La prostitution est le summum de la domination masculine
Tant qu’il y aura dans le monde des groupes, des sociétés composées d’hommes, et hélas de femmes, qui prétendent qu’on peut acheter un corps féminin pour en faire une marchandise, la question de l’égalité femme-hommes ne pourra pas être réglée. La prostitution est l’arme de destruction massive du féminisme, aux mains de la domination masculine et du patriarcat, incarnés par le système prostitutionnel. La prétendue liberté de la femme de vendre son corps ne tient pas compte des traumatismes et des conditions économiques qui conduisent des femmes, voire de très jeunes filles, à la prostitution. « Dire que les femmes ont le droit de se vendre, c’est masquer que les hommes ont le droit de les acheter », aimait à dire Françoise Héritier.
Position abolitionniste de la France
En parallèle avec l’évolution de la répression légale concernant les violences sexuelles exercées par les hommes sur les femmes, la volonté de libérer les Françaises et les Français de la prostitution s’est donc imposée. La France a renforcé sa position abolitionniste envers la prostitution en votant une loi – le 13 avril 2016 – qui renforce les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle ; qui responsabilise les « clients » ; qui lutte contre le système prostitutionnel (proxénétisme) ; qui dépénalise les personnes prostituées en les accompagnant si elles souhaitent sortir de la prostitution ; qui prend en charge des mesures de prévention. Loin d’être parfaite, elle est une première étape à visée pédagogique et de changement culturel.
Mobilisation des soutiens de la prostitution
Mais dans la période actuelle, les antiabolitionnistes se déchaînent et nous assistons, dans les milieux féministes, à une attaque et à une mobilisation sans précédent, tant au niveau national qu’international, pour légaliser et réglementer la prostitution et pour la faire reconnaître comme un métier.
La synergie créée par ces attaques n’est pas un hasard : c’est le fruit d’un mouvement décentralisé et masqué, mais qui se développe au niveau mondial. L’industrie du sexe est très lucrative et est soutenue par des lobbies puissants ; la prostitution est une industrie qui rapporte 3,2 milliards d’Euros [1] en France, plus de 1,5 milliard en Grèce (soit environ 0,70 % du PIB du pays), plus de 2 milliards d’euros dans la Fédération de Russie, jusqu’à 18 milliards d’euros en Espagne. Sous prétexte de liberté, les antiabolitionnistes qui soutiennent le travail du sexe instillent leurs revendications dans les organisations internationales.
En France, l’année 2020 est celle du bilan de la loi de 2016 contre le système prostitutionnel et ses opposants cherchent d’autant plus à la discréditer.
Quelques exemples de ces récentes attaques :
En France,
Le 13 novembre 2018, une question prioritaire de constitutionnalité est déposée contre la loi de 2016, par Médecins du monde, le Syndicat du travail sexuel, Aides, Fédération parapluie rouge, Les amis du bus des femmes, Cabiria, Griselidis, Paloma et Acceptess-t, etc. Mais la décision du Conseil du 1er février 2019 déclare la loi conforme à la Constitution et déboute la demande d’invalidation de la pénalisation du client.
À la suite de cette décision du Conseil, le 19 décembre 2019, 250 personnes prostituées et 19 associations dont Act Up, Aides, Inter-LGBT, le Planning familial, le Syndicat du travail sexuel (Strass), le Sidaction et Médecins du Monde, « attaquent l’État » devant la CEDH pour obtenir l’abrogation de la loi du 13 avril 2016 pénalisant les clients de prostitué.es (saisine en cours).
Il est remis au premier plan de l’actualité avec la saisine du Comité consultatif national d’éthique par la secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des Personnes handicapées, Sophie Cluzel, le 8 février 2020. Elle demande une nouvelle réflexion pour autoriser les personnes handicapées à bénéficier de services sexuels, mettant l’accent sur le caractère humaniste et thérapeutique des relations sexuelles, mais sans se préoccuper des femmes dont le corps serait une nouvelle fois à disposition des prétendus « besoins » des hommes handicapés !
Ils donnent la parole aux prostituées qui soutiennent le « travail du sexe » sans présenter d’avis contradictoires. Le dernier exemple en date est celui du journal du soir d’ARTE du 22 mai 2020 qui montre les difficultés des « travailleurs du sexe » dans le cadre du coronavirus et du confinement. Les abolitionnistes qui proposent d’accompagner les personnes prostituées à sortir de la prostitution (si elles le souhaitent) ne sont pas cités.
Au niveau international
Ces demandes appelant à décriminaliser les tenanciers de bordels sont reprises par Amnesty international. On apprend ensuite que Alejandra Gil, co-présidente du groupe consultatif d’ONU Sida sur le VIH et le travail du sexe, a été condamnée pour proxénétisme et traite à des fins sexuelles en mars 2015, à Mexico, à 15 ans de prison[3].
Nouvelle marchandisation du corps des femmes : la GPA
Appel aux féministes et aux abolitionnistes : Nous appelons toutes les associations abolitionnistes et toutes les militantes féministes dont nos amies de la CLEF, les survivantes, les témoins, les partis… à prendre conscience qu’un enjeu capital est en train de se jouer en France, mais surtout dans les organisations et les activités internationales et que seule une mobilisation unitaire et collective pourra éviter le « backlash » prévisible.
Claire Desaint
vice-présidente de Réussir l’égalité Femmes-Hommes
et co-présidente de Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir
Nicole Fouché
vice-présidente de Réussir l’égalité Femmes-Hommes
et Responsable de la Commission Europe et internationale de la Coordination française pour le Lobby européen des femmes.