe & internationale du 9 au 13 juin
13 juin, 2025
Revue de presse féministe & internationale du 9 au 13 juin
13 juin, 2025

Revue de presse féministe & internationale du 16 au 20 juin


France

Conclave des retraites : la situation des femmes au cœur des ultimes arbitrages

Les syndicats et le patronat ont discuté sur plusieurs mesures visant à corriger les inégalités de pension entre les femmes et les hommes.

Le but du conclave des retraites, qui devrait s’achever le 23 juin, est de négocier des ajustements techniques et sociaux à la réforme des retraites de 2023 (réforme Borne), notamment pour corriger certaines inégalités, en particulier celles qui touchent les femmes et les carrières longues.

Face à l’impopularité de la réforme des retraites, Matignon avait chargé les partenaires sociaux de s’entendre sur un réexamen des paramètres et des droits, à condition de préserver l’équilibre financier du régime d’ici 2030. Pour mémoire, il leur faut identifier 6,5 milliards d’euros d’économies ou de recettes pour remettre le système à l’équilibre.

Pour améliorer la pension des femmes, le Medef propose de modifier le calcul du salaire annuel moyen en le basant non plus sur les 25 meilleures années, mais sur 23 ou 24 années, afin d’intégrer davantage les trimestres liés à la maternité. Cette mesure bénéficierait aux mères, mais à condition de supprimer la surcote parentale instaurée par la réforme Borne (augmentation de 1,25 % par trimestre à partir de 63 ans, plafonnée à 5 %).

La surcote permet à une femme, qui a suffisamment cotisé (tous ses trimestres), de partir à la retraite à 63 ans (au lieu de 64), avec un supplément de pension.

Interrogée par France Télévisions, Émilie Prignot, cadre et mère de famille, pourrait bénéficier du nouveau calcul proposé par le Medef. Si elle salue l’intention, elle estime que « quelques euros de plus » ne compensent pas la perte du départ anticipé liée à la maternité. Pour elle, le vrai gain serait de pouvoir partir plus tôt.

Les syndicats ont l’air d’être d’accord avec la modification du calcul de la pension mais ils rejettent cette suppression de la surcote et proposent au contraire de l’étendre dès 62 ans afin de mieux compenser les carrières hachées des femmes.

Un autre point important a été discuté : la décote. La décote est une pénalité qui réduit le montant de la pension de retraite si la personne part à la retraite sans avoir rempli toutes les conditions. Cette mesure touche majoritairement les femmes parce qu’elles ont plus souvent des carrières interrompues ou incomplètes (congés maternité, temps partiels, etc.). Elles sont plus nombreuses à subir la décote si elles veulent partir avant 67 ans.

Ainsi, les syndicats (CFDT, CFTC) demandent de ramener l’âge du taux plein sans décote de 67 à 66 ans pour les personnes n’ayant pas tous leurs trimestres au nom de la justice sociale. Le Medef y est fermement opposé, estimant le coût à 1,2 milliard d’euros d’ici 2030.

Malgré quelques points de convergence, les désaccords semblent profonds sur les mesures clés. Le conclave a toutefois eu le mérite de mettre en lumière les inégalités que subissent encore les femmes dans le système de retraite – un enjeu désormais difficile à ignorer.

“Retraites : prendre les 23 meilleures années des mères salariées, une mesure favorable aux carrières incomplètes”, France Info, 16 juin 2025

Buyens, Louise. “Dernière réunion du conclave des retraites : quel accord possible et quels points encore en discussion ?”, ICI, 16 juin 2025

“Retraites : âge de départ, décote, carrières longues… Quels sont les sujets clés du conclave des retraites ?”, Sud Ouest, 16 juin 2025

Jacquot, Guillaume. “Réforme des retraites : les clés de la négociation finale du conclave entre syndicats et patronat”, 16 juin 2025


ITALIE & ROYAUME-UNI

Deux avancées encourageantes pour le droit à l’avortement en Europe

Alors que de nombreux pays connaissent des reculs inquiétants en matière de droits sexuels et reproductifs, deux nouvelles récentes illustrent des progrès concrets pour protéger et faciliter l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en Europe.

Royaume-Uni : la dépénalisation de l’IVG hors délai votée en Angleterre et au Pays de Galles

Le 17 juin dernier, la Chambre des communes a adopté à une très large majorité (379 voix pour, 137 contre) un amendement historique qui met fin aux poursuites pénales à l’encontre des femmes qui avortent au-delà du délai légal de 24 semaines en Angleterre et au Pays de Galles.

Jusqu’à présent, la loi britannique héritée du 19ᵉ siècle criminalisait l’avortement, ne le rendant possible qu’en deçà de 24 semaines (ou au-delà seulement si la vie de la mère est en danger ou en cas de malformation grave du fœtus). Ces dernières années, plusieurs femmes ont été poursuivies, certaines après avoir fait une fausse couche ou commandé en ligne des pilules abortives sans contrôle médical pendant la pandémie. Ces cas avaient choqué l’opinion et mis en lumière la vulnérabilité des femmes confrontées à une grossesse non désirée hors cadre médical.

Avec cette réforme, les femmes ne pourront plus être inculpées pour avoir mis fin à leur grossesse hors délai, même si les poursuites restent possibles pour toute personne (professionnel·le de santé ou tiers) qui aiderait à un avortement illégal. Les associations et syndicats de médecins, mobilisés de longue date, saluent un pas « crucial » pour écarter la menace pénale et réaffirmer l’accès sûr à l’avortement comme un droit fondamental, surtout dans un contexte international où des droits reproductifs sont remis en cause.

Cette dépénalisation ne modifie pas les délais légaux ni les conditions médicales, mais met fin à l’application répressive d’une loi victorienne qui persistait depuis plus de 160 ans. Pour les groupes de défense des droits reproductifs, il s’agit du plus grand progrès législatif en faveur de l’IVG au Royaume-Uni depuis la loi sur l’avortement de 1967.

Italie : en Sicile, une loi régionale pour garantir enfin la présence de médecins pratiquant l’IVG

En Italie, l’IVG est légale depuis 1978, mais reste dans la pratique difficilement accessible en raison du recours massif à l’objection de conscience des gynécologues, anesthésistes ou personnels soignants. Dans certaines régions, notamment dans le Sud, ce droit est gravement compromis : en Sicile, plus de 80 % des gynécologues se déclarent objecteurs, contre une moyenne nationale de 60 %. Résultat : moins de la moitié des hôpitaux siciliens pratiquent effectivement des IVG, obligeant souvent les femmes à parcourir de longues distances et à subir de multiples obstacles.

Face à cette situation, le Parlement régional de Sicile a adopté le 28 mai une loi inédite qui impose désormais aux hôpitaux publics de recruter des médecins acceptant de pratiquer l’avortement. Cette mesure introduit un critère explicite dans le processus de recrutement des soignant·es : ne pas refuser de pratiquer des IVG pour garantir une offre suffisante et un accès effectif à ce droit pour toutes les femmes.

Ce texte régional est salué comme une réponse concrète à une entrave majeure au droit à l’avortement, dans un climat politique national où le gouvernement ultraconservateur de Giorgia Meloni est accusé par l’opposition de multiplier les pressions pour décourager le recours à l’IVG. Les associations féministes et plusieurs syndicats de médecins espèrent que cette initiative sicilienne serve d’exemple pour d’autres régions où la situation reste critique.

Ces deux évolutions montrent qu’au-delà des discours conservateurs et des reculs constatés ailleurs (notamment aux États-Unis ou en Europe de l’Est), la mobilisation et les réformes législatives peuvent renforcer concrètement le droit à disposer de son corps.
Des étapes encourageantes pour rappeler qu’en matière de droits reproductifs, rien n’est acquis.

Euronews, “Dépénalisation de l’avortement tardif en Angleterre et au Pays de Galles”, le 18 juin 2025  

“Au Royaume-Uni, un vote pour décriminaliser l’IVG : “Le plus grand pas en avant depuis 60 ans”, Courrier International, 18 juin 2025

“Les députés britanniques dépénalisent l’IVG hors délai en Angleterre et au pays de Galles”, RFI, 18 juin 2025

“En Italie, la Sicile adopte une loi qui oblige les hôpitaux à embaucher des médecins pratiquant l’IVG”, France Info, 29 mai 2025

“La Sicile oblige ses hôpitaux à recruter des médecins pratiquant l’avortement”, Brut, 30 mai 2025 

Duvic, Bruno. “En Sicile, une loi oblige désormais les hôpitaux à embaucher des médecins acceptant de pratiquer l’IVG”, Radio France, 29 mai 2025

“Droit à l’avortement : en Sicile, une loi oblige les hôpitaux publics à recruter des médecins pratiquant l’IVG”, Le Monde, 28 mai 2025


FRANCE

 #MeToo Police : un silence institutionnel plus tenable

Les enquêtes de Disclose et Libération révèlent ce qu’il ne faut plus ignorer : dans les commissariats, derrière les uniformes censés incarner la loi et la protection, prospèrent encore trop souvent des comportements prédateurs, couverts par l’omerta de la hiérarchie et le confort d’une culture d’impunité.

Les chiffres suffisent à dire l’ampleur du scandale : 429 victimes recensées depuis 2012, 215 policiers et gendarmes mis en cause, des affaires qui s’étirent dans le temps et se répètent, malgré des antécédents connus, malgré les signalements, malgré les alertes. D’autant plus, que ces violences frappent en priorité celles et ceux qui se trouvent déjà en position de vulnérabilité extrême : femmes victimes de conjoints violents, personnes migrantes, jeunes interpellé·es, collègues isolé·es dans une institution encore trop fermée à la parité et au respect de ses propres codes de déontologie.

Il prospère parce qu’il reste non préjudiciable pour les auteurs : rares sont les révocations, rares sont les peines exemplaires. Tout juste quelques exclusions temporaires, des sursis, et souvent la réintégration, loin de la lumière.

Huit ans après #MeToo, voir ces violences s’enraciner au cœur même de l’institution chargée de les combattre est un échec politique. Il ne suffit plus de brandir des plans de formation, des chartes d’éthique et quelques cellules d’écoute. Disclose suggère des interdictions claires, inscrites noir sur blanc dans le code de la sécurité intérieure. Ainsi, qu’un pouvoir disciplinaire qui ne se contente plus d’étouffer les scandales, mais qui radie, juge et condamne.

Quand la police viole ou harcèle, la confiance s’effondre, la loi perd son sens, et la parole des victimes s’éteint. Celles qui franchissent encore la porte d’un commissariat doivent savoir qu’elles ne sont pas en danger. C’est maintenant à la justice, au Parlement et à la société toute entière de rappeler aux forces de l’ordre qu’elles sont là pour protéger.

UNION EUROPEENNE 

Violences sexuelles sur mineur·es : vers une harmonisation européenne sans délai de prescription

Les eurodéputé·e·s ont envoyé un signal fort, mardi 17 juin, en se prononçant très majoritairement pour la suppression des délais de prescription dans les affaires de violences sexuelles commises sur des mineur·e·s. Une position symbolique, qui relance un débat complexe à l’échelle européenne.

Les eurodéputé·e·s ont envoyé un signal fort, mardi 17 juin, en se prononçant très majoritairement pour la suppression des délais de prescription dans les affaires de violences sexuelles commises sur des mineur·e·s. Une position symbolique, qui relance un débat complexe à l’échelle européenne.

Réunis en session à Strasbourg, 599 député·e·s ont voté pour, seul·e·s 2 s’y sont opposé·e·s et 62 se sont abstenu·e·s. Cette première lecture ouvre désormais une phase de négociations avec les Etats membres et la Commission européenne, qui privilégient actuellement un simple allongement des délais plutôt qu’une suppression.

« Il ne peut y avoir de délai pour la justice lorsqu’il s’agit de violences sexuelles sur des enfants », a défendu Jeroen Lenaers, rapporteur du parlement et élu néerlandais du Parti populaire européen (PPE).

Au-delà de la prescription, le Parlement européen souhaite adapter l’arsenal juridique à l’évolution des formes de pédocriminalité, notamment sur Internet et via l’intelligence artificielle. La directive de 2011 est jugée obsolète face à la prolifération d’images pédopornographiques générées par IA.

Le texte voté mardi prévoit de réprimer plus sévèrement la création, la diffusion et la possession de ces contenus. « Les contenus réalistes issus de l’intelligence artificielle doivent être considérés de la même manière que les contenus réels », insiste Jeroen Lenaers.

Le texte doit désormais être examiné par les États membres, qui restent souverains sur leur droit pénal. Si l’harmonisation semble complexe, le vote historique de Strasbourg montre une volonté politique de placer les droits des enfants au-dessus des divergences nationales. Un deuxième vote est attendu dans les prochains mois après la phase de négociation.

“Violences sexuelles sur mineurs : le Parlement européen favorable à la suppression des délais de prescription”, Le Monde, le 17 juin 2025 

“Violences sexuelles sur mineurs : les eurodéputés favorables à la suppression de la prescription”, EURACTIV France, 18 juin 2025 

“Pédocriminalité : le Parlement européen pour plus de fermeté, y compris contre les IA”, Le Dauphiné, le 17 juin 2025 

“Violences sexuelles sur mineurs : les eurodéputés favorables à la suppression de la prescription”, FranceInfo, le 17 juin 2025