
Revue de presse féministe & internationale du 2 au 6 juin
4 juin, 2025Revue de presse féministe & internationale du 9 au 13 juin
Argentine
Quatre ans après la légalisation de l’avortement, les droits reproductifs attaqués
Le 28 mai, à l’occasion de la Journée internationale d’action pour la santé des femmes et des 20 ans de la Campagne nationale pour le droit à l’avortement, les bandanas verts ont fleuri à nouveau dans les rues argentines.
Depuis son arrivée au pouvoir en décembre 2023, le président d’extrême droite Javier Milei a engagé un démantèlement systématique des politiques de santé sexuelle et reproductive.
Dans un contexte économique désastreux et de régression sociale, Javier Milei mène une offensive idéologique contre ce qu’il appelle « l’idéologie de genre ». Dès son investiture, il a supprimé le ministère des Femmes, des genres et de la diversité, coupé les financements aux programmes de lutte contre les violences faites aux femmes, et cessé la distribution gratuite de contraceptifs et de pilules abortives. Résultat : en 2024, le système de santé publique a distribué… zéro traitement abortif, contre 166 000 l’année précédente.
Selon Amnesty International, les demandes d’aide liées à l’accès à l’avortement ont bondi de 275 % cette année. « L’Argentine devient un laboratoire des politiques régressives en matière de droits humains, notamment en matière de droits sexuels et reproductifs », alerte Mariela Belski, avocate féministe argentinienne et militante des droits humains. Le pays s’inscrirait dans une dynamique mondiale inspirée notamment par la très conservatrice Heritage Foundation, et partagée par des figures telles que Donald Trump, Viktor Orbán ou Giorgia Meloni, avec lesquels Javier Milei revendique des affinités idéologiques.
Dans les faits, cette politique antiféministe prend des formes concrètes : coût exorbitant des médicaments abortifs (jusqu’à 160 dollars) et chute de 64 % en deux ans de la distribution de contraceptifs à l’échelle nationale. Le président a même annoncé vouloir abroger la circonstance aggravante de féminicide dans le Code pénal, mesure pourtant vitale dans un pays marqué par une forte prévalence des violences sexistes.
Face à cette offensive, les féministes argentines s’organisent. Le 28 mai, la Campagne nationale pour le droit à l’avortement a réaffirmé sa mobilisation : « Nos droits sexuels sont en danger. » Dans les villes, les femmes construisent aussi des résistances concrètes autour du logement, de l’autonomie économique, et de la solidarité. Comme l’écrit une banderole du collectif féministe la Revuelta : « Les jours heureux ont été et seront féministes. ».
Pagina 12, “Pañuelazos en todo el país en defensa del aborto legal”, le 29/05/2025
FRANCE
Les syndicats de la fonction publique alertent contre un décret sexiste et injuste envers les agentes en situation de grossesse
A travers un courrier adressé au gouvernement ce 6 juin 2025, les huit organisations syndicales de la fonction publique (CGT, FO, CFDT, FSU, Unsa, Solidaires, Fédération autonome et Solidaires) ont dénoncé, ensemble, une mesure sexiste qui pénalise les agentes pendant leur grossesse.
De quelle mesure s’agit-il exactement ?
À compter du 1er mars 2025, le décret n° 2025-197 du 27 février 2025 est venu modifier les conditions de rémunération de tous·tes les agent·es publics en congé de maladie ordinaire, réduisant leur rémunération à 90 % (soit une baisse de 10 %) pendant les 3 premiers mois et à 50 % pendant les 9 mois suivants, sans distinction de la cause de l’arrêt maladie.
Par conséquent, il ne prévoit pas de dispositions particulières pour les femmes enceintes. Ainsi, les femmes en situation de grossesse placées en congé maladie ordinaire – hors congé pour grossesse pathologique ou congé maternité – subissent une perte de rémunération de 10 % par rapport à avant. De ce fait, une femme enceinte contrainte de prendre un arrêt sur avis médical subit une baisse de rémunération.
Les huit organisations syndicales dénoncent « une sanction financière injuste sans tenir compte des réalités médicales, sociales ou professionnelles liées à leur grossesse » qui vient s’ajouter aux inégalités sexistes systémiques déjà bien présentes dans la fonction publique (inégalités salariales, retard de promotion, carrières hachées, temps partiels imposés, précarité contractuelle).
Selon Ouest France, le gouvernement justifie cette mesure par une volonté de réduire « l’impact des absences pour raison de santé de courte durée sur le fonctionnement des services ».
« Pour nos organisations syndicales, sanctionner les femmes parce qu’elles sont enceintes ne relève pas d’une politique liée aux contraintes budgétaires : c’est une régression, c’est une attaque contre les toutes les femmes et c’est une faute. » – extrait de la lettre ouverte
Ainsi, les syndicats exigent du gouvernement « un retrait clair et assumé de cette mesure inégalitaire » et « la garantie pleine et entière du maintien de salaire pour toute femme enceinte placée en congé maladie ordinaire sur avis médical quelle qu’en soit la nature ».
Avant l’entrée en vigueur de la mesure, certains syndicats, comme l’UNSA Fonction Publique, avaient d’ailleurs lancé une pétition, et d’autres, comme la CFE-CGC, ont déposé un recours contre cette mesure.
En outre, les syndicats exigent aussi que les politiques de santé au travail dans la fonction publique prennent réellement en compte la santé globale des femmes au travail mais aussi les parcours de maternité (par exemple, possibilité de télétravail) et le retour à l’emploi (comme l’aménagement de poste).
FRANCE
La série « Adolescence » bientôt en classe : un nouvel outil contre la violence et la misogynie en ligne
Phénomène international depuis sa sortie sur Netflix, la série britannique Adolescence franchit un nouveau cap : dès la rentrée prochaine, des extraits seront diffusés dans les collèges et lycées français, à partir de la classe de quatrième, dans un cadre pédagogique.
Une initiative portée par le ministère de l’Éducation nationale, avec pour ambition de sensibiliser les jeunes à l’impact des réseaux sociaux, à la propagation des discours masculinistes, et à la banalisation de la violence sexiste en ligne.
La ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, a annoncé que cinq séquences, tirées de la mini-série, seront proposées aux établissements scolaires. Déjà expérimentée au Royaume-Uni, la démarche vise à déclencher le débat en classe et à prévenir la radicalisation idéologique de certains adolescents, particulièrement face aux modèles de virilité toxique qui circulent en ligne.
Adolescence suit le parcours de Jamie, un adolescent de 13 ans, soupçonné d’avoir poignardé une camarade de classe. À travers une narration en plan-séquence, la série plonge dans les rouages psychologiques et sociaux qui mènent à l’irréparable : fascination pour des figures misogynes sur les réseaux, isolement, perte de repères… Autant de signaux d’alerte que la série s’efforce de rendre visibles, en donnant aussi à voir la sidération des proches et l’impuissance des adultes.
Face aux résistances de certains responsables politiques, en particulier au Royaume-Uni, la série continue de faire débat – preuve de son impact dans les sphères éducatives comme dans l’espace public.
En France, cette décision fait suite à une mobilisation citoyenne, notamment celle de Laëtitia Curetti, mère d’un adolescent de 13 ans, qui avait interpellé la ministre et lancé une pétition en faveur de la diffusion scolaire de la série. Pour elle comme pour de nombreux enseignants, ce nouveau support peut ouvrir des discussions essentielles sur les risques du numérique, le sexisme, le harcèlement et la violence.
Dans un contexte marqué par une recrudescence des violences scolaires, la diffusion d’Adolescence en classe se veut un outil pédagogique fort pour accompagner les élèves dans leur construction citoyenne, émotionnelle et sociale. La lutte contre les violences sexistes commence dès les bancs de l’école.
FranceInfo, “ »Adolescence » : la série bientôt diffusée en classe”, le 10/06/2025
SYRIE
La tenue du burkini ou de vêtements couvrants rendue obligatoire sur les plages publiques
Ce mardi 10 juin, les nouvelles autorités islamiques, ici le ministère du tourisme, ont rendu obligatoire la tenue du burkini ou de vêtements couvrant sur les plages publiques.
Pour contextualiser, le 8 décembre 2024, l’ancien régime autoritaire de Bachar al-Assad a été renversé par la coalition islamique dirigée par Ahmad al-Charaa, devenu président intérimaire du pays. Depuis, de nombreuses personnes, qui s’étaient exilées, sont revenues en Syrie dans l’espoir de reconstruire le pays. Malgré tout, la population, notamment les femmes, restent vigilantes quant au manque de garanties démocratiques sous le pouvoir actuel d’Ahmad al-Charaa, qui concentre tous les pouvoirs et qui ne prévoit pas d’élections avant cinq ans.
Cette vigilance semble renforcée par cette récente décision qui restreint encore plus clairement les libertés individuelles des femmes, même si peu d’entre elles portaient un maillot de bain sur les plages publiques de la Syrie conservatrice.
Cependant, cette restriction ne concerne pas les clubs ni les établissements privés jugés luxueux (fréquentés par une clientèle plus occidentale).
En outre, hors des zones de baignade, le ministère souligne qu’il est aussi nécessaire de porter « des vêtements amples et de couvrir les épaules et les genoux » sans préciser si ces mesures concernent les femmes et les hommes. Aucune sanction n’est indiquée en cas de violation de ces règles.
Malgré tout, comme le montre Franceinfo à travers le témoignage de deux Syriennes revenues au pays, les Syriennes comptent bien avoir leur mot à dire dans la “construction de la nouvelle Syrie”.
Remarquant avec joie que la liberté de parole a été retrouvée, Dima Moussa, une des femmes interrogées, dénonce, à son tour, le manque d’inclusion des femmes dans les postes de haut niveau. L’avocate fait d’ailleurs partie du Mouvement politique des femmes syriennes (MPFS), créé en 2017, est un mouvement féministe qui a tenu sa première conférence de presse en janvier 2025. Ce mouvement milite pour que les Syriennes représentent au moins 30 % des effectifs dans la vie politique.
Doua’a, une autre jeune Syrienne de 24 ans, qui a dû quitter le pays avec sa famille durant son enfance et qui est revenue à la fin du régime confie à France info : « J’ai le droit d’exister. J’ai le droit de voter, de faire entendre ma voix et de participer au changement ».