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Tribune Libre – Huguette Klein

La GPA vue à travers trois personnages d’un roman

 

Parution d’un nouveau roman d’Alice Ferney lors de cette dernière rentrée littéraire. Sans même savoir quel va en être le sujet, je sais que je vais le lire car j’ai lu presque tous ses livres depuis la découverte de cette romancière avec Grâce et dénuement, il y a plusieurs années déjà. Elle traite de divers sujets de société et pour cela fait de nombreuses recherches, lit de nombreux travaux. C’est ce que j’ai appris en étant allée à deux ou trois cafés littéraires. Écrire un roman pour elle est un long travail, c’est pourquoi elle en publie un tous les trois ans environ.

Avant de lire ce nouveau roman, l’Intimité, j’apprends qu’Alice Ferney était invitée à l’émission Répliques de France Culture https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/nouvelles-naissances. C’est à ce moment que je découvre que son roman parle de la GPA. Ma curiosité grandit encore ! Mais bonne surprise, Alice Ferney se positionne clairement contre la GPA. Elle a face à elle Sabine Prokhoris, psychanalyste, qui admet une soi-disant GPA éthique. Alors que cette dernière défend sa position au travers de quelques patient·es qui y ont eu recours, Alice Ferney apporte des arguments convaincants parce qu’elle s’est, comme toujours, très bien documentée : lecture de nombreux articles, visite de sites proposant des agences, des avocat·es…vantant l’altruisme de ces mères porteuses. Je la cite : « En terme de discours, ces agences de GPA disent toujours aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre. Par exemple, à la mère qui n’a pas d’ovocyte mais peut porter l’enfant : on va lui dire que la grossesse fait tout !  Au contraire à celle qui a des ovocytes mais qui ne peut pas porter l’enfant : on va lui dire que la grossesse ce n’est rien du tout ! Ce qui m’a frappée c’est ce paquet de contradictions. »

Même si après cette émission on a une trame du roman, il est vraiment intéressant, voire passionnant, à lire. Les protagonistes : Sandra, une libraire féministe, célibataire par conviction, qui a décidé de longue date qu’elle ne serait pas mère ; Alexandre, un père architecte qui cherche une nouvelle compagne ; Alba, une enseignante fière de son indépendance qui s’est inscrite sur un site de rencontres. La compagne d’Alexandre meurt en couches et Alexandre est sous le choc à la fois dans l’incompréhension et la culpabilité car c’est lui qui voulait cet enfant. Deuil difficile malgré le soutien et l’amitié de Sandra jusqu’à ce qu’après quelques années il s’inscrit sur un site de rencontre. Il finit par épouser Alba qui souhaite, pour elle-même recourir à la GPA après s’être abondamment documentée sur Internet. Beaucoup de discussions entre nos trois personnages.

C’est un roman, mais cela pourrait être une histoire réelle et je pense qu’il doit y avoir des cas où cela se passe ainsi : des femmes qui tombent sous l’emprise de médecins, d’avocates, des femmes à qui on fait croire que les mères porteuses (aux USA dans ce roman) sont des femmes très généreuses – et tant si en plus cela leur permet de se payer quelques superflus. Alice Ferney décrit aussi, parfois avec des mots assez crus mais réalistes, l’envers du décor, ce que ces mères porteuses subissent avant et pendant la grossesse. Je ne citerai qu’une phrase d’une protagoniste du roman : « Une GPA est un viol technique en bande organisée. »

Nous savons qu’il n’est pas toujours facile de défendre l’abolition de la GPA, même auprès de proches, de collègues. Alors pourquoi pas lire, faire lire, offrir un roman qui pourrait y participer!

 

Bonne lecture à celles et ceux qui liront : Alice Ferney, l’Intimité, Actes Sud, 2020

Huguette Klein

Présidente de REFH

Secrétaire générale de la CLEF

 

 

Ces tribunes libres n’engagent que leur(s) autrice(s).