
Revue de presse féministe & internationale du 26 au 30 mai
28 mai, 2025Revue de presse féministe & internationale du 2 au 6 juin
Pologne
Le candidat nationaliste pro-Trump, Karol Nawrocki, a remporté l’élection présidentielle en Pologne
Karol Nawrocki, soutenu par le parti nationaliste-conservateur Droit et justice (PiS), a été élu avec 50,89 % des voix, devançant de peu le maire libéral de Varsovie, Rafal Trzaskowski.
“La Pologne d’abord, les Polonais d’abord” – slogan de Karol Nawrocki.
En plus d’être profondément nationaliste et eurosceptique, critiquant l’Union européenne et dénonçant les aides accordées aux réfugié·es ukrainien·nes en Pologne, le futur président de Pologne se présente comme un défenseur des valeurs polonaises traditionnelles et catholiques, ce qui va impacter la lutte féministe polonaise pour l’accès à l’IVG.
Même si, en Pologne, le président a un rôle principalement symbolique, il est quand même doté d’un pouvoir de veto crucial. Un pouvoir de veto que l’ancien président, Andrzej Duda, ne s’était pas empêché d’utiliser afin de bloquer les réformes libérales que le Premier Ministre, Donald Tusk, avait promis depuis 2023, telles que l’introduction des unions civiles ou la libéralisation de la loi sur l’avortement, qui est très stricte.
Ainsi, selon les analystes, la victoire de Karol Nawrocki risque, comme dans le cas précédent, de bloquer le programme progressiste du gouvernement concernant notamment la libéralisation du droit à l’avortement en Pologne.
Au fil de la campagne pour la présidentielle, de nombreuses polémiques sont venues entraver sa campagne comme l’enquête du site internet polonais d’informations Onet qui a affirmé que cet historien et boxeur de 42 ans, futur président, aurait participé à un réseau de proxénétisme dans un grand hôtel d’une station balnéaire située sur la mer Baltique où il travaillait comme garde il y a une vingtaine d’années.
Malgré son passé “aux multiples casseroles” selon Libération, il a reçu le soutien et les félicitations de nombreuses personnalités d’extrême droite internationales. Avant son élection, il a notamment reçu le soutien du président Donald Trump lors d’une visite à Washington et d’autres figures conservatrices états-uniennes.
En France, la cheffe des députés RN, Marine Le Pen, a salué sa victoire sur le réseau social X en qualifiant la victoire du candidat de “bonne nouvelle”, pointant « un désaveu pour l’oligarchie de Bruxelles ».
Il en est de même pour le président hongrois Viktor Orban qui a déclaré être impatient de travailler avec lui.
Il sera investi le 8 août pour un mandat de 5 ans.
CORÉE DU SUD
Les femmes coréennes, “invisibles” de l’élection présidentielle
Les Coréennes ont été les premières à manifester pendant six mois contre l’instauration de la loi martiale du président sortant Yoon Suk Yeol — un mouvement qui a conduit à sa destitution. Pourtant, elles se sont senties totalement invisibles lors de l’élection présidentielle qui s’en est suivie.
Pour contextualiser, l’ancien président M. Yoon avait remporté l’élection présidentielle en 2022, en promettant de supprimer le ministère de l’Égalité des genres et de la Famille. Il ne l’a pas fait, mais comme le précise le journal Le Monde, “pendant ses trois années au pouvoir, l’indice mesurant l’égalité des genres a reculé pour la première fois depuis 2010.”
En outre, ces dernières années, les violences conjugales, les féminicides et les crimes sexuels en ligne ont augmenté dans le pays. Selon la police nationale coréenne, le nombre de crimes violents au sein des couples est en forte hausse depuis 2023.
Ce déséquilibre s’observe également dans la sphère politique : la représentation des femmes en Corée du Sud demeure largement insuffisante. Elles n’occupent que moins de 20 % des sièges parlementaires, loin derrière la moyenne de l’OCDE (33,8 %).
Cette sous-représentation s’est encore accentuée lors des dernières élections présidentielles, marquées par l’absence totale de candidates — une première depuis près de deux décennies.
Il faut également noter que les deux principaux candidats, le conservateur Kim Moon-soo et le libéral Lee Jae-myung (du parti d’opposition) élu président, sont restés silencieux sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Comme l’indique le journal Libération, le grand favori Lee Jae-myung, qui vient d’être élu président, ne recueillait pas les faveurs des participantes au défilé féministe du 10 mai : « Lee Jae-myung ne s’intéresse pas aux politiques de genre. Je le déteste. » – Kim Mi-hyun, membre du centre d’aide aux victimes de violences sexuelles en Corée.
Arrivé troisième lors de cette présidentielle à un seul tour, le conservateur masculiniste Lee Jun-seok (Parti de la Réforme) avait tenu des propos insultants envers les femmes lors d’un débat télévisé, le 27 mai : « Si quelqu’un dit qu’il veut enfoncer des baguettes dans le vagin d’une femme, est-ce misogyne ? ». Ces propos visaient notamment le démocrate Lee Jae-myung, dont le fils, Dong-ho, a été condamné en octobre 2024 à une amende pour des paris illégaux et la diffusion de contenus obscènes.
Ces propos ont suscité de vives réactions en Corée. L’organisation féministe Korea Women’s Hotline a déclaré : « Il est inacceptable qu’un candidat à la présidence propage publiquement des propos violents et dénigrants envers les femmes. »
Auparavant, ce candidat avait été chassé du parti conservateur sud-coréen (Parti du Pouvoir populaire) l’été 2022, pour avoir acheté un acte sexuel auprès d’une femme en situation de prostitution, puis avoir tenté de la rémunérer pour qu’elle nie les faits.
À l’approche des élections, une étudiante de 24 ans, An Byunghui s’était exprimée à la BBC: “Beaucoup d’entre nous avaient le sentiment d’essayer de rendre le monde meilleur en participant aux rassemblements [anti-Yoon]. Mais maintenant, je me demande si quelque chose s’est vraiment amélioré… Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils essaient d’effacer les voix des femmes. »
Tu, Jessie. “As South Koreans head to polls, women are not happy”, Women’s Agenda, 02 juin 2025
FRANCE
Victoire du PSG en Ligue des champions : entre célébration sportive et violences masculines
En marge de la victoire du PSG en Ligue des champions samedi 31 mai, la fête a laissé place à un déferlement de violences majoritairement masculines, aussi bien dans l’espace public que dans la sphère privée.
À Dax, un adolescent de 17 ans a été tué de plusieurs coups de couteau lors d’un différend antérieur avec l’agresseur, un meurtre qualifié d’« assassinat » par le parquet.
Face à ces scènes de chaos et la multiplication des témoignages de femmes sur les réseaux sociaux, un billet de Johanna Luyssen dans le journal Libération a dénoncé l’impunité et la banalisation des violences masculines ritualisées lors de grands événements sportifs, rappelant que les femmes, en particulier, renoncent à occuper l’espace public dans ces moments. On peut y lire : “comme un peu partout sur les réseaux, une litanie de commentaires de femmes affligées, effrayées, exaspérées. Et sur les images : des hommes violents dans les rues, violents chez eux, violents tout court.”
Les chiffres sont accablants : les hommes commettent l’écrasante majorité des agressions et homicides. Plutôt qu’une réponse uniquement sécuritaire, des voix s’élèvent pour réclamer des politiques publiques féministes ambitieuses, incluant l’éducation non genrée et la prévention des violences dès le plus jeune âge.
Quotidien, “c’était pas la fête pour tout le monde”, 03/06/2025
FRANCE
Pornhub, YouPorn, Redtube : blocage des sites porno en France, bras de fer autour de la protection des mineur·es
À partir du 4 juin, les utilisateurs français n’auront plus accès aux contenus ponographiques des plateformes Pornhub, YouPorn et Redtube et verront à la place une image de « La Liberté guidant le peuple » de Delacroix et un message “la liberté n’a pas de bouton off”. Le groupe Aylo, maison mère de ces sites, suspend l’accès depuis la France pour protester contre l’obligation de vérification de l’âge des utilisateurs.
Cette décision intervient alors que l’ARCOM détiendra dès le 6 juin la possibilité de prononcer un blocage administratif de ces plateformes, en l’absence de conformité avec la législation française. Depuis mars, la loi française oblige tous les sites pornographiques, qu’ils soient basés en France, dans l’UE ou ailleurs, à mettre en place une vérification de l’âge des usagers. Fini le simple clic « J’ai plus de 18 ans » : un dispositif technique respectant le principe du double anonymat est désormais exigé. Il permettra de prouver la majorité de l’utilisateur sans révéler son identité, via une authentification par un tiers de confiance, une vérification de carte bancaire ou une solution faciale non biométrique. Si aucun dispositif n’est mis en place, l’ARCOM pourra ordonner leur blocage administratif sans décision judiciaire.
Une mesure que refuse d’appliquer Aylo, qui dénonce une législation « symbolique, inutile et dangereuse ». Le groupe prône une solution différente, en renvoyant la responsabilité aux GAFAM (Apple, Microsoft, Google,…) qui ont selon son PDG Salomon Friedman les moyens techniques de s’assurer de l’âge des utilisateurs. Les sites pornographiques tels que Pornhub et autres ont un modèle économique basé sur la consommation de masse : gratuits, ils génèrent des revenus sur la base des publicités. Aylo, bien qu’il ne l’admet pas publiquement, n’a en réalité pas intérêt à ce que les mineur·es n’accèdent plus à leur plateforme puisqu’ils constituent un revenu mais également, les consommateur·rices majeur·es de demain.
Pour les autorités françaises, l’objectif est clair : protéger les mineur·es de l’exposition à des contenus pornographiques. « Demander aux sites de vérifier l’âge, ce n’est pas stigmatiser les adultes mais juste protéger nos enfants », a affirmé Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique. Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité femmes-hommes, s’est réjouie du retrait du groupe : « Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir. ».
En France, près de 40 % des enfants accèdent à du contenu pornographique chaque mois selon l’Arcom. En moyenne, l’exposition à la pornographie intervient à l’âge de 10 ans, de façon involontaire. Ces chiffres sont alarmants quand on connaît les contenus hébergés sur ces sites : des pratiques violentes, à l’intersection entre racisme et sexisme et qui banalisent les violences. D’ailleurs, la majorité des images accessibles sur ces sites montrent des actes illégaux (inceste, violences physiques, etc).
Le bras de fer français s’inscrit dans une dynamique européenne. Fin mai, l’Union européenne a ouvert une enquête contre Pornhub, XNXX, XVideos et Stripchat pour manquement présumé à la protection des mineur·es. En ligne de mire : l’absence d’outils « appropriés » de vérification d’âge, alors que ces géants cumulent chacun plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels en Europe.
Sous couvert de « liberté » dans la création de ce qu’ils nomment “art”, ces plateformes se posent en victimes de la censure. Pourtant, ce débat dépasse la simple régulation technique : il touche à la marchandisation des corps, à la banalisation de la violence sexuelle et à la domination d’une industrie qui pèse des milliards.
INTERNATIONAL
Étienne-Émile Baulieu, inventeur de la pilule abortive, est décédé à 98 ans
Le médecin et chercheur français, pionnier de la contraception, est décédé le 30 mai à Paris. Inventeur de la pilule abortive RU 486 en 1982, il a profondément marqué la recherche sur les hormones et les droits des femmes. Résistant à 15 ans, endocrinologue et fondateur de l’Institut Baulieu, il a aussi travaillé sur le vieillissement et les maladies neurodégénératives. Cible des mouvements antiavortement, il restera une figure majeure du progrès scientifique et féministe.